La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue l'un des principaux piliers budgétaires de la politique sociale mise en oeuvre par l'Etat. Composée de cinq programmes au poids budgétaire très inégal, elle traite aussi bien de la politique du handicap, de la lutte contre la pauvreté que de l'égalité entre les femmes et les hommes ou du fonctionnement des administrations sociales.
Elle ne couvre cependant pas l'ensemble de l'action de l'Etat dans le champ social puisque d'autres missions - je pense en particulier à la mission « Travail et emploi » et à la mission « Egalité des territoires, logement et ville » - concourent également à la politique nationale en faveur de l'inclusion sociale.
Le budget de cette mission pour 2013 s'élève à 13,4 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 5,6 % par rapport à 2012.
Cette augmentation résulte principalement d'un effort budgétaire significatif en faveur de la politique du handicap ainsi que du dynamisme des programmes relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes et au financement des administrations sociales.
A contrario, le programme de lutte contre la pauvreté enregistre une importante baisse de ses crédits qui, certes, est la conséquence de rentrées fiscales plus importantes mais qui, en termes d'affichage politique, n'est pas satisfaisante en période de crise.
Le programme « Handicap et dépendance », qui concentre à lui seul plus de 80 % des crédits de la mission, est doté de 11,2 milliards d'euros pour 2013, soit une augmentation de 6,3 % par rapport à cette année.
Ces moyens significatifs sont majoritairement destinés à financer l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui a pour objet de garantir aux personnes handicapées un minimum de ressources d'existence. Pour l'exercice 2013, les crédits demandés à ce titre s'élèvent à 8,4 milliards d'euros, soit une hausse de 8,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012, sous le double effet de l'accroissement du nombre de bénéficiaires, qui devrait dépasser le million en 2013, et des suites de la dernière tranche de revalorisation de son montant, intervenue en septembre dernier.
Malgré cet important effort financier, je regrette que le Gouvernement n'ait pas réexaminé le contenu de la réforme des conditions d'attribution de l'AAH mise en oeuvre par la précédente majorité au cours de l'année 2011.
Partant du constat, bien réel, de pratiques très différentes en matière d'appréciation de la « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi » de la part des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), cette réforme visait non seulement à réduire les disparités territoriales, mais aussi et surtout à endiguer l'évolution, particulièrement dynamique ces dernières années, du nombre de bénéficiaires de l'AAH.
Ainsi, la nouvelle définition de la notion de « restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi », plus restrictive, exclut de facto du bénéfice de l'allocation des personnes anciennement titulaires.
Qui plus est, l'éligibilité à l'allocation pour les bénéficiaires présentant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % est désormais réexaminée tous les deux ans, mesure totalement inepte au vu de l'engorgement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
Bien sûr, il ne s'agit pas de remettre en cause les objectifs, parfaitement louables, d'harmonisation des pratiques et d'équité territoriale, mais je ne peux admettre qu'une telle réforme conduise à un nivellement par le bas dans l'attribution de l'AAH ainsi qu'à des difficultés de fonctionnement supplémentaires pour les MDPH.
Le programme retrace également la contribution de l'Etat au financement des MDPH, laquelle s'élève à 62,8 millions d'euros pour 2013, soit une augmentation de 7,8 % par rapport à 2012. Je me félicite de cette hausse, à l'heure où les MDPH peinent à disposer des moyens financiers nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, ainsi que l'ont mis en évidence nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré dans leur rapport sur l'application de la loi Handicap de 2005.
Enfin, 2,6 milliards d'euros sont consacrés au fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat), montant stable par rapport à celui prévu pour 2012.
Ainsi que nous l'a indiqué la ministre lors de son audition, il n'est pas prévu de nouvelles créations de places dans ces structures l'année prochaine, priorité étant donnée aux places déjà autorisées. Ce choix, dicté par les contraintes budgétaires actuelles, met, il est vrai, fin à la dynamique engagée ces dernières années en matière de création de places.
J'en viens maintenant au programme « Lutte contre la pauvreté », qui regroupe à titre principal les crédits destinés au financement de la partie « activité » du revenu de solidarité active (RSA) et de l'économie sociale et solidaire. Ce programme phare de la mission accuse un nouveau recul : de 453 millions d'euros en 2012, les crédits passent à 404 millions en 2013, soit une baisse de 10,9 %.
Plus de 90 % des crédits du programme sont consacrés au financement du « RSA activité » au moyen d'une subvention d'équilibre de l'Etat au fonds national des solidarités actives (FNSA), qui s'établit à 373 millions d'euros pour 2013, en diminution de 48,8 millions d'euros par rapport à 2012.
Cette baisse de la subvention de l'Etat est présentée comme la conséquence directe de l'augmentation corrélative des recettes fiscales du FNSA prévue par le PLFSS pour 2013 (passage de 1,1 % à 1,45 % du taux de la contribution sociale sur les revenus de placement et de patrimoine). Je ne peux cependant me satisfaire de cette seule explication d'ordre technique, s'agissant d'un dispositif particulièrement symbolique et nécessaire en temps de crise économique.
Cela fait en effet plusieurs années que, face à la sous-consommation des crédits du « RSA activité », l'Etat diminue sa propre contribution et utilise les réserves du FNSA pour financer d'autres prestations comme la prime de Noël. Depuis sa création en 2009, le FNSA a fait l'objet d'une programmation budgétaire défaillante qui résulte d'hypothèses trop optimistes quant à la montée en charge du « RSA activité », dont il faudra bien, un jour, tirer les conséquences.
Le nombre effectif d'allocataires du RSA est toujours resté largement en deçà des prévisions initiales. Alors que le dispositif devait concerner plus de 3,5 millions de personnes dont 2,2 millions de travailleurs pauvres, on comptait, au 31 décembre 2011, 1,8 million d'allocataires du RSA, dont seulement 477 000 au titre du « RSA activité » et 229 000 au titre du « RSA socle et activité », ce qui témoigne d'un fort taux de non-recours à la prestation.
Le rapport remis, en décembre 2011, par le comité national d'évaluation du RSA, permet de chiffrer et d'analyser ce différentiel entre le nombre de bénéficiaires et le public cible. Il apparaît que, si le non-recours au RSA en général s'établit à environ 50 % en moyenne, il est plus particulièrement marqué pour sa partie « activité » : 68 % des bénéficiaires potentiels du « RSA activité » n'ont en effet pas recours à l'allocation, contre seulement un tiers pour le RSA socle. Près de quatre ans après son lancement, le « RSA activité » n'a donc pas trouvé son public.
Les causes sont connues : la trop grande complexité du dispositif, l'information insuffisante des bénéficiaires potentiels, la réticence que leur inspire un mécanisme jugé « socialement disqualifiant ».
Au vu de ce constat, je souhaite que la Conférence sociale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, prévue pour les 10 et 11 décembre prochain, soit l'occasion de proposer une refonte du dispositif du « RSA activité ». Cette conférence devra également poser la question de l'avenir du « RSA jeunes » qui, on le sait, est un échec, la condition des deux années travaillées à temps complet étant totalement inadaptée à la réalité de la jeunesse française.
Le programme « Lutte contre la pauvreté » propose également une présentation rénovée des crédits concourant au développement et à la promotion de l'économie sociale et solidaire (ESS), rendant compte de la volonté du Gouvernement de doter cette politique publique d'une plus grande visibilité et de nouvelles ambitions avec la nomination d'un ministre délégué dédié à ce domaine. Je me réjouis de cette évolution qui témoigne d'une meilleure prise en compte, par les pouvoirs publics, de la plus-value apportée par l'ESS à la richesse et à la solidarité nationale.
Les crédits alloués pour 2013, d'un montant de 5 millions d'euros, sont destinés à soutenir les acteurs de terrain (coopératives, régies de quartiers, associations intermédiaires, etc.) qui, comme je le constate dans mon département de Seine-Saint-Denis, font un travail remarquable d'insertion sociale et professionnelle.
Enfin, le programme accueille les crédits dédiés à la politique de soutien à l'aide alimentaire, précédemment portés par la mission « Egalité des territoires, logement et ville ». La dotation pour 2013, qui s'élève à près de 23 millions d'euros, doit permettre l'achat de denrées alimentaires et participer au financement des associations intervenant dans ce domaine.
A cet égard, je rappelle que l'aide alimentaire, en France, permet chaque année la fourniture de 800 millions de repas à environ trois millions de personnes. Dans le contexte d'augmentation de la pauvreté, la précarité alimentaire constitue un enjeu de plus en plus prégnant au même titre que l'accès au logement et à l'emploi.
Je ne peux terminer cette présentation sans évoquer trois autres programmes qui, en 2013, verront leurs crédits augmenter.
Le programme « Actions en faveur des familles vulnérables » poursuit simultanément trois objectifs : la protection juridique des majeurs, le soutien à l'exercice des fonctions familiales et parentales, le financement de groupements d'intérêt public dans les domaines de l'adoption internationale et de la protection de l'enfance.
Doté pour 2013 d'environ 245 millions d'euros, ce programme bénéficie d'une augmentation de crédits de 4,6 % par rapport à 2012. Après les coupes budgétaires de ces dernières années, le projet de la loi de finances pour 2013 témoigne ainsi de l'attention nouvelle portée par le Gouvernement à la politique de soutien envers les familles les plus en difficulté.
Je regrette cependant que, cette année encore, aucune subvention de l'Etat au fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE) ne soit budgétée au sein de ce programme, alors que l'aide sociale à l'enfance représente une charge croissante pour les départements.
Plus petit programme de la mission, celui consacré à l'« Egalité entre les femmes et les hommes » bénéficie lui aussi d'une nouvelle dynamique, liée à la création d'un ministère de plein exercice dédié aux droits des femmes. Ses crédits augmentent de 3 millions d'euros par rapport à 2012, pour atteindre 23,3 millions. Cette hausse s'explique principalement par la création d'un fonds de financement d'expérimentations en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, dont on peut toutefois regretter qu'il capte une partie des financements destinés à des actions de promotion déjà mises en place.
Le nouvel élan politique impulsé en matière de droits des femmes se traduit aussi par l'arrêt de la baisse des subventions aux associations nationales : 3,5 millions d'euros leur seront versés l'année prochaine.
Quant au programme « Conduite et soutien », qui porte l'ensemble des moyens de fonctionnement des administrations sociales, il voit ses crédits augmenter de 5 %, principalement à destination du financement des agences régionales de santé.
Au final, les crédits 2013 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » traduisent la volonté du Gouvernement de conduire une politique de solidarité et de justice sociale, tout en poursuivant l'objectif de redressement des comptes publics. Je vous propose donc de donner un avis favorable à leur adoption, ainsi qu'aux articles rattachés.