Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Cécile Duflot, ministre :

Oui, c’est une décision ferme. Nous n’allons pas rester les bras ballants face aux maires qui refusent de jouer le jeu de la cohésion nationale. Nous ne pouvons pas accepter cette logique antirépublicaine, avec des communes qui s’isolent.

Pour sortir de cette situation, il faut un cap et une volonté.

Le cap, c’est l’égalité des territoires.

La volonté, c’est la mobilisation des ressources disponibles en faveur du logement social.

L’outil, c’est cette loi de mobilisation nationale pour le logement social. L’État mobilise le foncier, et les maires doivent prendre leurs responsabilités.

C’est une question de justice et d’équilibre : il n’y aura pas d’égalité territoriale sans mixité sociale.

Le projet de loi vise à en finir avec les ghettos. C’est pourquoi son deuxième volet tend à modifier la loi SRU pour l’améliorer et l’amplifier.

La loi SRU est un texte fondateur et novateur qui a posé des principes essentiels au développement de nos villes. Son article 55, en particulier, traduit concrètement l’objectif essentiel de la mixité sociale. En imposant à toutes les communes l’obligation d’accueillir une part minimale de logements abordables, c’est le refus d’une société de l’entre-soi qu’il a permis d’affirmer. C’est le refus que se constituent, par le truchement des prix de l’immobilier, d’une part, des « ghettos de riches » repliés sur eux-mêmes et, de l’autre, des territoires de relégation concentrant les difficultés sociales et économiques.

Après plus de dix ans d’application, cette mesure, qui faisait la part belle à l’incitation, présente un bilan contrasté.

D’un côté, ce bilan est très positif. Dans la très grande majorité des territoires, la nécessité de produire du logement social est devenue une évidence. L’image du logement social n’est plus, sauf dans de très rares cas, celle du béton. Les élus bâtisseurs savent que ces logements sont d’une qualité, notamment environnementale ou architecturale, bien souvent supérieure à celle de la promotion privée. Le logement social est désormais perçu par beaucoup pour ce qu’il est, à savoir un atout pour une société qui veut loger ses jeunes, ses ouvriers, ses employés, ses ménages les plus modestes, ou encore ses infirmières, dont je sais qu’elles éprouvent, aujourd’hui, de grandes difficultés pour se loger dans les zones urbaines.

Et, pourtant, l’objectif de la loi SRU n’est que partiellement atteint. Un chiffre l’illustre parfaitement : en dix ans, la part de logements sociaux des communes visées par l’article 55 de la loi SRU n’a augmenté que d’un point, passant de 13 % à 14 %. Les dispositions contenues dans la loi de 2000 n’ont donc pas permis de rééquilibrer véritablement la répartition géographique du logement social.

Si certaines communes respectent les obligations que leur impose la loi, d’autres préfèrent payer plutôt que de contribuer à la solidarité territoriale. Les leçons à en tirer sont claires : il est indispensable de rénover l’article 55 de la loi SRU pour renforcer son efficacité sur plusieurs points.

Tout d’abord, nous vous proposons un dispositif plus ambitieux. Le taux minimum de logements sociaux par commune sera porté de 20 % à 25 % là où le besoin s’en fait sentir, c’est-à-dire dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants où la pénurie justifie d’accroître l’effort de construction de logements sociaux.

Pour être pleinement efficace, cette augmentation devra être ciblée et objective, tout en tenant compte des contextes locaux. Les critères qui permettront de déterminer par décret la liste des agglomérations ne nécessitant pas d’obligation renforcée de production de logements sociaux, sont les suivants, et ils sont très simples : le taux d’effort des ménages bénéficiaires de l’allocation logement logés dans le parc privé ; le taux de vacance dans le parc public ; la pression sur le logement locatif social, mesurée à l’aune du nombre de demandeurs rapporté au nombre des nouvelles mises en location.

Ensuite, je vous propose de renouer avec l’esprit initial du législateur en mobilisant plus vite et mieux les communes pour atteindre un objectif clair : 25 % de logements sociaux par commune en zone tendue et 20 % en zone détendue d’ici à 2025.

De fait, les dispositions actuelles fixent, par période triennale, un objectif de rattrapage de 15 % du déficit en logements sociaux. Concrètement, cela signifie qu’à chaque période triennale l’objectif des 20 % de logements sociaux est repoussé à un horizon de vingt ans. C’est la raison principale pour laquelle le taux de logements sociaux des communes relevant de l’article 55 de la loi SRU a si peu progressé en dix ans. Alors que l’esprit initial de la loi SRU était d’atteindre 20 % de logements sociaux par commune d’ici à 2020, le système de calcul des obligations triennales ne conduit, en réalité, qu’à repousser sans cesse cet objectif. Si nous conservons ce dispositif tel quel, nous n’atteindrons jamais ce résultat.

Afin d’y parvenir, le présent projet de loi prévoit une méthode en cohérence avec cet objectif : les obligations de réalisation de logements sociaux des quatre périodes triennales qui nous séparent de cette échéance seront calculées en conformité avec le but fixé. L’obligation de rattrapage de la prochaine période triennale devra donc permettre de résorber un quart du déficit de logements sociaux constaté en 2013, l’obligation de la période suivante un tiers du déficit constaté en 2016, celle de la troisième période 50 % du déficit constaté en 2019, et celle de la dernière période 100 % du déficit constaté en 2022.

Toutefois, pour atteindre un objectif aussi ambitieux, il nous faudra également, nous en sommes conscients, user de la contrainte. Les communes qui préféreront refuser d’appliquer la loi devront être lourdement sanctionnées. En effet, il est intolérable que certains territoires refusent de prendre leur part à l’effort collectif de production de logements abordables. C’est un impératif moral.

Pour les communes qui respecteront leurs obligations, le prélèvement versé chaque année restera inchangé. En revanche, les communes qui auront délibérément enfreint la loi, qui auront choisi de ne pas agir, se verront imposer par le préfet de département un quintuplement de leur prélèvement.

Pour renforcer l’effet dissuasif de cette majoration des pénalités, le plafonnement actuel des prélèvements à 5 % des dépenses de fonctionnement de la commune sera porté à 10 % pour celles dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 150 % de la médiane, c’est-à-dire – les chiffres, à mes yeux, sont très clairs – pour les villes les plus aisées.

Ainsi, pour les communes carencées qui choisiront de payer plutôt que de contribuer à la mobilisation nationale, l’addition sera à la hauteur du coût que représente, pour la société, leur égoïsme local !

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