Nous proposons de corriger une injustice flagrante.
Si les revenus financiers qui bénéficient aux personnes physiques sont taxés – et il me semble que leur taxation a même été augmentée dans le projet de loi de finances rectificative que nous avons voté cet été –, ce n’est toujours pas le cas pour les revenus financiers liés aux placements des entreprises. Or ces placements n’ont cessé d’occuper une place de plus en plus importante dans les bilans financiers des entreprises. Plus de 107 % en dix ans ! Cela représente deux fois le montant du produit intérieur brut. Comme on pourrait le dire trivialement, il y a donc de la marge.
Cette logique de financiarisation de l’économie « sans entraves » doit être, si ce n’est stoppée, du moins découragée et donc taxée.
L’économie virtuelle, qui se nourrit elle-même de la spéculation, est de plus en plus détachée de l’économie réelle. C’est un danger. Nous avons tous pu le constater puisque c’est une des raisons de la crise de 2008. Ce sont en effet les choix spéculatifs des banques qui gèrent les produits financiers des entreprises qui sont, en partie, la cause de cette dernière.
Cette gangrène empêche le développement de l’économie réelle, dont les deux éléments principaux devraient rester l’investissement productif et les salaires. Ce ne sont pas ces choix qui ont été faits, notamment par les grandes entreprises, et nous en payons aujourd'hui les conséquences, y compris en termes de perte de compétitivité. Quand on investit deux fois moins dans la modernisation de l’outil de travail, dans la formation et les salaires que dans la spéculation, on sait où cela mène, et on le voit aujourd'hui.
Nous comprenons que la logique qui sous-tend cet amendement percute de plein fouet les récentes réorientations du Gouvernement en matière de compétitivité, mais, puisque certains cherchent des contreparties aux avantages octroyés aux entreprises, en voilà une !
Notre amendement est un premier pas pour réorienter les profits vers la solidarité. En soumettant ces actifs à une contribution importante, mais en rien confiscatoire, nous entendons contraindre les entreprises à sortir de la logique qui nous a conduits dans le mur. Nous souhaitons aussi les inciter à réinvestir la richesse produite dans l’entreprise elle-même.
Comment ne pas imaginer les effets que l’application immédiate de notre amendement aurait sur la vie économique ? Il serait une arme dissuasive pour conduire les entreprises à faire d’autres choix de placements et à cesser d’investir dans les revenus financiers plutôt que dans l’investissement productif. De plus, il rapporterait des sommes importantes qui permettraient de contribuer à l’équilibre de nos comptes sociaux, et cela sans avoir besoin de recourir à une taxation supplémentaire, sur les retraites par exemple.
Selon un vieux slogan de la prévention routière, « boire ou conduire, il faut choisir ». Eh bien, nous sommes à un carrefour : continuer de spéculer ou contribuer à la solidarité nationale, il faut choisir ! Notre groupe fait ce dernier choix, et nous espérons que nos collègues de gauche nous suivrons dans ce juste combat pour une juste répartition des richesses.