Intervention de Roland Courteau

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « écologie développement et aménagement durables programme « énergie climat et après-mines » - examen du rapport pour avis

Photo de Roland CourteauRoland Courteau, rapporteur pour avis :

La mission « Écologie, développement et aménagement durables » comporte huit programmes, mais deux d'entre eux seulement relèvent de la compétence de notre commission :

- le programme 205, relatif aux crédits de la pêche, nous a été présenté la semaine dernière par notre collègue Gérard Le Cam ;

- le programme 174, intitulé « Énergie, climat et après-mines », fait l'objet du rapport pour avis que je vous présente aujourd'hui.

Je vous parlerai également du nouveau compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Le budget du programme 174, après une baisse au cours de l'exercice 2012, connaît cette année une légère hausse globale, avec 682 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 688 millions d'euros de crédits de paiement (CP), soit une hausse supérieure à 1 %.

En fait, ce quasi équilibre résulte de deux mouvements contraires.

En premier lieu, l'action principale de ce programme, qui est la gestion économique et sociale de l'après-mines, connaît une diminution de moyens structurelle, qui correspond à la diminution progressive du nombre des ayants droit. Cette action représente cette année 86 % des crédits de paiement. Il convient de se féliciter à cet égard que la situation financière de la Caisse autonome de sécurité sociale dans les mines ait retrouvé son équilibre financier : elle connaissait en effet, au cours des années passées, un déséquilibre dû à une mauvaise évaluation prévisionnelle des besoins.

En second lieu, l'action « lutte contre le changement climatique » voit ses moyens tripler, de 29,4 millions d'euros en 2012 à 85 millions d'euros en 2013.

La raison en est simple : l'écart correspond pour l'essentiel à un abondement de la trésorerie de l'Agence de services et de paiement afin de compléter le financement du « bonus écologique » qui est versé aux acquéreurs d'automobiles émettant peu de gaz à effet de serre. Vous vous souvenez que ce dispositif, victime de son succès, a connu des difficultés d'équilibrage au cours des années passées : les bonus versés étaient plus importants que les malus collectés et le système n'était donc pas équilibré. L'article 12 du projet de loi de finances pour 2013 proroge et durcit le dispositif du bonus-malus automobile en abaissant les seuils d'émission à partir desquels est appliqué le malus.

Les autres actions de ce programme sont :

- une action « soutien », qui contient certaines dépenses de fonctionnement pour un montant inférieur à 2 millions d'euros ;

- une action « politique de l'énergie », doté de 6,4 millions d'euros en CP. Ces sommes sont constituées principalement d'une subvention à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). Il ne s'agit que d'une petite partie des ressources de cette agence, dont l'action devra faire l'objet de toute notre attention au cours de l'année prochaine. L'ANDRA vient en effet de présenter le dossier du projet de stockage profond des déchets radioactifs à haute activité et vie longue, sur lequel elle conduit des recherches sur le site de Meuse - Haute-Marne à Bure. Ce dossier fera l'objet d'un débat public en 2013, organisé par la Commission nationale du débat public, afin de préparer un débat législatif en 2015 et la demande d'autorisation de réalisation d'un centre de stockage.

Comme vous pouvez le constater, les crédits du programme 174 ne décrivent que très partiellement les aspects financiers de la politique de l'énergie. Cette politique passe en effet par d'autres outils que je vais à présent évoquer :

- le crédit d'impôt qui se reflète dans les dépenses fiscales ;

- l'obligation d'achat pour certaines productions d'énergie qui, en pesant sur le budget des consommateurs et non sur le budget de l'État, permet de soutenir le développement des énergies nouvelles.

S'agissant des dépenses fiscales, la principale d'entre elles est le crédit d'impôt développement durable (CIDD). Ce dispositif aide les particuliers à réaliser des travaux conduisant à une réduction de la consommation énergétique des logements. Il connaît une diminution de 42 % de son coût : 650 millions d'euros en 2013, contre 1 130 millions en 2012. Il s'agit d'une conséquence de la loi de finances pour 2012, qui avait durci les conditions d'accès au CIDD, tout en réduisant son taux de manière importante.

Il est naturel qu'un dispositif fiscal voie sa portée réduite progressivement au cours du temps, mais à condition que cette évolution soit progressive et relativement prévisible. Les professionnels m'ont signalé que des changements de cap trop brusques ne leur permettent pas de prévoir et de financer les investissements qu'ils devront réaliser. La présente loi de finances maintient le dispositif tel quel : il faut s'en féliciter.

Il convient cependant de noter que le CIDD est concerné indirectement par une disposition de l'article 56 du présent projet de loi de finances. Celui-ci abaisse en effet à 10 000 euros le plafond global de la réduction d'impôt que peuvent fournir certains avantages fiscaux, dont fait partie le CIDD. Ce plafond est actuellement égal à un montant de 18 000 euros, plafond à 4 % du revenu imposable.

Le CIDD n'est que l'un des éléments de la politique d'amélioration de l'efficacité énergétique des logements. Je rappelle que le président de la République a annoncé un objectif de mise aux normes énergétiques d'un million de logements par an. Le bâtiment représente en effet 44 % de l'énergie finale consommée en France et jouera donc un rôle clé dans la maîtrise de la demande et la réduction par quatre des émissions de gaz à effet de serre entre le début du siècle et 2050.

Cette nouvelle politique d'efficacité énergétique sera l'un des thèmes majeurs du débat sur la transition énergétique. L'un des grands chantiers sera celui de la fiscalité écologique, annoncée pour 2016, mais la réforme de la TVA prévue pour 2014 doit aussi attirer notre attention. J'ai été averti de ses effets sur la fiscalité des produits énergétiques utilisés pour alimenter les logements en énergie. Cette réforme prévoit en effet une hausse de 7 à 10 % du taux intermédiaire de TVA, ce qui renchérirait le prix du bois énergie ; dans le même temps, elle n'aurait qu'un effet limité sur le gaz et l'électricité. Ces deux dernières énergies verraient en effet le taux de 5,5 %, qui s'applique à l'abonnement, diminuer à 5 % tandis que, en sens inverse, le taux de 19,6 % qui taxe la consommation augmenterait à 20 %. Il serait certainement utile, lors de la mise en oeuvre de cette réforme, de s'interroger sur les niveaux de taxation les plus pertinents des différentes sources d'énergie.

Je m'attache chaque année, dans le cadre de ce rapport pour avis, à étudier le développement des énergies renouvelables en France.

Les documents budgétaires eux-mêmes reconnaissent que l'effort actuel est insuffisant.

Seul le photovoltaïque dépasse nettement les objectifs fixés, essentiellement grâce aux projets engagés avant le moratoire de fin 2010. La capacité photovoltaïque installée était, au 30 juin 2012, de 3 630 MW, soit une progression de 24 % en six mois : l'objectif de 5 040 MW en 2020 sera probablement atteint et dépassé. Il faut approuver les dispositions favorables aux petites installations photovoltaïques annoncées récemment par le Gouvernement, notamment une bonification de 10 % du tarif d'achat en fonction de l'origine des panneaux et un accroissement des volumes cibles de développement.

La situation est plus inquiétante pour l'éolien. C'est pourtant l'énergie renouvelable qui présente probablement le plus grand potentiel de développement pour la production d'électricité. Or le nombre de nouvelles installations diminue de manière marquante depuis deux ans : la puissance installée au cours de l'année 2011 a été de 832 MW, contre 1 256 MW l'année précédente, et la baisse s'accentue encore cette année.

Je vous rappelle que l'objectif fixé par le Grenelle de l'environnement était une puissance installée de 19 000 MW en 2020 : or nous ne sommes qu'à 7 000 MW à la mi-2012. Il faudrait donc installer 1 400 MW nouveaux chaque année pour atteindre ces objectifs, soit le double du rythme actuel.

Les raisons sont bien connues : la complexité normative n'a fait que croître depuis dix ans, au point qu'il faut plus de six années pour mener à bien un projet, contre deux années et demie en Allemagne. Une réforme d'ensemble s'impose : les zones de développement de l'éolien, trop fragiles juridiquement, ne sont manifestement pas le bon outil pour garantir la prise en compte des intérêts locaux lors de l'installation des parcs éoliens. De plus, la règle qui interdit la création d'unité de production de moins de cinq mâts devrait être adaptée, puisqu'elle ne permet pas d'ajouter une ou deux éoliennes dans un parc existant.

J'ai également été saisi d'une difficulté plus urgente encore : l'arrêté de 2008 qui fixe le tarif d'achat de l'électricité éolienne a été attaqué devant le Conseil d'État, qui a suspendu sa décision dans l'attente d'une réponse de la Cour de justice de l'Union européenne. Un nouvel arrêté pourrait être nécessaire si le dispositif était qualifié d'aide d'État. Le fondement juridique de l'obligation d'achat est ainsi menacé, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour le montage des dossiers et l'obtention d'un financement bancaire.

J'ai également été alerté des difficultés propres au secteur de l'hydroélectricité. Il s'agit, de loin, de la principale énergie renouvelable pour la production d'électricité : elle a produit 50,7 térawattheures d'électricité en 2011, contre 12,2 térawattheures pour l'éolien et 2 seulement pour le photovoltaïque. Il s'agissait pourtant d'une mauvaise année, en raison de la sécheresse.

La ministre de l'écologie a demandé l'étude de scénarios alternatifs à la mise en concurrence pour le renouvellement des concessions des grands barrages : je crois qu'il n'y a en effet pas d'urgence à lancer ce processus. Prenons le temps, en tenant compte des règles européennes, de définir un mode de gestion des barrages qui permette de concilier le développement de la production, la gestion environnementale des cours d'eau et la préservation de l'emploi et des conditions de travail.

La petite hydroélectricité, c'est-à-dire les installations « au fil de l'eau » de moins de 10 mégawatts, présente un potentiel de développement intéressant. Elle doit toutefois, dans certains cas, investir de manière importante pour bénéficier du renouvellement des contrats d'achat définis en 1997. De plus, les professionnels craignent une diminution importante du potentiel, en raison des critères stricts de classement des cours d'eau. Je crois qu'il convient de faire un bilan environnemental global de la gestion des cours d'eau, qui parte de l'impératif de préservation des ressources naturelles mais prenne aussi en compte le caractère écologique de la production d'électricité hydroélectrique, ainsi que son coût modéré.

Enfin, le budget de l'État comporte désormais un nouveau compte d'affectation spéciale consacré au « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ». Il s'agit de l'ancien FACÉ ou fonds d'amortissement des charges d'électrification, qui verse des aides aux collectivités maîtres d'ouvrage des travaux d'électrification rurale.

Je vous rappelle que c'est la loi de finances rectificative du 28 décembre dernier qui a transféré le FACÉ, qui était géré dans les comptes d'EDF, vers le budget de l'État. L'opération a permis de régulariser la situation de ce compte et de permettre au Parlement de mieux apprécier l'utilisation des fonds.

Elle a toutefois conduit à des dysfonctionnements au cours des premiers mois de 2012, à tel point qu'on peut se demander si elle avait été correctement préparée : certains textes d'application, nécessaires pour définir la répartition des aides, n'ont toujours pas été pris.

Nombre d'entre nous ont été saisis des difficultés rencontrées par les collectivités maîtres d'ouvrage qui ne recevaient pas à temps les aides et de leur incompréhension devant le nouveau mécanisme : ce n'est qu'au mois de juillet que les syndicats d'électricité ont reçu des informations sur la nouvelle procédure.

Depuis l'été, la situation s'est améliorée et les aides arrivent mieux à destination. Il faut saluer les efforts du gouvernement, qui ont permis récemment une réactivité plus grande dans l'attribution des aides et une meilleure prise en compte de la nature propre des travaux d'électrification : les travaux de raccordement, par exemple, ne peuvent pas toujours être programmés à l'avance.

Il faut être conscient, toutefois, que les règles spécifiques aux comptes d'affectation spéciale sont et seront certainement moins flexibles que celles qui avaient cours précédemment. J'espère qu'un mode de coopération harmonieux sera rapidement trouvé entre l'État, les autorités locales et les entreprises qui sont affectées par les retards de paiement, tout en préservant toute la rigueur nécessaire dans la gestion des deniers publics.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » pour ce qui concerne le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

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