Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 -mission « médias livre et industries culturelles » programmes « audiovisuel » et « presse » — Examen du rapport pour avis

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel et de la presse :

En 2009, j'étais l'orateur de l'opposition sur la loi du 5 mars 2009 qui a supprimé la publicité sur France Télévisions. A l'époque, je n'étais pas opposé à la réforme par idéologie, ou parce que je croyais que la publicité était inhérente à notre service public audiovisuel.

Non, je savais que Radio France ou Arte diffusaient des programmes sans messages publicitaires et que c'était plutôt susceptible de favoriser leur succès. Mais j'étais inquiet. Inquiet pour France Télévisions si une crise survenait. Inquiet pour son périmètre, pour la qualité des programmes, et le sort des personnels. J'étais inquiet car le financement alternatif proposé était bancal et devenait dépendant de la dotation budgétaire de l'État, déjà surendetté. Il était donc aléatoire et remis en question chaque année. Je pensais donc que la suppression de la publicité sur France Télévisions était irresponsable du point de vue financier et que le budget du groupe en serait affecté au premier coup de grisou économique.

Le budget 2012 de la mission « Médias » m'a confirmé cette impression, mais le précédent gouvernement a préféré le creusement du déficit plutôt que d'assumer ses choix.

Le rapport que j'ai produit avec notre collègue Jacques Legendre depuis m'a conduit à dire que la réforme n'avait pas abouti aux effets positifs escomptés mais qu'en revanche les effets pervers s'étaient bien réalisés. Le rapport établit que le groupe a été fragilisé et bousculé par cette réforme.

Cette année, le choix du Gouvernement a été celui de présenter un budget de responsabilité avec l'héritage de cette réforme passée. Il faut faire attention car le financement de l'audiovisuel public repose sur un pilier central : la redevance. Mais depuis 2009, il y a aussi une dotation budgétaire.

La priorité est donc à la réduction du déficit avec une baisse de 42 % des crédits budgétaires consacrés à l'audiovisuel public, qui passent de 603 millions d'euros en 2012 à 434,7 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances (PLF). Conscient de l'intérêt et de l'importance de notre politique culturelle audiovisuelle, il a en revanche mis l'accent sur la ressource naturelle de l'audiovisuel public qu'est la contribution à l'audiovisuel public (CAP). Avec son indexation et la majoration de 2 euros de son montant, prévue à l'article 39 du PLF, son produit serait de 3,4 milliards d'euros en 2013, contre 3,3 milliards en 2012. Au total, ce sont donc 3,8 milliards d'euros qui devraient être consacrés à l'audiovisuel public en 2013, contre 3,9 milliards en 2012, soit une baisse de 2 %.

La question se pose donc de savoir si cette diminution de crédits peut être prise en charge sans heurts ni baisse de la qualité de la programmation de notre service public.

Le Gouvernement a fait participer tout le monde à l'effort de redressement des finances publiques tout en garantissant leurs missions essentielles :

- ARTE-France, dans une période de relance éditoriale voit ses crédits stagner en euros courants, et donc diminuer en euros constants. Sa présidente nous a confirmé que le budget serait contraint mais suffisant pour maintenir l'exigence de la programmation ;

- le groupe Radio France, en dépit des charges d'investissement qu'il supporte, et des nouveaux développements géographiques et numériques, devra lui aussi faire avec une dotation reconduite au même niveau. M. Jean-Luc Hees, auditionné par la commission, a confirmé qu'il essaierait de faire mieux avec moins ;

- l'Institut national de l'audiovisuel (INA), qui connaît une baisse des ressources propres, devrait pouvoir continuer à exercer ses missions avec une dotation stable ;

- le fonds d'expression radiophonique locale, qui assure une mission fondamentale pour la diversité de notre paysage radiophonique, voit ses montants stagner une année de plus, mais là encore, ça tiendra pour 2013 ;

- enfin, l'Audiovisuel extérieur de la France bénéficie d'une très légère hausse des crédits, dans un contexte où l'entreprise a été profondément bouleversée, et où l'exercice 2013 relèvera de toute façon de l'équilibrisme budgétaire.

Je tiens, à cet égard, à souligner l'importance d'une coopération renforcée entre l'ensemble des groupes publics dans les prochaines années. L'heure est à la complémentarité et non pas à la concurrence pour offrir les meilleurs programmes possibles aux Français.

Parlons maintenant du groupe France Télévisions, car c'est bien lui le plus gros contributeur, qui paie le prix de la réforme de 2009. Le groupe subit ainsi une baisse de 3,2 % des crédits par rapport à 2012, soit 80 millions d'euros. Avec une baisse de recettes publicitaires évaluée à 67 millions d'euros, l'effort à produire pour 2013 serait ainsi une diminution de 5 % des dépenses, à hauteur de près de 150 millions d'euros au total.

Votre rapporteur estime que France Télévisions est effectivement le groupe de l'audiovisuel public qui est le plus capable de diminuer ses dépenses, notamment en raison de son volume d'activités et de financement. Il n'en reste pas moins qu'une telle baisse entraînera à n'en pas douter un très fort déséquilibre du budget 2013 et une démotivation subséquente des personnels. En un mot : ils n'y parviendront pas et ça risque de les décourager.

J'émets donc le souhait qu'un consensus se dégage pour que l'on puisse lisser l'effort budgétaire de France Télévisions sur plusieurs années. Le moyen est simple : il s'agit d'un coup de pouce sur la redevance (+ 2 euros sur le territoire métropolitain et + 1 euro en outre-mer), qui permettrait d'augmenter la dotation de 50 millions d'euros et de limiter l'effort à faire à 30 millions d'euros d'économies plutôt que 80. Je vous proposerai donc un amendement allant dans ce sens.

En ce qui concerne les crédits consacrés à la presse, le soutien public en faveur du secteur se maintient à un niveau relativement stable avoisinant le milliard d'euros si l'on tient compte des aides fiscales indirectes. Les aides publiques directes hors abonnements à l'Agence France-Presse (AFP), d'un montant de 396 millions d'euros, diminuent par rapport à leur niveau de 2012 en raison d'ajustements budgétaires dans un contexte contraint, mais, en leur sein, les aides au pluralisme, bénéficiant aux journaux d'opinion à faibles ressources publicitaires, sont rigoureusement préservées.

Si le fonds d'aide au portage subit une baisse de ses crédits, de l'ordre de 16 %, l'effort portant sur l'exonération des charges patronales des porteurs de presse augmente de 9 %. Le chef de l'État s'est engagé auprès de la presse quotidienne, nationale et régionale, à poursuivre une politique active de soutien au portage.

J'invite les représentants de l'État et de l'ensemble des familles de presse à se concerter sur une réforme des aides à la presse, en étudiant les modalités d'un ciblage en faveur de la presse d'information politique et générale. Qu'il s'agisse de l'aide au transport postal ou du taux de TVA super-réduit de 2,1 %, ces avantages bénéficient de façon disproportionnée à un nombre important de publications consacrées au divertissement et aux loisirs. N'ayons pas peur de remettre le système tout entier à plat et de conditionner le soutien public à la réalisation de missions d'intérêt général.

Il nous faudra également nous poser la question de l'opportunité, au regard de l'indépendance des médias, de verser des liquidités aussi importantes à la presse. Gardons à l'esprit que la fiscalité modulée en fonction des contenus, d'application neutre, peut constituer un mode d'intervention peut-être plus compatible avec le respect de l'indépendance de la presse, car elle ne contraint pas l'État à opérer une sélection subjective, en préférant certains titres à d'autres au sein d'une même famille.

Poursuivons inlassablement notre intervention auprès des institutions européennes pour réclamer une fiscalité neutre quel que soit le support de diffusion : les rédactions bi- ou multimédias se généralisent, plusieurs titres célèbres ont basculé vers le tout numérique. Soyons clairs, l'application d'un taux de TVA de 19,6 % aux services de presse en ligne est devenue un non-sens économique et philosophique.

Intéressons-nous également à une modulation du taux de TVA en fonction des contenus. S'il est indispensable de conserver le taux de TVA super-réduit de 2,1 % pour la presse d'information politique et générale, pourquoi ne pas envisager, en revanche, d'appliquer aux publications ne présentant pas ce caractère d'information politique et générale un taux de TVA intermédiaire plus élevé, de 5,5 % ou 7 %. Je n'ai pas d'a priori sur la question : aux acteurs du secteur de s'entendre sur une répartition plus équitable du soutien public qui ne menace pas l'équilibre global du secteur.

En ce qui concerne la distribution de la presse, la réforme que nous avons votée l'année dernière porte ses fruits : le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) ont travaillé main dans la main pour répondre au plus urgent. Des décisions fondamentales ont été prises pour préserver les équilibres coopératifs du système, notamment le délai de préavis de retrait d'un titre d'une coopérative ou la péréquation inter-coopératives.

Pour autant, une organisation bicéphale a ses limites. Le CSMP continue de souffrir du procès en légitimité qui lui est adressé en tant qu'instance exclusivement professionnelle. L'ARDP, en raison de l'indépendance reconnue des magistrats qui la composent et de l'absence de conflits d'intérêts en son sein, pourrait à terme apparaître comme l'instance en mesure de faire prévaloir l'intérêt général du secteur sur les intérêts particuliers.

L'accord tripartite conclu, le mois dernier, entre la direction de Presstalis, les éditeurs des coopératives et l'État permet de garantir la poursuite de l'exploitation de la messagerie. La contrepartie des efforts consentis par l'État et les éditeurs appelle des économies qui seraient à trouver dans la restructuration de centres de distribution.

L'angoisse est palpable. On entend parler de plus de 1 200 salariés potentiellement concernés par un plan social. Soyons honnêtes, il n'est pas possible de renvoyer les organisations syndicales dos au mur, en les réduisant à choisir entre un plan social conventionnel ou la mort de Presstalis. Le blocage qui en résulterait pourrait accélérer la descente aux enfers de la vente au numéro et l'éclatement anarchique du système de distribution. Elle aurait, de plus, des conséquences particulièrement néfastes sur l'équilibre psychologique de nombre d'employés qui se retrouveraient, du jour au lendemain, plongés dans la précarité. Par conséquent, des solutions de reclassement ou d'accompagnement et de réinsertion doivent pouvoir être trouvées.

Enfin, en ce qui concerne l'AFP, la clarification intervenue cette année dans la définition de ses ressources d'origine publique (120 millions d'euros en 2013) devrait permettre de convaincre la Commission européenne de la nécessaire compensation des missions d'intérêt général assumées par l'Agence. Le calme semble revenu au sein de l'entreprise, ses performances commerciales démontrent une bonne tenue dans un contexte international pourtant récessif.

Compte tenu de ces analyses, et sous réserve des observations que j'ai émises, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel et de la presse au sein de la mission « Médias ».

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