Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le XXIe siècle sera-t-il celui de la civilisation urbaine ? C’est avec cette interrogation que, voilà douze ans, Jean-Claude Gayssot était venu présenter le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains devant le Parlement. Aujourd’hui, en ce 11 septembre 2012, le texte que je vous présente n’est ni pour la ville ni pour les campagnes, il n’est pas non plus pour le bâti ou pour l’urbain : c’est tout simplement un projet de loi pour l’humain.

L’esprit et la lettre de ce texte s’inscrivent dans le droit-fil de ceux qui avaient prévalu voilà maintenant douze ans et respectent la volonté de l’un des auteurs de l’époque, qui ne siège plus aujourd’hui au Parlement, Louis Besson, que je tiens à saluer ici aujourd’hui et à remercier pour son appui et ses conseils.

Depuis plusieurs années, le législateur a pris conscience du fait que le logement n’est pas un marché comme les autres. Des lois ont été élaborées pour mieux l’encadrer et le réguler. Certaines ont fait leurs preuves, de nombreux projets sont nés.

Pourtant, ces efforts n’ont pas suffi.

En 2012, ce sont 1 700 000 habitants de notre pays qui attendent un logement social. La crise du logement ne connaît pas de répit. Elle est chaque jour plus profonde et plus grave, et nous commençons seulement à ressentir les effets de la crise économique que nous traversons.

Chaque fin de mois, le premier poste de dépense des ménages pèse plus lourd dans leur budget. Sous les effets de la crise, nombreux sont les Françaises et les Français qui peinent à payer leur loyer, qui ne parviennent pas à agrandir leur logement alors que naît un nouvel enfant ou qui se voient contraints de vivre dans des habitats vétustes, parfois indignes et insalubres.

Il y a deux jours, le drame de l’incendie de Saint-Denis est venu rappeler à chacun que le mal-logement n’est pas seulement synonyme de mal-être, de mal-vivre, mais qu’il peut mener à la tragédie la plus brutale et la plus insupportable.

Je l’ai dit aux élus, nous travaillons sur un dispositif beaucoup plus contraignant pour lutter contre les « marchands de sommeil », qui prospèrent sur la crise du logement…

Face à cette réalité qui se fait chaque jour plus grave, le Gouvernement n’a qu’un seul objectif et une seule volonté : faire du logement un bien de première nécessité, dire qu’un toit c’est un droit.

Pour y parvenir, il va nous falloir reconstruire. L’action publique s’est parfois détournée, voire égarée, en pensant qu’il suffirait de redonner la main au seul marché pour que, par miracle ou par l’action d’une main invisible, celui-ci retrouve un équilibre permettant à chacun de se loger. L’État a semblé parfois aussi s’assoupir en pensant qu’il suffirait de proclamer un droit au logement ou que le temps donnerait des solutions à l’affaire.

La conviction de ce gouvernement est faite : il n’y aura pas de solution à la crise du logement sans une mobilisation générale et extraordinaire de tous les acteurs pour y parvenir. Nous devons tout d’abord mobiliser les moyens de l’État, des collectivités locales ensuite, mais aussi, bien entendu, des bailleurs sociaux et des acteurs privés.

Le sursaut que nous appelons de nos vœux n’est pas un soubresaut supplémentaire, mais la conviction que, dans une crise sans précédent, l’effort de construction se doit lui aussi d’être exceptionnel pour répondre aux besoins et aux attentes.

Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République a fixé le cap : un objectif ambitieux de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, tout en poursuivant un plan impératif – l’isolation thermique d’un million de logements par an – pour lutter contre le dérèglement climatique. Le Premier ministre a rappelé ces objectifs devant le Parlement lors de son discours de politique générale.

Ce n’est pas seulement un grand défi, c’est d’abord un impératif dicté par la situation sociale. La mise en œuvre de cet engagement ne fait que commencer.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui ne prétend pas apporter une solution unique ou immédiate. Les difficultés sociales et économiques ne seront pas résolues en un texte. Je vous invite aujourd’hui à poser une nouvelle pierre à un édifice plus important que nous voulons bâtir ensemble.

Dès la nomination du Gouvernement, nous avons préparé un décret sur l’encadrement des loyers, s’inscrivant dans le cadre de la loi de 1989, afin de bloquer les hausses insupportables dans les zones tendues. Cette mesure d’urgence a été saluée comme un premier signal pour mettre fin aux spéculations répétées sur les loyers les plus élevés, mais il est certain qu’elle reste imparfaite et limitée. Dans les semaines qui viennent, nous entamerons une concertation nationale pour prolonger, améliorer et pérenniser ce dispositif.

En complément des travaux que nous menons ici, mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous soumettrons très prochainement dans le cadre du projet de loi de finances des mesures incitatives fortes, afin de continuer à encourager le secteur de la construction, sans prolonger les erreurs du passé, c’est-à-dire en privilégiant la construction là où nous en avons besoin, avec un souci permanent de justice sociale et territoriale. Nous proposerons également de lutter fortement contre la vacance, à la fois en dissuadant les propriétaires de laisser des logements vides et en les aidant à les remettre sur le marché.

Vendredi prochain s’ouvrira au Conseil économique, social et environnemental, sous l’autorité du Président de la République, la conférence environnementale. Ce nouvel exercice institutionnel mettra en débat tous les sujets qui concernent principalement les générations futures. Il permettra de traiter du logement et du bâti, parce que le bâtiment demeure un important facteur d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi parce que l’habitat repose sur la mise en concordance de l’humain et de son environnement. Il nous faudra construire de manière volontaire, mais en respectant la nature et en cohérence avec nos objectifs de développement durable. C’est à cette occasion que ma collègue Delphine Batho et moi-même ébaucherons les principales mesures en faveur de la rénovation thermique des bâtiments que nous souhaitons entreprendre.

Viendra ensuite le temps des réformes d’ampleur et de profondeur. Elles devront permettre notamment d’établir des relations plus équilibrées entre les propriétaires et les locataires et de lutter contre les copropriétés dégradées et l’habitat insalubre. Elles auront vocation à mieux sécuriser les documents d’urbanisme pour permettre aux collectivités de concevoir des projets à la fois plus ambitieux et plus respectueux de l’environnement.

Mais, aujourd’hui, il y a urgence. Nous sommes dans le combat, comme l’a rappelé le Président de la République dimanche dernier, et c’est bien au nom d’une double urgence, à la fois sociale et économique, que je vous présente ce projet de loi.

Il y a une urgence sociale, je l’ai dit, pour donner un toit à chacun.

Il y a une urgence économique, celle d’un secteur, celui du bâtiment et de la construction qui, bien qu’étant au cœur de notre économie, traverse une période très dure sous les effets de la crise globale. À nous de lui redonner du souffle et de la confiance, afin de créer et de maintenir des emplois durables et non délocalisables dans notre pays.

Avec ce projet de loi, nous allons mettre en œuvre deux promesses faites par François Hollande aux Françaises et aux Français lors de la campagne présidentielle : premièrement, la cession du foncier public avec une forte décote pouvant aller jusqu’à la gratuité ; deuxièmement, le renforcement des dispositions introduites par l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, à travers le relèvement de 20 % à 25 % de l’objectif de logement social par commune et le quintuplement des pénalités.

Ces engagements étaient clairs, ces promesses sont tenues.

Chacun en est conscient dans cet hémicycle, pour construire, il faut avant tout du foncier. Nous mobiliserons donc tous les terrains disponibles, et, en premier lieu, ceux des particuliers, en les incitant à placer sur le marché leurs terrains à bâtir via une fiscalité bien plus adaptée à la situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez prochainement l’occasion d’examiner des mesures permettant de mettre fin au dispositif mis en place par l’ancienne majorité, qui consistait à exonérer d’impôt sur les plus-values immobilières les propriétaires qui parvenaient à garder leur terrain constructible pendant trente ans. Ainsi, le législateur avait jugé plus utile de valoriser la rétention des terrains que d’encourager leur mise à disposition, alors que le foncier se faisait de plus en plus rare.

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