J'ai l'honneur de vous présenter mon rapport sur les crédits des programmes concernant le logement inscrits au projet de loi de finances pour 2013.
Je souhaite au préalable vous indiquer que la mission qui comprend ces programmes a évolué depuis l'année dernière : la mission « Ville et logement » a été remplacée par une mission « Égalité des territoires, logement et ville » qui comprend désormais cinq programmes, dont quatre portant sur le logement.
Mon rapport s'organise en trois temps : tout d'abord, je montrerai dans quelle mesure la politique menée au cours de la dernière décennie en matière de logement pèse sur la politique qui peut être menée aujourd'hui ; ensuite, je m'intéresserai à l'évolution des crédits relatifs au logement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2013 ainsi qu'aux mesures fiscales contenues dans ce texte ; enfin, je soulignerai que des mesures volontaristes sont nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République en terme de construction de logements, à savoir 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux.
L'examen du projet de loi de finances est donc l'occasion de dresser un bilan de la politique menée en matière de logement au cours des dix dernières années. Trois éléments me semblent particulièrement importants.
Tout d'abord, qu'en est-il réellement de l'augmentation du rythme de construction de logements sociaux ? Vous connaissez tous les chiffres : le nombre de logements sociaux financés - hors opérations de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) - a atteint en 2011 plus de 115 000 logements, contre un peu plus de 55 000 en 2002. Pour autant, le parc de logements sociaux n'a pas progressé dans la même proportion : entre 2001 et 2011, le parc HLM n'a augmenté que de 370 000 logements, soit moins de 40 000 logements sociaux supplémentaires en moyenne par an. Il y a une grande différence entre les logements financés et l'augmentation du parc : seule une partie de celle-ci s'explique par les démolitions. En réalité, l'accroissement du parc a été très modeste.
Par ailleurs, quels logements sociaux ont été financés ? Près de 50 % de l'augmentation des logements financés constatée entre 2002 et 2011 est imputable aux prêts locatifs sociaux (PLS). Ces logements sociaux ne nécessitent pas d'aides à la pierre. Les deux dernières années ont, certes, montré une augmentation des logements en prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), mais les prêts locatifs à usage social (PLUS) sont en stagnation. Enfin, les logements sociaux sont aujourd'hui plus chers : la plus grande partie est au plafond en matière de loyers, les plafonds de loyers étant par ailleurs bien supérieurs aux plafonds de l'aide personnalisée au logement (APL). Dans bien des cas, même si le locataire bénéficie de l'APL, le reste à payer est donc important.
Deuxième élément du bilan : l'État s'est désengagé en matière de logement social.
Les résultats obtenus en termes de financement de logements sociaux ne sont pas dus à une mobilisation de l'État. La subvention unitaire a ainsi fondu : entre 2002 et 2011, elle est passée de 6 000 à 1 100 euros pour un PLUS et de 15 000 à 10 000 euros pour un PLAI. Les bons résultats en termes de financement sont le résultat de la mobilisation des bailleurs sociaux et des collectivités territoriales. La montée en puissance des financements des collectivités territoriales a permis de compenser la baisse des financements d'État. La part de la subvention de l'État est aujourd'hui inférieure aux subventions des collectivités territoriales et aux fonds propres des bailleurs sociaux. Pour un PLAI par exemple, la subvention de l'État atteint en moyenne 8,8 %, contre 8,9 % pour les subventions des collectivités territoriales et 9,1 % pour les fonds propres des organismes.
A cela s'est ajoutée la baisse de la part des prêts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) de 89 % du prêt à un peu plus de 70 % aujourd'hui : ce phénomène est du au fait que le prêt de la CDC est calculé sur le « retour-loyer ». Or les prix, tant du bâtiment que foncier, ont considérablement augmenté. La part des prêts CDC baissant, les fonds propres des organismes sont donc davantage mobilisés.
La mobilisation des bailleurs sociaux s'est faite malgré le « prélèvement HLM » institué par la loi de finances pour 2011, dont la majorité sénatoriale actuelle a toujours considéré qu'il était inique, injuste et contre-performant au regard de l'objectif de construction de logements sociaux.
Troisième et dernier élément du bilan : le poids des « boulets fiscaux », c'est-à-dire des niches fiscales coûteuses et inefficaces qui pèsent encore aujourd'hui sur les finances publiques. Je pense tout d'abord au « crédit d'impôt TEPA » mis en place en 2007 et supprimé par la loi de finances pour 2011. Il a cumulé les défauts : un fort effet d'aubaine et un caractère inflationniste. Malgré sa suppression, le « crédit d'impôt TEPA » continue de peser très lourdement sur les finances publiques : son coût atteint 1,9 milliard d'euros en 2011, 2,1 milliards d'euros en 2012 et 1,5 milliard d'euros en 2013. Ces sommes sont sans commune mesure avec les crédits budgétaires destinés aux « aides à la pierre ».
Je pense également au « dispositif Scellier » : inefficient en termes de zonages comme l'a souligné l'Inspection générale des finances (IGF), ce dispositif a eu un effet inflationniste et est lui aussi très coûteux. En 2013, il devrait peser à hauteur de 930 millions d'euros sur les finances publiques, en progression de 38 % par rapport à 2012, alors même qu'il doit s'éteindre au 31 décembre 2012.
J'en viens maintenant au contenu du projet de loi de finances pour 2013 pour ce qui concerne le logement : à mes yeux, ce budget illustre une volonté soutenue du Gouvernement en faveur du logement.
Tout d'abord, s'agissant de la mission, ses crédits sont en diminution de 6,2 % en autorisations d'engagement (AE) et de 5,6 % en crédits de paiement (CP). Cette diminution est cependant compensée par la mobilisation de crédits extrabudgétaires.
Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » voit ses crédits augmenter de 1,2 % voire, à périmètre constant, de 3,2 %. Notre ancien collègue Thierry Repentin critiquait la sous-budgétisation chronique de ce programme : je me réjouis donc que, cette année, les crédits inscrits soient à la hauteur des crédits consommés en 2011.
Je me félicite par ailleurs de la remarquable augmentation des crédits destinés à la veille sociale (+ 7 %) et à l'hébergement d'urgence (+ 13 %). Il s'agit de la traduction budgétaire du plan d'urgence pour les personnes sans abri annoncé par le Gouvernement et qui permettra, notamment, de financer 500 nouvelles places d'hébergement d'urgence et de pérenniser les places ouvertes dans le cadre de la campagne hivernale de 2012.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » voit ses crédits diminuer d'environ 11 %. Les crédits destinés aux aides à la personne sont en diminution de près de 600 millions d'euros, diminution compensée par l'affectation de nouvelles recettes au Fonds national d'aide au logement (FNAL) : 400 millions d'euros issus d'un prélèvement exceptionnel sur les versements des employeurs au titre de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) et près de 450 millions d'euros correspondant à une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.
Je me félicite par ailleurs de la décision du Gouvernement de revenir sur la décision prise l'année dernière d'indexer l'évolution des aides personnelles au logement sur la croissance, soit 1 %. Les barèmes des aides seront, à compter du 1er janvier 2013, de nouveau actualisés en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL).
Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », enfin, voit ses crédits augmenter fortement, de 13 % en AE et de plus de 33 % en CP. L'action « construction locative et amélioration du parc », qui regroupe environ 80 % des crédits du programme, constitue le thermomètre de l'effort budgétaire en faveur de la construction de logements sociaux.
Je me réjouis que les crédits destinés aux aides à la pierre augmentent sensiblement, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps : 500 millions d'euros en AE et 427 millions d'euros en CP sont destinés en 2013 au développement et à l'amélioration du parc locatif social.
Ces crédits devaient contribuer à atteindre les objectifs ambitieux du Gouvernement, à savoir la construction de 150 000 logements sociaux, même si on n'en est pas encore au doublement des aides à la pierre annoncé par le Président de la République. Je me félicite du fléchage social renforcé avec l'augmentation de 50 % de l'objectif de financement de PLAI, ou encore de l'augmentation de la ligne « surcharge foncière » visant à recentrer le financement sur les zones les plus tendues.
Je relève ensuite que la diminution des crédits de la mission est compensée par le recours à des ressources extrabudgétaires qui devraient atteindre 2 milliards d'euros. J'ai évoqué les 400 millions d'euros affectés au FNAL. L'article 30 du projet de loi de finances prévoit par ailleurs l'affectation à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) des produits de cession des quotas d'émission, à hauteur de 590 millions d'euros. C'est une nouveauté qu'il conviendra de suivre avec précision : il est nécessaire qu'une partie de ces crédits contribue à l'installation d'une filière bois, comme l'ont souligné certains de nos collègues.
Enfin, le 12 novembre dernier, l'État et l'Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL) ont signé une lettre d'engagement mutuel qui consacre le rétablissement d'une relation véritablement contractuelle entre les pouvoirs publics et Action Logement. Comme nous l'a indiqué la ministre lors de son audition par notre commission, Action Logement accroîtra son intervention en matière de logement : 1,5 milliard d'euros d'aides en faveur du logement locatif social seront ainsi accordées, c'est-à-dire 950 millions d'euros par an d'équivalent subvention, soit une hausse de 500 millions d'euros par rapport à 2012.
Par le biais de cette ressource extrabudgétaire, le soutien à la construction de logements locatifs sociaux devrait donc, de fait, doubler en 2013. Pour ma part, j'estime que les engagements du Président de la République portent cependant sur les crédits budgétaires. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une évolution positive.
Je souhaite enfin souligner que le projet de loi de finances comprend plusieurs mesures fiscales intéressantes et volontaristes en matière de logement, notamment en matière de foncier.
L'article 10 aménage le régime d'imposition des plus-values immobilières (PVI) des cessions de terrains à bâtir. Il vise à créer un véritable « choc d'offre » et à lutter contre la rétention des ressources foncières. La plupart des professionnels du logement que j'ai auditionnés saluent cette mesure. La taxation sera désormais progressive et un avantage fiscal est accordé pour l'année 2013, pour inciter à la vente de terrains.
L'article 11 renforce la taxe sur les logements vacants (TLV) notamment en l'étendant aux agglomérations de moins de 50 000 habitants.
Enfin, l'article 57 met en place un nouveau dispositif d'incitation à l'investissement locatif, le « dispositif Duflot », caractérisé par une vraie contrepartie sociale : les plafonds de loyer seront fixés à un niveau intermédiaire entre le parc social et le marché libre. Cela le différencie clairement des dispositifs d'incitation qui ont existé par le passé. Le Gouvernement estime que 40 000 logements pourraient ainsi être construits chaque année pour un coût de 35 millions d'euros en 2014 et 145 millions d'euros en 2015.
Ces mesures fiscales montrent une vraie volonté du Gouvernement en matière de logement. Pour ma part, je n'ai jamais été partisane des dispositifs d'incitation à l'investissement locatif qui n'existent pas dans la plupart des autres pays européens et dont les experts estiment qu'ils constituent un facteur d'augmentation des prix des terrains dans la longue durée. Cela dit, cela est valable seulement quand l'aide fiscale n'est pas très ciblée, ce qui n'est pas le cas du « Duflot ». Cependant, à mes yeux, il conviendrait d'abord de financer vraiment les 150 000 logements sociaux, et seulement ensuite de mettre en place des aides fiscales.
J'estime donc que d'autres mesures volontaristes sont nécessaires pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par le Président de la République.
S'agissant tout d'abord de construction de logements sociaux, je suis attaché au doublement du plafond du Livret A. Cette mesure doit être mise en oeuvre au plus vite. Par ailleurs, les produits des Fonds d'épargne doivent être utilisés pour bonifier les prêts aux logements sociaux, notamment les plus sociaux. Par ailleurs, comme le suggère le rapport remis en septembre dernier par M. Pierre Duquesne, il est nécessaire d'abaisser de 0,2 point le taux de commissionnement des banques. Dans le contexte d'explosion de la collecte, les banques n'ont pas d'augmentation de leurs dépenses. La diminution du taux de commissionnement permettrait également de renforcer la bonification des prêts aux organismes HLM et constituerait, de fait, une aide à la pierre.
Toutes les simulations montrent que les fonds propres des organismes ne permettraient pas le passage de 115 000 à 150 000 logements sociaux financés. Il faut donc jouer sur les autres paramètres : le livret A, ou alors, la TVA.
Je vous rappelle au préalable que le Sénat a voté la suppression du « prélèvement HLM ». Je me réjouis que l'article 33 du projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement que nous examinerons très prochainement prévoie cette suppression.
S'agissant de la TVA, je vous rappelle que le taux applicable au logement social est passé de 5,5 % à 7 %, ce qui correspond à plus de 200 millions d'euros en moins pour les HLM pour construire. Le taux de 5,5 % s'appliquait au logement social depuis Pierre-André Périssol, à la différence des travaux d'amélioration de l'habitat. Je préconise que le logement social bénéficie, en tant que bien de première nécessité, du taux minimal de 5,5 % : c'est très important pour l'équilibre des opérations.
Au-delà du logement locatif social, le Gouvernement doit proposer des mesures permettant de relancer l'accession sociale à la propriété, aujourd'hui en panne. Les prêts à l'accession sont en forte diminution et cette diminution devrait se poursuivre du fait de l'application de règles prudentielles de plus en plus restrictives, les règles de « Bâle III », s'appliquant aux banques de dépôt. L'avenir de l'accession sociale à la propriété s'est assombri avec les difficultés rencontrées par le Crédit immobilier de France (CIF).
Il convient, à mes yeux, de revenir à l'origine du prêt à taux zéro (PTZ), c'est-à-dire avoir une partie du PTZ différé pour solvabiliser des catégories sociales entre 2,5 SMIC et 3 SMIC. Une étude récente montre que, pour accéder à la propriété, il faut disposer de 4 000 euros de revenus par mois et 50 000 euros d'apport personnel. Il n'est pas vrai de dire que l'accession sociale fait l'endettement. Des mécanismes de sécurisation existent.
Dernier élément, enfin, il est indispensable que les investisseurs institutionnels reviennent sur le marché locatif intermédiaire dans les zones urbaines tendues. Le Premier ministre a annoncé l'organisation d'une table-ronde sur cette question. Je m'en réjouis et j'espère que le prochain projet de loi de finances comprendra des dispositions permettant d'accompagner le retour des investisseurs institutionnels.
En conclusion, ce budget représente un effort intéressant, une démarche volontaire et un réel progrès pour le logement. J'espère que ce progrès se poursuivra pour permettre que les objectifs de 150 000 logements sociaux et 500 000 logements soient effectivement atteints.