Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Cécile Duflot, ministre :

Par ailleurs, les prélèvements versés par les communes déficitaires continueront à alimenter les politiques publiques des collectivités en faveur du logement social. À cette fin, ces sommes seront versées prioritairement aux EPCI, à condition que ces derniers soient délégataires des aides à la construction de logements, par souci de cohérence.

À défaut, et hors Île-de-France, le prélèvement sera attribué à un établissement public foncier local, ou, le cas échéant, à un établissement public foncier d’État compétent sur le périmètre communal.

En l’absence d’EPCI délégataire et d’établissement foncier, ce prélèvement sera versé au fonds d’aménagement urbain, le FAU, ou au fonds régional d’aménagement foncier et urbain, le FRAFU, dans les outre-mer.

À mon sens, il est juste que la majoration du prélèvement payé par les communes en carence soit, quant à elle, versée à un fonds national qui financera la réalisation de logements destinés à des ménages précaires ne parvenant pas à se loger, même dans les logements HLM très sociaux. Ces financements nouveaux, destinés au logement, viendront compléter les crédits habituels de l’État et permettront de développer une offre spécifique de logements accessibles aux plus modestes. Les collectivités locales ont aujourd’hui besoin d’un tel dispositif, qui leur fait cruellement défaut, particulièrement pour assurer la sortie de l’hébergement vers le logement.

Enfin, la disposition contenue dans l’article 57 de la loi SRU, imposant qu’une part des prélèvements dont l’EPCI a été bénéficiaire soit automatiquement reversée à la commune qui en a fait l’objet, sera supprimée. De fait, quel est le sens d’un prélèvement incitatif si on en reverse, sans contrôle, une partie à celui qui l’acquitte ?

Davantage de logements sociaux équitablement répartis sur le territoire, dans de meilleurs délais et avec des sanctions plus lourdes pour les communes qui se refusent à participer à cet effort national : voilà la réforme d’ampleur que je vous propose d’adopter. Nos concitoyennes et nos concitoyens attendent des mesures de cette portée pour que, demain, l’égalité des territoires soit une réalité et que chacun parvienne à se loger.

Le troisième volet de ce projet de loi nous conduit à réviser la loi dite du Grand Paris.

Ce texte a été adopté il y a quelques mois en se détournant, sur certains points, du nécessaire respect des collectivités. Il visait alors à remettre l’État au cœur de l’aménagement de la région capitale.

Le Gouvernement partage le souci d’un aménagement équilibré et durable du Grand Paris, mais il demeure convaincu que ce projet doit viser exclusivement l’intérêt de ses habitants, en partenariat avec les collectivités concernées.

Le Grand Paris donnera encore lieu à de nombreux débats. Toutefois, afin de faciliter l’accomplissement des objectifs de production de logement en région parisienne et, plus généralement, de consolider la démarche de mise en œuvre du projet du Grand Paris, une disposition du texte tend d’ores et déjà à modifier la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris afin de mettre en cohérence l’élaboration des contrats de développement territorial, ou CDT, avec l’approbation du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF. §

Désormais, les procédures s’opéreront dans le bon ordre, le SDRIF définissant la stratégie de développement régional, les CDT déclinant cette dernière et s’inscrivant dans cette perspective. Ceux-ci devront désormais être compatibles avec le schéma régional. Dans ce cadre, un article tend à prolonger jusqu’au 31 décembre 2013 le délai prévu pour soumettre à enquête publique l’ensemble des CDT, y compris ceux pouvant être conclus sur le territoire de compétence de l’établissement public de Paris-Saclay.

Enfin, le présent projet de loi permet à la région d’Île-de-France et aux départements concernés d’être, à leur demande, signataires des CDT, afin que le partenariat le plus large possible puisse être bâti autour des projets de la région capitale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est la première pierre que je vous propose de poser, ensemble, pour engager une mobilisation générale en faveur de la construction de logements. Elle ne sera pas la seule, vous l’avez compris. La détermination du Gouvernement à ériger le logement en priorité nationale est pleine et entière.

Le Président de la République l’a encore rappelé lui-même il y a quelques jours : c’est une bataille qui s’engage. Une bataille pour le logement, une bataille pour la solidarité et la justice. En plaçant ainsi sur le marché un certain nombre de terrains constructibles, l’État s’engage pleinement dans cette exigence de solidarité nationale, et les collectivités locales seront appelées à faire de même.

Voilà maintenant six ans, un projet de loi qui portait aussi sur le logement avait été débattu par le Parlement. Les discussions furent nourries et houleuses. Mais, à la surprise de nombreux parlementaires, un très vieux monsieur, âgé de 93 ans, s’invita dans les débats. Après une vie consacrée à lutter contre le mal-logement, il fit de cette visite à l’Assemblée nationale son dernier combat. Permettez-moi de reprendre ici les mots prononcés par l’abbé Pierre à cette occasion. En parlant de la loi SRU, il avait appelé à « faire pression sur les élus pour qu’aucun ne s’abaisse à cette indignité de ne pas respecter la loi ». Il avait également déclaré : « Si je suis ici, c’est uniquement pour cela, pour parler de l’honneur de la France. L’honneur, c’est quand le fort s’applique à aider le moins fort, à aider le faible. »

L’abbé Pierre n’est plus parmi nous pour tenir ce langage, et je pense aujourd’hui à toutes celles et tous ceux qui, après lui, jour après jour, œuvrent pour le droit au logement.

Au nom de cet engagement, c’est aussi à nous, à vous, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de ne pas reculer dans l’effort qui vient d’être lancé !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion