Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le décrochage scolaire dans notre pays est une réalité particulièrement préoccupante : 150 000 jeunes sont concernés tous les ans, en raison d’un système scolaire parfois inadapté à leurs nécessités ou, plutôt, à leurs besoins psychologiques du moment.
À ce titre, notre collègue Jean-Claude Carle, auteur de la présente proposition de loi, met en lumière des écoles peu connues, je l’avoue, et nous rappelle ainsi qu’il n’existe pas une seule et unique méthode d’enseignement.
Cher collègue, je vous remercie de votre démarche. Au sein de la commission de la culture, vous intervenez souvent, et toujours avec beaucoup de conviction. Je ne cesse d’apprécier la sincérité de vos prises de position, même quand, comme aujourd’hui, nos conclusions ne sont pas les mêmes.
Nous avons appris, avec étonnement, que les écoles de production existent depuis 1882. Au nombre de quinze, elles délivrent une formation qui se veut avant tout professionnalisante : les deux tiers du volume horaire sont consacrés à la formation pratique, en situation réelle de production. Les élèves âgés de 14 à 18 ans, encadrés par un maître professionnel, réalisent des commandes pour des clients dans divers domaines, tels que l’automobile, le bâtiment, l’hôtellerie...
Par conséquent, si ces « écoles-entreprise » jouent un rôle essentiel dans l’insertion socioprofessionnelle de ces élèves, elles permettent aussi à la moitié d’entre eux de poursuivre des études pour lesquelles ils ont pu développer antérieurement une aversion au vu de leur caractère théorique.
Elles peuvent notamment délivrer des diplômes comme le certificat d’aptitude professionnelle, le CAP, le brevet d’études professionnelles, le BEP, ou le baccalauréat professionnel.
Ces établissements sont parvenus à mettre en place une méthode pédagogique de qualité. En témoigne leur fort taux de réussite, qui se situe, en moyenne, autour de 80 %. Toutefois, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, ces statistiques nous sont fournies par la Fédération nationale des écoles de production elle-même.
Le texte dont nous sommes saisis tend à favoriser leur développement et vise alors un objectif légitime que nul ne conteste : soutenir des jeunes adolescents en difficulté scolaire, sociale, culturelle et parfois même familiale. Toutefois, dans sa mise en œuvre, il soulève un certain nombre de questions juridiques et administratives dont les réponses méritent d’être approfondies. Vous savez, mes chers collègues, le souci du RDSE, notamment de son président, Jacques Mézard, de faire du bon travail législatif !
Est-il pertinent, comme cela est proposé, de rattacher ces écoles au ministère de la formation professionnelle, alors que celui-ci ne dispose pas de la compétence nécessaire pour les contrôler ? Vous avez répondu à cette question, monsieur le ministre.
L’État doit pouvoir garantir qu’un ensemble de connaissances minimales sont enseignées, telles que la lecture, l’écriture ou les mathématiques, même lorsque ces jeunes fréquentent des établissements privés hors contrat.
Or après le travail minutieux, et même pédagogique, accompli par notre collègue et rapporteur Françoise Laborde, nous sommes au regret de constater que la rédaction de ce texte reste inachevée.
En effet, la carte « Étudiant des métiers » serait accordée aux élèves de ces écoles. Par ailleurs, les entreprises partenaires pourraient bénéficier des versements exonératoires de la taxe d’apprentissage. Or, cela n’est possible qu’au titre du « hors quota », puisque la part quota est évidemment destinée à financer le développement de l’apprentissage. Les écoles de production bénéficieraient enfin des bourses nationales et des aides scolaires pour leurs élèves, sans être soumises au contrôle du ministère de l’éducation nationale.
Comme l’a souligné notre excellente rapporteur, la création d’un statut hybride et spécifique à ces écoles n’est pas souhaitable au regard du principe d’égalité. Pourquoi devrait-on favoriser particulièrement ces écoles par rapport aux 875 autres établissements privés d’enseignement technique ? De notre point de vue, rien ne le justifie.
Je rejoins donc les conclusions de Mme la rapporteur, et je remercie la présidente de la commission de la culture et de l’éducation lorsqu’elle nous propose de réaliser des déplacements afin de mieux appréhender le fonctionnement des écoles de production.
Loin de nous l’idée de faire preuve d’un quelconque dogmatisme ! Il faut le dire, nous ne sommes pas réticents a priori aux enseignements alternatifs. Nous ne rejetons pas la mise en place d’autres expériences pédagogiques ; elles nous paraissent même nécessaires.
Néanmoins, si le développement du travail manuel peut être positif pour certains élèves, je reste, quant à moi, dubitatif et, surtout, très vigilant lorsque des enfants de moins de 16 ans travaillent. Les deux tiers de leur horaire d’enseignement sont consacrés à la pratique dans les conditions du marché du travail et, donc, à la vente d’un produit ou d’un service de l’école à l’entreprise.
Il est pour le moins étonnant que la très grande majorité des jeunes concernés ne reçoive pas de rémunération, contrairement aux élèves apprentis. Or certaines de ces écoles perçoivent des frais d’inscription qui peuvent parfois atteindre mille euros !
Aussi, s’il existe un système parallèle aux autres établissements d’enseignement technique, la recherche d’améliorations de notre système scolaire dans son ensemble doit être une priorité.
Ainsi, avant de généraliser à l'échelle nationale un système mis en place très majoritairement au sein de la région Rhône-Alpes et concernant uniquement 700 élèves, il convient de mesurer les conséquences d’une telle réforme. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe du RDSE votera la motion tendant à opposer la question préalable.