Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 14 novembre 2012 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Article 23, amendements 301 302

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements n° 302 rectifié et 301 rectifié, dont les dispositifs sont un peu différents mais qui ont un objet identique.

Les orateurs précédents, toutes tendances politiques confondues, se sont émus de l’augmentation du tarif spécifique applicable à la bière que propose le Gouvernement.

Certes, la fiscalité de la bière dans notre pays est plutôt faible par comparaison avec celle qui est en vigueur dans d’autres pays européens. En outre, à la différence des impositions qui frappent les autres alcools, elle n’a pas été modifiée depuis quinze ans. Toutefois, avouez, madame la ministre, qu’une augmentation de 160 % est brutale et que vous placez la barre un peu haut !

Bien des arguments ont déjà été présentés au sujet des conséquences de cette mesure sur le secteur brassicole ainsi que sur les cafés et les brasseries, notamment en zones rurales ; je ne les reprendrai pas.

Pour ma part, je tiens à corriger une contre-vérité qui a été énoncée à l’Assemblée nationale par le ministre du budget. Le 25 octobre dernier, M. Cahuzac a soutenu que, la taxe sur la bière étant « un droit d’accise, donc, par définition, une taxe sur la consommation », la production ne serait pas touchée.

L’ennui, c’est qu’on nous explique par ailleurs qu’il s’agit de renchérir le prix des bières pour faire baisser la consommation… Il y a donc une certaine contradiction dans les arguments du Gouvernement ! Dès lors que la consommation baissera, je ne vois pas comment les producteurs, qui supportent des charges fixes, pourront ne pas être directement affectés.

Entendons-nous bien : nous souscrivons pleinement à l’objectif du Gouvernement de lutter conter l’alcoolisation massive, notamment celle des jeunes, qui a été évoquée à plusieurs reprises.

Le Gouvernement prétend que le demi de bière augmenterait seulement de 5 centimes. Toutefois, la démonstration vient de nous être faite par M. Reichardt – je ne la reprendrai pas – que l’augmentation se monterait en réalité à 40 centimes environ pour le consommateur.

Une hausse aussi énorme aura sûrement un effet dissuasif, mais elle affectera inévitablement le pouvoir d’achat d’une frange de la population, bien souvent populaire, qui est déjà durement touchée par la crise économique.

Je vous rappelle que, en trente ans, la consommation de bière a déjà chuté de près de 30 % ; ce déclin lent et inéluctable a d’ailleurs entraîné quelques restructurations industrielles importantes.

Par ailleurs, chacun sait que la bière n’est pas en cause dans les comportements de type binge drinking, contrairement à la vodka.

S’il s’agit réellement de répondre à un souci de santé publique, et non pas de trouver des recettes supplémentaires, adoptons une fiscalité éducative et proportionnelle, qui taxe davantage les boissons fortes, addictives ou ayant les effets les plus néfastes sur la santé. Puisque nous avons déjà mis en place un tel système pour les alcools titrant à plus de 18 degrés, poursuivons dans cette voie !

Tel est l’objet de notre amendement n° 302 rectifié, qui tend à augmenter de 80 % le taux d’accise sur les bières dont le titre alcoométrique n’excède pas 8 degrés. Cette augmentation, deux fois inférieure à celle qui est proposée par le Gouvernement, serait mieux proportionnée aux risques pour la santé publique. Je pense qu’elle serait supportable à la fois pour les consommateurs et pour l’ensemble de la filière brassicole.

L’amendement tend également à créer un nouveau tarif de 7, 2 euros applicable aux bières dont le titre alcoométrique excède 8 degrés, qu’elles soient produites par les petites ou par les grandes brasseries.

Quant à l’amendement n° 301 rectifié, il vise seulement, compte tenu des explications données en commission, à limiter la hausse de la taxe à 80 %, ce qui est plus raisonnable et peut-être plus juste.

En effet, ce qui nous choque dans le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, c’est que les plus petites brasseries, celles qui produisent moins de 10 000 hectolitres – on en compte plus de 400 sur notre territoire, dont certaines en Franche Comté – sont finalement les plus pénalisées, puisqu’elles restent soumises à l’augmentation de 160 %, comme les entreprises industrielles.

En l’état actuel de la réglementation européenne, si nous voulons ne pas trop pénaliser les micro-brasseries, nous devons limiter la hausse du droit de consommation pour tous les producteurs.

La volonté du Gouvernement de réduire le déficit de la sécurité sociale est salutaire, mais la filière brassicole ne mérite pas un matraquage fiscal de cette ampleur. Il y aura d’autres abus à sanctionner et d’autres sources d’économies à trouver !

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