Intervention de Pierre Laurent

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 novembre 2012 : 2ème réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « culture » - examen des rapports pour avis

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent, rapporteur pour avis des crédits « Arts visuels » :

Notre commission examine pour la deuxième année consécutive un rapport pour avis sur les arts visuels, qui se rattache à l'action 2 du programme « Création », relative au soutien, à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques.

En préambule, permettez-moi de dire combien les acteurs concernés, artistes plasticiens et photographes, ont été sensibles à ce choix politique et heureux de constater que le Sénat suit avec une attention toute particulière leur secteur.

Au sein du programme « Création » dont elle représente moins de 10 % des crédits, l'action 2 connaît une évolution similaire à celle du spectacle vivant mais en plus marquée : les autorisations d'engagement augmentent de 2,9 % tandis que les crédits de paiement diminuent fortement, de 9,6 %.

En ce qui concerne les dépenses d'investissement, je note que la baisse des crédits de 80 % est certes due à l'achèvement des travaux du Palais de Tokyo mais pas seulement. Ce projet parisien, dont plusieurs d'entre vous ont constaté les résultats lors d'une récente visite de la commission, représentait en effet 71 % de ces crédits, créant ainsi un phénomène d'aspiration des moyens, au détriment de l'irrigation des territoires. Mais « hors Palais de Tokyo », les crédits baissent tout de même fortement de 54 % en autorisations d'engagement et de 28 % en crédits de paiement, le million et demi d'euros restant étant destiné à la Cité de la Céramique à Sèvres et au Mobilier national. Je demande, dans mon rapport, que l'État prenne toutes les mesures pour que soit respecté l'objectif fixé au Palais de Tokyo qui consiste à accorder une place significative aux Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et centres d'art pour une valorisation des politiques territoriales en matière d'art contemporain.

L'évolution des dépenses d'intervention constitue un effort en période de repli budgétaire. On observe une hausse de 21,4 % des autorisations d'engagement qui s'établissent à 54,41 millions d'euros, et une augmentation de 1,6 % des crédits de paiement qui s'élèvent à 44,38 millions d'euros. Les crédits centraux d'investissement sont principalement liés à la commande publique (pour 19,36 millions) et les crédits de fonctionnement soutiennent la structuration du secteur, les associations dont celle des FRAC « Platform », ainsi que le Jeu de Paume. Les crédits déconcentrés augmentent surtout en raison des travaux d'extension de la collection Lambert en Avignon. Ceux destinés aux 47 centres d'art et aux 22 FRAC sont stables. Ils concernent notamment les chantiers des FRAC dits « de nouvelle génération » dont les effectifs passent en moyenne de 9 à 15 agents.

Enfin, les dépenses de fonctionnement diminuent de 38 %, illustrant ainsi le poids des choix budgétaires du Gouvernement. Les opérateurs des arts plastiques sont touchés comme dans le reste de la mission « Culture », tandis que sont transférées en crédits d'intervention les sommes jusqu'alors allouées à la RMN-Grand Palais pour « Monumenta ».

Je souhaiterais rappeler combien le gel de 6 % des crédits a représenté un coup dur pour les petites structures d'art contemporain. A titre d'exemple, 6 % c'était le salaire de deux postes à temps plein pour le FRAC du Languedoc-Roussillon. Je me réjouis de l'annonce de la ministre en commission mercredi dernier : le feu vert de Bercy en faveur du dégel est crucial pour les acteurs des arts plastiques qui sont financièrement fragiles et pourraient difficilement faire face au prolongement d'une telle situation.

Au-delà des crédits, la priorité pour le secteur est clairement la structuration professionnelle et l'accompagnement social. A l'initiative de la Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC) et du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), des discussions ont été entamées pour définir les principes d'une convention collective. On peut espérer que le ministère soutiendra fortement cette démarche jusqu'au bout, en veillant à bien associer les artistes plasticiens aux côtés des structures d'art contemporain. Cette convention pourrait notamment consacrer le droit au revenu des artistes en réaffirmant le droit de représentation trop souvent oublié.

Annoncée en octobre 2011 parmi les 15 mesures en faveur du monde des arts plastiques, la création d'un fonds pour la formation professionnelle continue des artistes auteurs est en train d'aboutir, le décret éponyme venant d'être examiné par le Conseil d'État. Ce fonds a pour objectif de former 6 à 7 000 professionnels par an, grâce à une cotisation des professionnels et un apport des sociétés d'auteur, définis par la loi de finances rectificative du 28 décembre 2011.

Enfin, une réflexion va être lancée sur la protection sociale des artistes, afin d'examiner les synergies entre l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et la Maison des Artistes.

Le deuxième axe de mon rapport traite plus particulièrement de la photographie en rappelant que le secteur est toujours en quête d'un accompagnement des pouvoirs publics. J'ai noté un effort du ministère pour mieux identifier les crédits dédiés à la photographie qui s'élèvent, au sein de l'action 2 du programme « Création » à presque 7 millions d'euros. Ils doivent financer :

- la commande publique du Centre national des arts plastiques (CNAP) et des FRAC, pour 1,15 million d'euros ;

- les centres d'art dédiés à la photographie, dont le Jeu de Paume, pour 4,6 millions d'euros ;

- les festivals, dont Arles et Perpignan pour un total de 876 000 euros, avec un déséquilibre notable au profit d'Arles qui bénéficie de 600 000 euros, contre 129 000 pour Perpignan ;

- les aides aux projets pour 330 000 euros.

On peut se réjouir du lancement, au mois de mars 2012, du portail « Arago », qui a pour but d'offrir un accès libre et direct sur Internet à la connaissance de l'ensemble des collections et des fonds de photographies conservés en France. L'État aura in fine contribué à hauteur de 70 % du budget total, évalué à 2,3 millions d'euros. 17 000 images sont désormais en ligne, issues essentiellement de fonds déjà numérisés. L'agence photographique de la RMN qui gère le portail devra veiller, en cas de ventes de photographies, à ne pas tirer les prix vers le bas.

Enfin, je souhaite rappeler les priorités de la profession qui sont toujours d'actualité. Il s'agit en premier lieu de la question des droits d'auteur, à commencer par le sujet de la mention des « droits réservés » ou DR. Je vous rappelle que votre proposition de loi n° 441, madame la Présidente, est actuellement en navette et en attente d'inscription à l'ordre du jour à l'Assemblée nationale. Le ministère a, de son côté, indiqué avoir organisé une série de réunions avec les organisations professionnelles des photographes et élaboré un projet de cadre conventionnel de signature des photos de presse. Les éditeurs n'ont pas encore apporté leurs observations.

Les droits d'auteur sont d'autant plus importants qu'ils représentent désormais le mode de rémunération le plus courant, notamment des photojournalistes qui ont dû s'adapter à la crise économique de la presse et à la chute du salariat dans leur secteur. Ils ont largement diversifié leur activité, devenant ainsi enseignants, ou réalisateurs de web-documentaires, ce qui soulève d'ailleurs des difficultés pour accéder aux prestations sociales ou à la carte de presse. Ce dernier point est d'autant plus crucial, à mes yeux, qu'il soulève en plus la question de la pluralité des sources d'information. Sans accès aux zones de conflit, et avec un monopole économique du tandem Getty-AFP, les photojournalistes nous alertent, à juste titre, sur les conséquences de leur situation en termes de démocratie dans les médias. Ils évoquent d'ailleurs l'idée d'un quota de production d'images qui serait imposé aux organismes de presse.

En conclusion, je constate que le secteur des arts plastiques, malgré les efforts du ministère de la culture pour en protéger les crédits d'intervention, n'échappe pas au repli budgétaire total.

Cela prive le secteur de toute ambition de développement et des marges de manoeuvre nécessaires, notamment pour faire reculer la précarisation de la filière des métiers et de la création dans les arts plastiques, action dont tous soulignent la nécessité.

A titre personnel, je propose, compte tenu de l'ensemble de ces observations, de donner un avis défavorable, et je vous laisse le soin d'apprécier l'état des crédits de l'action 2 du programme « Création » de la mission « Culture ».

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