Intervention de Yvon Collin

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Pas moins de sept textes ont été votés par le Parlement depuis une décennie. Mais – on peut se poser la question – pour quelle efficacité ?

En effet, mes chers collègues, plus de cinquante ans après l’appel en faveur des sans-logis lancé par l’abbé Pierre au cours de l’hiver 1954, le mal-logement est toujours là. Nous connaissons les chiffres, ils ont été rappelés. Ils sont inacceptables dans un pays comme le nôtre ! Ils disent en tout cas l’inefficacité des politiques publiques mises en œuvre ces dernières années et, plus encore, peut-être, le fourvoiement de ceux qui les ont menées en considérant le logement comme un bien ordinaire.

Non, le logement n’est pas un bien comme un autre : se loger n’est pas un choix, c’est une nécessité absolue. La formule est bien connue : « Sans toit, pas de droits ». Le mal-logement, qui recouvre des situations très diverses – absence de domicile, surfaces trop petites, loyers élevés, charges non maîtrisées, habitat indigne –, est la première des exclusions, celle qui nourrit toutes les autres. Comment avoir un projet de vie personnel, familial ou professionnel, sans logement stable ? Je ne parle même pas des conséquences sur le parcours scolaire des enfants non plus que de la dignité des personnes âgées.

Madame la ministre, il est plus que temps de mettre un terme à ces inégalités dont souffrent de plus en plus de familles. Il est plus qu’urgent de réinvestir l’État d’une ambition forte dans ce domaine.

Chacun doit pouvoir trouver un logement correspondant à ses besoins et à son pouvoir d’achat. Cet objectif requiert une mobilisation de tous les acteurs : État, collectivités, organismes constructeurs de logement social, promoteurs privés et particuliers.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui concerne l’État et les collectivités, les deux principaux acteurs en la matière.

Il vise, en premier lieu, à mobiliser le foncier public en faveur du logement, en permettant notamment une cession gratuite au profit d’opérations de logement social. Sur ce point, nous ne pouvons que souscrire à une mesure qui a une portée symbolique forte et qui, surtout, donne aux collectivités les capacités d’atteindre les objectifs qui leur sont assignés. Car, si certains maires sont récalcitrants à la mixité sociale – ils sont, à ce titre, condamnables –, beaucoup de ceux qui n’arrivent pas au seuil législatif de 20 % de logements sociaux sont en réalité confrontés au problème du foncier : trop peu de foncier disponible, et surtout beaucoup trop cher !

Cela étant, j’estime que, si l’État doit aller jusqu’à céder des terrains gratuitement, la priorité absolue est de loger les ménages les plus fragilisés, c’est-à-dire de mettre en place des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI.

Toutefois, soyons objectifs, de toute évidence, cette mesure seule ne permettra pas de répondre aux enjeux de la construction de logements. Il faut trouver rapidement des moyens de mobiliser le foncier privé, et ce à des prix raisonnables.

Nous avons bataillé de nombreuses années pour une fiscalité foncière incitative. Rattrapée par la réalité de la crise et le bon sens de nos propos, la précédente majorité a fini par accepter le principe d’une taxation des terrains rendus constructibles. Plus récemment, elle a consenti à rendre obligatoire le dispositif de majoration de la taxe foncière sur les terrains constructibles, là où les tensions immobilières sont les plus fortes, et à en relever le taux.

De mon point de vue, tout cela est loin d’être suffisant ! La première mesure est facultative. Quant à la taxe sur les plus-values, elle encouragerait plutôt la rétention. Pourquoi ne pas aller plus loin, en limitant les droits à construire dans le temps, comme le suggérait excellemment notre ancien collègue Thierry Repentin ?

Au-delà de la fiscalité, bien d’autres blocages doivent encore être levés, afin de favoriser l’urbanisme de projet et limiter les recours abusifs, notamment. Les règles sont aujourd’hui tellement contraignantes que certains projets ne peuvent aboutir.

Autre mesure phare du projet de loi, le renforcement de la loi SRU. Devant l’ampleur de la crise, le Gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux de 150 000 logements sociaux. L’ensemble des collectivités doit évidemment prendre part à cet effort de construction. Jacques Mézard a eu l’occasion d’exprimer la satisfaction, comme les réserves – il en a formulé quelques-unes –, du groupe RDSE sur ce point ; je n’y reviendrai donc pas.

Là encore, j’insiste sur la nécessaire mobilisation du parc privé. Certains proposent la réquisition, voire l’expropriation, des logements vacants, le blocage total des loyers, l’arrêt des expulsions. Sur ces points, gardons-nous de mesures trop autoritaires.

En revanche, taxons plus fortement la vacance pour accélérer le retour sur le marché, et encourageons une offre de logements intermédiaires dans ce secteur. À cet égard, je m’interroge sur la suppression pure et simple de toutes les aides à l’investissement locatif privé. Cela a été dit, mais il est bon que cela soit répété. Certes, ces mesures étaient coûteuses et inefficaces, voire contre-productives. Mais ce n’est pas tant le principe de la défiscalisation visant à soutenir la production immobilière qu’il faut combattre que le fait qu’elle ait été accordée sans les contreparties sociales qui auraient permis de la flécher vers ceux qui en ont besoin.

Le parc existant offre aussi des opportunités manifestes, très insuffisamment exploitées, de logements à destination des ménages modestes. En ma qualité de président, depuis vingt ans, du mouvement Propagande et action contre le taudis - association de restauration immobilière, ou Pact-Arim, de Tarn-et-Garonne, je le vois bien. Il faut développer le conventionnement avec l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, l’ANAH, l’intermédiation locative, en s’appuyant sur les capacités des associations spécialisées.

Les blocages qui existent actuellement dans le secteur du logement sont bien trop prononcés pour que les seules mesures du projet de loi suffisent à les lever. Le présent texte constitue certes un début prometteur mais, madame la ministre, nous serons vigilants à la suite qui lui sera donnée et à ce que le débat budgétaire concrétise ces engagements, ainsi qu’à la prospérité des amendements que notre groupe a présentés. §

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