Intervention de Valérie Létard

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif des dispositions du projet de loi dont nous allons débattre cette semaine, permettez-moi deux remarques liminaires.

Comme tous mes collègues exerçant des responsabilités locales, je sais combien la question du logement est sensible. En fonction des territoires, elle se pose avec plus ou moins d’urgence, mais elle reste toujours la préoccupation principale de nos concitoyens avec celle de l’emploi. Offrir l’accès à un emploi et à un toit, c’est à cela que nous nous attelons tous au niveau de nos communes et de nos intercommunalités.

Depuis ma première intervention sur l’article 55 de la loi SRU en novembre 2002, ma position n’a pas varié : je suis favorable à ce dispositif. En d’autres circonstances, j’ai œuvré pour qu’il ne soit pas démantelé. Encore aujourd’hui, sur le principe, je conçois que le Gouvernement puisse choisir d’activer ce levier pour augmenter le nombre de logements locatifs sociaux dans les zones les plus tendues. Une chose est claire, il faut augmenter l’offre de logements locatifs, publics comme privés.

Les chiffres que vient de nous exposer Marie-Noëlle Lienemann méritent cependant quelques corrections. Au-delà des chiffres bruts – 4 000 000, 4 450 000 –, n’oublions pas les politiques publiques qui ont amélioré notre parc de logements locatifs. Le programme national de rénovation urbaine a permis de démolir et de reconstruire des logements sociaux, avec d’importants financements au titre de l’aide à la pierre qui ont rendu possible la remise à niveau de notre parc social. Heureusement ! Si ces politiques n’avaient pas été menées, ce serait bien plus de 450 000 logements sociaux qu’il faudrait financer.

Toutefois, – et je rejoindrai sur ce point les observations de mon collègue Daniel Dubois – je regrette, comme tous mes autres collègues, la manière dont nous allons démarrer l’examen de ce texte en séance publique. Cette question est complexe, elle méritait toute l’attention des membres de la commission des affaires économiques plutôt qu’un travail qui n’a pu être fait qu’à moitié. Le choix de retenir ce calendrier précipité prive notre assemblée du travail de fond en amont dont elle est coutumière, pour le grand bénéfice des textes de loi.

C’est, à mon sens, une erreur. Il me semble que vous auriez dû nous laisser faire notre travail au service de l’intérêt général et d’une loi bien construite, plutôt que de risquer l’adoption d’une loi bâclée qui pourrait pénaliser l’objectif initial et l’efficacité des outils mis à la disposition des collectivités comme des bailleurs.

Ces observations faites, et malgré le temps restreint dont nous avons disposé pour l’étudier, nous nous sommes efforcés, madame la ministre, de prendre la mesure de ce que prévoient les deux premiers titres du projet de loi, d’en évaluer la plus-value par rapport à l’existant et de proposer à notre assemblée les modifications qui nous paraissent nécessaires pour que l’objectif que nous visons tous, produire davantage de logement social, et cela aussi rapidement que possible, puisse être atteint. Je laisserai à mes collègues franciliens le soin de se prononcer sur le titre III.

Je ne reviendrai pas sur l’environnement de ce projet de loi. L’étude d’impact en fait une analyse sur laquelle nous pouvons tous nous retrouver : déficit de l’offre, augmentation des prix, manque criant d’une offre de logements abordables dans les zones en tension, toutes choses rendues encore plus difficiles par la crise que nous traversons depuis quatre ans.

Dans ce contexte, en les présentant comme des mesures de première urgence, le Gouvernement nous propose aujourd’hui deux armes pour lutter contre le mal-logement. Permettez-moi de revenir sur chacune d’elles.

Le titre Ier n’est pas un dispositif nouveau. La possibilité d’une décote jusqu’à 35 % a été introduite dans notre droit en 2005 par la loi de programmation pour la cohésion sociale. L’étude d’impact rend compte des premiers résultats sur la période 2008-2011 : 42 000 logements réalisés dont 20 500 logements sociaux, et 57 % de ces logements en Île-de-France, où les besoins sont les plus grands.

Un nouveau plan sur la période 2012-2016 porte sur 110 000 logements, dont la moitié en Île-de-France. Pour accélérer la production de logements sociaux, le texte envisage désormais la possibilité de moduler cette décote jusqu’à la gratuité.

Bien entendu, je suis favorable, avec mon groupe, à cet effort supplémentaire, en particulier dans les zones où le foncier est le plus rare et le plus cher. Toutefois, ce dispositif mérite, à notre sens, d’être amendé.

D’abord, le Gouvernement propose de moduler la décote en fonction du type de logements sociaux construits et des circonstances locales. Si nous sommes d’accord sur la nécessité de tenir compte des circonstances locales pour juger de l’intérêt d’une décote, surtout si cette dernière va jusqu’à la gratuité, il nous paraît cependant inutile, à ce stade, de se préoccuper du type de logements construits.

Le coût du foncier n’est qu’un facteur parmi d’autres. L’équilibre financier d’une opération de construction de logements sociaux est également contraint par la faiblesse des financements de l’État. À titre d’exemple, un logement PLUS est financé à hauteur de 500 euros par l’État ! En conséquence, cela a été dit à de nombreuses reprises, les collectivités sont obligées de cofinancer fortement ces opérations.

Par ailleurs, cette décote sera difficile à mettre en œuvre si l’opération comporte déjà à la fois du logement social et du logement privé. Laissons donc de la souplesse si nous voulons faire sortir de terre des opérations rapidement, avec la sécurité et le verrou des PLH et des délégations d’aides à la pierre, qui sont déjà contrôlés par l’État. Il est possible de sécuriser le dispositif tout en l’assouplissant.

Parce que l’objectif est justement d’essayer de produire du foncier rapidement, il nous semblerait judicieux que l’État se fixe également des objectifs en termes de planning de cession du foncier aux organismes logeurs et aux collectivités locales pour la construction de logements sociaux.

Alors que ce texte instaure une date butoir pour les communes relevant de l’article 55 et que l’on nous indique comment atteindre nos objectifs en 2020, l’État, lui, ne nous précise pas à quel rythme et dans quel délai lui-même et ses établissements publics vont nous fournir du foncier. Cela pourrait poser des difficultés et nuire à la mobilisation.

À cet égard, nous avons besoin, madame la ministre, d’avoir des garanties. Il est important que le calendrier de l’État et de ses établissements publics soit cohérent avec celui des collectivités locales.

Enfin, le texte prévoit que ces cessions s’inscrivent dans une « stratégie de mobilisation du foncier ». Je souhaite que cette stratégie soit portée par les établissements publics de coopération intercommunale ayant un programme local de l’habitat, dans le respect de ses objectifs et de ceux du schéma de cohérence territoriale. Cette stratégie devra être établie dans un cadre partenarial avec l’État, les établissements publics d’État, les établissements publics fonciers et toutes les collectivités locales.

Il n’est pas possible d’avoir, d’un côté, un tuyau État-bailleur et, de l’autre, des collectivités agissant avec les bailleurs, sans connexion. Produire du logement social requiert une synergie entre tous les acteurs. Créer des tuyaux différents, sans aucune cohérence entre eux, rendra peut-être difficile le montage d’équilibres financiers permettant de produire efficacement du logement social dans l’intérêt de nos concitoyens.

Il est donc souhaitable, me semble-t-il, que ce dispositif soit cohérent avec l’ensemble de la réflexion menée sur les territoires par nos collectivités, afin que leur développement soit homogène et que les logements soient construits dans un environnement comprenant des services publics, des transports et des zones d’activité économique.

Ne produisons pas du logement très social sur des parcelles excentrées, sans l’accompagnement social nécessaire, car nous prendrions alors le risque, pour produire vite, de renouveler à terme les erreurs que le programme national de rénovation urbaine peine tant à corriger ! Si des ghettos ont été constitués à une certaine époque, lorsqu’il fallait absolument créer des logements, c’est parce qu’on n’a pas pensé à instaurer une mixité sociale et parce qu’on n’a pas réfléchi à l’équilibre des fonctions.

Pensons aujourd'hui à cet équilibre des fonctions lorsque nous montons nos stratégies foncières et de production de logements.

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