Intervention de Maryvonne Blondin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 novembre 2012 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « culture » - examen des rapports pour avis

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin, rapporteure pour avis sur les crédits de la mission « Spectacle vivant » :

Alors que nous fêtons cette année le centenaire de la naissance de Jean Vilar, permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à ce grand défenseur du théâtre populaire, ainsi qu'à Jeanne Laurent. Cette personnalité bretonne, alors sous-directrice des Spectacles et de la Musique, a permis sa nomination au Théâtre national populaire (TNP) en 1961. Je la cite : « La nomination de Jean Vilar était l'aboutissement d'une politique théâtrale, menée avec continuité depuis la Libération avec le seul souci de l'intérêt national sans avoir à subir les contrecoups des luttes politiques. » Ce souci de l'intérêt national continue à nous guider, et pas seulement pour la politique théâtrale ! Dans cet esprit, je tiens à saluer les choix retenus par la ministre, Aurélie Filippetti, dans un cadre budgétaire contraint. La reconstitution des crédits initialement gelés pour 2012 avait donné une bouffée d'oxygène et démontré le soutien du Gouvernement à ce secteur parfois fragilisé de la culture. Pour 2013, je ne citerai que quelques chiffres et vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails.

Je salue les priorités du budget et de la politique conduite par une recherche de sens, en termes de lien social, d'emploi et de vitalité dans les territoires.

Priorité est donnée à l'emploi, en préservant notamment les crédits d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) (en crédits de paiement). Les DRAC, dont le rôle est essentiel, pourront donc soutenir les activités artistiques et culturelles mises en oeuvre par les labels, réseaux, équipes artistiques, scènes conventionnées et autres dispositifs, lieux et institutions de création et de diffusion du spectacle vivant.

Vous le savez, les annexes 8 et 10 du régime de l'intermittence devront être renégociées par les partenaires sociaux en 2013. Le Bureau de notre commission a décidé de créer un groupe de travail sur le sujet et je m'en réjouis. Vous trouverez dans mon rapport écrit les derniers chiffres sur cette question.

Les crédits consacrés au spectacle vivant augmentent de 2,06 % en AE et baissent de 0,8 % en CP, mais l'effort portera surtout sur les établissements publics nationaux, les opérateurs de l'État participant à l'effort de maîtrise des dépenses publiques. Leurs crédits connaissent une baisse d'environ 7 millions d'euros, avec - 2,5 % pour l'Opéra de Paris, la Cité de la musique et l'établissement public de la Villette, et - 1 % pour les autres opérateurs du spectacle vivant.

S'y ajoutent des baisses exceptionnelles, qui varient en fonction de chaque opérateur et ne touchent pas l'ensemble des établissements : elles dépendent de leur niveau de fonds de roulement et de leurs marges de manoeuvre complémentaires. Ainsi, on enregistre une baisse de 0,5 million d'euros pour la Comédie française, 0,1 million d'euros pour la Villette et 3,4 millions d'euros pour l'Opéra de Paris. J'ai auditionné le directeur de l'Opéra : il réduit certaines dépenses de production, ce qui ne s'avère pas facile, les saisons étant engagées jusqu'en 2015-2016. La filiale de production audiovisuelle créée en 2012 devrait être à l'équilibre dès 2014 et elle complètera les actions de démocratisation développées par l'Opéra. Ses recettes propres ont cru de 30 % en 3 ans. L'effort demandé aux opéras nationaux permettra un rééquilibrage en faveur des autres structures.

A cet égard, je me réjouis bien sûr du maintien du dispositif fiscal en faveur du mécénat. C'était essentiel et logique puisqu'il est demandé aux structures culturelles de développer leurs ressources propres et que le prix des billets de spectacles a une faible élasticité. Les structures devraient aussi davantage recourir aux crédits européens. Mais, hormis les grands opérateurs, leur taille et leurs effectifs leur permettent rarement de monter de tels dossiers. Il m'apparaît donc nécessaire de mutualiser les démarches au sein d'une même région, en vue d'obtenir des crédits européens. Une concertation entre DRAC et missions économiques pourrait être conduite à cette fin. Des initiatives de cette nature sont déjà conduites dans certaines régions.

Je rappelle, par ailleurs, que le taux de TVA « super réduit » de 2,1 % sur les spectacles continuera de s'appliquer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui. Voici une aide indirecte essentielle.

Priorité est donnée aussi aux chantiers qui font sens : ainsi les crédits centraux d'intervention finançant l'investissement augmentent de 4 millions d'euros, la Philharmonie de Paris requérant 5 millions d'euros supplémentaires pour couvrir les échéances de paiement du chantier. L'évaluation et le financement de ce projet posent certes question, comme l'a souligné notre collègue Yann Gaillard dans son récent rapport d'information. Mais ce projet peut être un succès s'il gagne son pari en termes d'éducation artistique, culturelle, et de démocratisation de l'accès à la musique classique des habitants de l'Est de Paris et de la banlieue parisienne. L'enjeu porte sur la création d'un écosystème vertueux avec les structures existantes, en particulier avec la Cité de la musique ; dans cette perspective et cette attente, le contrat de performance de la Villette, arrivé à son terme en 2012, n'a pas encore été renouvelé.

Les dispositifs d'aides extrabudgétaires, envisagés avec le projet de Centre national de la musique sont en suspens, mais les inquiétudes sont en passe d'être apaisées, la ministre ayant relancé la concertation. La dynamique engagée sera ainsi préservée. Je m'en réjouis car les attentes des professionnels du spectacle vivant sont grandes, après bien des désaccords au départ.

Outre le lancement de la mission de Pierre Lescure, une mission « musique » est organisée au sein du ministère, avec la création d'une plateforme commune entre la direction générale de la création artistique (DGCA) et la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Je m'en réjouis car il me paraît indispensable que le dialogue entre les deux secteurs se prolonge au sein des autorités de tutelle.

A cet égard, il me semble que la réflexion sur la réforme du crédit d'impôt phonographique devrait être poursuivie quant à son périmètre : ne pourrions-nous envisager un volet en faveur des producteurs de spectacles ? Ceci d'autant plus que les producteurs phonographiques s'orientent de plus en plus vers la production de spectacles et entrent donc en concurrence avec les opérateurs habituels.

Quelques mots sur l'actualité législative et réglementaire.

Tout d'abord, un satisfecit : la loi du 12 mars 2012 relative à la lutte contre la vente illégale de billets de spectacles, votée à l'unanimité au Sénat, semble avoir un effet dissuasif. Il m'apparaît néanmoins nécessaire d'informer les publics sur les règles en vigueur et de les inciter à la vigilance. L'efficacité de la loi suppose aussi un effort de pédagogie.

Dans un autre domaine, la clarification de l'action financière de l'État, engagée à l'issue des Entretiens de Valois, se poursuivra, assortie de la publication d'un corpus complet de nouveaux textes début 2014. Je souhaite qu'elle intègre une nécessité absolue : la plus grande diffusion des spectacles. Ce sujet reste une préoccupation majeure. Il est indispensable de mieux accompagner la vie des spectacles par une meilleure diffusion des oeuvres, en termes de nombre de représentations, de répartition territoriale, d'itinérance, d'exportation. Il est également essentiel que les projets subventionnés s'engagent dans une démarche de conquête de nouveaux publics.

Autre priorité, et ces sujets sont liés : le dialogue avec les élus locaux, essentiel et à renforcer dans la perspective de l'actualité législative à venir. En effet, un projet de loi d'orientation sur la création nous sera proposé, après des années d'attente. Mon rapport écrit en évoque les objectifs et contours. Bien entendu, cette loi devra s'articuler avec la future réforme de la décentralisation. Compétences partagées et droit à l'expérimentation s'imposent dans le domaine culturel. Et nous serons bien sûr vigilants pour que les spécificités de la culture soient bien prises en compte, y compris s'agissant des missions des DRAC.

Mon rapport écrit évoque plusieurs autres défis à relever. J'en évoquerai brièvement quelques-uns :

- les travaux en vue de la création d'un observatoire du spectacle vivant progressent, lentement mais sûrement semble-t-il... Il serait utile que ce processus aboutisse dès que possible ;

- les festivals qui irriguent tant nos territoires ne seraient-ils pas victimes de leurs succès ? J'observe un effet ciseau : d'un côté, des festivals de plus en plus nombreux ; de l'autre côté, des crédits budgétaires qui s'érodent progressivement depuis 10 ans et sont de plus en plus concentrés sur un nombre restreint de manifestations. A l'inverse, il est vrai que les 25 % de la rémunération pour copie privée consacrés aux actions culturelles sont supposées contribuer au financement d'un grand nombre de festivals.

Il n'empêche que les professionnels manifestent quelques inquiétudes :

- les musiques actuelles, plébiscitées par les Français, ne bénéficient que d'aides très dispersées et souffrent d'une certaine fragilité. Elles nécessiteraient des mesures d'urgence en 2013, dans l'attente des décisions structurelles de financement extrabudgétaires déjà évoquées ;

- une attention particulière doit être portée aux arts de la rue, jeune filière en cours de structuration, et aux arts du cirque, secteur qui conjugue diversité et dynamisme. Il leur faut le plus souvent pouvoir accéder à l'espace public, ce qui s'avère souvent trop difficile. Nous avons aussi à exercer un rôle de sensibilisation des élus locaux à l'égard des pratiques créatrices de lien social.

En conclusion, je vous demanderai de donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'action n° 1 « Spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2013.

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