Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Comment vais-je y arriver ? Franchement, je m’interroge…

J’ai donc des craintes. J’ai respecté mes engagements. Je devais construire 860 logements à partir de 2000. J’ai atteint un taux de 13 % de logements sociaux et je pense que j’aurais pu atteindre 20 % en 2020. Mais si vous décidez subitement de fixer le seuil à 25 %, je vais devoir construire 1 200 logements, et uniquement des logements sociaux, non plus en vingt ans, mais en douze ans ! Faudra-t-il, pour y parvenir, interdire toute construction privée ?

Je me souviens d’un entretien que j’avais eu en 2000 avec un représentant de la direction départementale de l’équipement auquel j’avais essayé de faire comprendre que soit nous prenions les 15 % chaque année et il ne se passait rien à côté, mais on n’atteignait pas l’objectif, soit l’horizon s’éloignait à mesure que nous avancions. Je n’avais pas réussi à le convaincre à l’époque. Je me réjouis de constater que mon point de vue est aujourd'hui partagé.

Je maintiens que mon raisonnement était tout de même assez pertinent, car on ne peut pas faire uniquement du logement social dans des quantités aussi importantes.

En fixant le seuil à 25 %, vous allez nous contraindre, par une accélération parfois exponentielle des constructions de logements sociaux, à ne plus rien faire d’autre pour ne pas risquer un constat de carence.

Il est tout de même ahurissant que des maires bâtisseurs ayant respecté les objectifs qui leur étaient assignés puissent – je préfère pour l’instant penser qu’il s’agit seulement d’une éventualité – se trouver dans la quasi-impossibilité d’assumer leurs nouvelles obligations et faire l’objet d’un constat de carence ! Pour moi, c’est inacceptable !

Qu’arriverait-il si je tombais sous le coup d’un constat de carence ? Aujourd'hui, l’autofinancement net de ma commune est de 3 millions d’euros par an, et c’est une année historique. En retenant 10 % de mes dépenses de fonctionnement, vous me prendriez justement 3 millions d’euros. Et même en en retenant seulement la moitié, vous me prendriez encore 1, 5 million d’euros. Dans ces conditions, je ne pourrais même plus entretenir les bâtiments publics existants. Et je ne parle pas des écoles, des gymnases et des crèches qu’il est nécessaire de construire pour accueillir les nouveaux habitants.

J’espère que vous m’accorderez une oreille attentive. J’ai déposé un certain nombre d’amendements visant à répondre aux problèmes que je viens d’énumérer. Madame la ministre, il s’agit de faire le tri ! Ne soumettez pas aux mêmes obligations des communes qui se trouvent dans des situations extrêmement différentes en termes de mixité sociale !

Je ne plaiderai pas aujourd’hui le manque de foncier. En 2000, je me suis vraiment demandé comment arriver à construire 860 logements sociaux. J’ai tout mis en œuvre pour y parvenir. Par exemple, cette année, j’ai réalisé quatre opérations de préemption d’immeubles entiers en vente. Cela ne s’était jamais produit par le passé. J’ai eu quatre occasions, et je les ai toutes saisies. Oui, madame la ministre, j’ai tout essayé, pourtant, je ne ferai que 220 % par rapport à l’objectif qui m’était assigné en 2000. Pour atteindre celui que vous allez me fixer, il faudrait tripler les constructions par période triennale. Vous trouvez cela normal ? §Vous trouvez juste de nous imposer une telle contrainte ?

Par conséquent, il faut que vous examiniez les situations plus en détail, afin de déterminer ce que chaque commune doit réaliser en matière de mixité sociale. Moi, je l’ai fait et j’ai pu constater que certaines des communes qui atteignent le seuil de 25 % de logements sociaux ont un revenu moyen par habitant deux fois plus élevé que chez moi, preuve que les bénéficiaires de ces logements sociaux ont des revenus qui ne devraient pas forcément les rendre éligibles au logement social. Or vous ne tenez pas du tout compte de cela !

Autre absurdité : comme on refuse de compter en flux – on ne parle qu’en stocks –, les communes construisent seulement des petits logements, pour atteindre plus vite l’objectif. Mais ce qui manque, pour loger les familles, ce sont des grands logements ! Il vaudrait donc mieux raisonner en termes de mètres carrés construits. Et cela, je n’en ai jamais entendu parler !

Madame la ministre, vous auriez pu prendre un peu de temps. Nous aurions pu fixer un rendez-vous dans un mois ou un mois et demi. Certes, je connais les contraintes du calendrier parlementaire, mais il était possible de prendre du temps pour analyser la situation plus en détail, afin de présenter un texte intégrant les différents aspects du problème.

Je ne souhaite pas engager de polémique en insinuant que le Gouvernement s’est senti obligé de se dépêcher à cause de mauvais sondages et de cotes en baisse…

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