Dans un premier temps, ce courage politique mène souvent les gouvernants à l’impopularité ; accessoirement, il pousse aussi à la schizophrénie ceux qui, passés des affaires à l’opposition, redoublent soudainement d’audace en parole pour mieux faire oublier leur inaction d’hier.
Mais la situation actuelle est si grave qu’elle mérite autre chose que la polémique.
Elle mérite que nous débattions en bonne intelligence, c’est-à-dire de manière argumentée et contradictoire, que notre assemblée soit source de propositions effectives pour le pays et pour nos concitoyens, et que le Gouvernement, quelle que soit sa haute compétence, monsieur le ministre, sache entendre toutes les suggestions qui vont dans le sens à la fois de la réduction de la dette, d’une relance saine, durable et soutenable de l’activité en privilégiant les enjeux du futur, de la justice sociale, tant dans l’effort demandé que dans la marge étroite de redistribution qu’autorise un budget de crise, et, enfin – ce n’est pas le moindre des défis ! –, dans le sens d’une meilleure coordination et complémentarité de l’action de l’État avec les autres strates d’intervention publique qui l’entourent, les collectivités locales et territoriales, d’une part, et l’Union européenne, d’autre part.
Si nous devons juger ce budget dans sa globalité, force est de reconnaître qu’il traduit bel et bien un effort considérable s’agissant de la réduction de la dette. Nous nous félicitons que cet effort se fasse avec le souci de préserver une véritable justice sociale.
Le journal Les Échos titrait ce matin que la France deviendrait ainsi le pays imposant le plus les hauts revenus. C’est exact, mais comment pourrait-il en être autrement si nous voulons restaurer notre intégrité budgétaire sans sacrifier les plus défavorisés de nos concitoyens ?
De la même façon, nous saluons les efforts réalisés sur les missions prioritaires que sont l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, missions dont les moyens augmentent, parce qu’elles sont les mieux à même de préparer l’avenir.
En réalité, si nous avons quelques regrets, ces derniers se justifient principalement par les pistes et les ressources qui permettraient d’approfondir encore ces orientations et qui, à notre sens, n’ont pas été assez explorées.
Je pense notamment aux niches fiscales anti-écologiques, dont, voilà un an, la Cour des comptes évaluait le coût à plus de 19 milliards d’euros. La Cour regrettait alors que, sur les vingt-six niches de ce type qui avaient été identifiées, seules deux aient été remises en cause depuis le Grenelle de l’environnement. Les progrès à faire en la matière se font encore tristement attendre !
De même, dans ce projet de loi des finances, les aspects relatifs à la mutation écologique de l’économie et à la transition énergétique demeurent négligés et s’éloignent des promesses et des ouvertures faites par le président de la République lors de la Conférence environnementale de septembre dernier.
Des regrets face à ce projet de loi de finances, nous en avons également en matière de politique fiscale. Certes, l’effort est là, avec un souci indéniable de justice sociale. Mais nous restons dans une fiscalité très traditionnelle, qui repousse encore à l’année prochaine l’introduction d’une véritable fiscalité écologique et qui néglige également des pans entiers de l’économie, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui et telle qu’elle continuera à se développer demain.
Ainsi, nous sommes toujours au point mort concernant la fiscalité de l’économie numérique. Alors que nous cherchons, il est vrai de manière un peu irréaliste, à relocaliser la production industrielle sur notre territoire, nous ne parvenons toujours pas à localiser les recettes et les revenus tirés dans notre pays par les géants de l’internet et de la nouvelle économie !
À l’heure où les politiques européennes en la matière tardent à se mettre en place, le Gouvernement aurait tout intérêt à se saisir des propositions déjà nombreuses et précises formulées dans ce domaine par le Sénat, singulièrement par le président de sa commission des finances.
Je parlais d’Europe, c’est justement le dernier élément que j’évoquerai. Le sujet est d’autant plus d’actualité que le Conseil européen se réunit ce soir pour parler, lui aussi, de questions budgétaires ! Nous pouvons avoir quelques inquiétudes à ce propos, tant le comportement des uns et des autres est à l’économie, voire à l’austérité.