Intervention de Pierre Charon

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Pierre CharonPierre Charon :

Si encore ces logements étaient occupés par les familles les plus pauvres... Mais, une fois de plus, les bonnes intentions se heurtent à la réalité.

Les chiffres présentés dans le récent rapport sur le logement produit par l’Institut de recherches économiques et fiscales indiquent que près de la moitié des occupants du parc locatif aidé ne devraient pas en profiter.

Certes, ces occupants étaient éligibles lorsqu’ils se sont vu attribuer leur logement ; mais, depuis, leur situation économique a pu favorablement évoluer. Pour autant, ils n’ont pas quitté le logement qui leur avait été attribué.

Dans le même temps, de nombreuses familles très pauvres vivent à l’étroit dans des logements privés.

Cette situation est malheureusement inextricable, car les bailleurs sociaux ont besoin de ces « bons payeurs » pour financer le système et pour assurer une forme de mixité sociale.

En 2007, 53 000 ménages appartenant aux foyers les plus riches de France étaient hébergés en HLM. François Fillon avait alors saisi les préfets pour « améliorer la transparence de l’attribution des logements ».

Vous conviendrez qu’il est assez insupportable sur le plan moral que des contribuables aux revenus parfois très modestes financent par l’impôt le logement de familles aisées, qui ont simplement su demander la clef d’une HLM à la bonne personne.

C’est sans doute cet embarras qui a poussé votre collègue ministre de l’écologie à quitter précipitamment son logement de la RIVP, la Régie immobilière de la Ville de Paris, au mois de mai dernier...

Bien au-delà des cas d’occupation abusive, se posent également des problèmes liés au manque à gagner pour l’État – je pense à la cession gratuite, ou presque, de terrains vacants –, à la difficulté et au coût de gestion du parc immobilier, à sa dégradation accélérée, sans parler des problèmes urbains que soulèvent les projets de logements collectifs en termes de concentration.

Il ne s’agit pas de répéter l’erreur des cités dortoirs qui sont devenues des cités ghettos.

Comme sénateur et conseiller de Paris, je peux vous parler de la ZAC des Batignolles, qui donne une idée de la concentration programmée par l’équipe Delanoë en matière de logement social. Initialement prévue à 50 %, ce qui était déjà considérable, la proportion de logements sociaux dans le projet global a finalement dépassé ce chiffre, pour atteindre 55 % !

Ce n’est pas exactement l’horizon idéal en matière de mixité sociale !

Ce sont autant d’aspects qui devraient vous inspirer la plus grande modestie à l’égard des municipalités dont vous exigez aujourd’hui qu’elles s’alignent sur vos chimères, sous peine de sanctions très lourdes. Le renforcement de la coercition visant les mairies est une atteinte directe à la démocratie locale.

Quel autre message adressez-vous en réalité aux maires, sinon qu’ils ne sont pas assez intelligents pour inventer des solutions plus efficaces ?

Pourtant, qui mieux que les élus locaux connaît les particularités des territoires ?

Les problèmes de logement ne sont évidemment pas les même à Paris et à Vendôme, comme l’a rappelé Philippe Dallier tout à l’heure. En tant que sénateurs, nous avons une responsabilité particulière par rapport aux territoires.

Nous ne pouvons admettre une telle négation de la démocratie locale. Nous ne pouvons accepter les oukases d’un gouvernement qui, devant l’échec de son idéologie, l’impose par la force en frappant les récalcitrants au porte-monnaie.

La « surréglementation » est, en réalité, le moyen pour l’administration de reprendre aux élus locaux le pouvoir que la décentralisation leur avait confié en 1982 ! Vous nous feriez presque regretter Gaston Defferre...

Pour finir, et c’est le plus désolant, ce texte ne créera pas un seul logement supplémentaire ! En faisant passer le seuil de 20 % à 25 %, il alourdit simplement la proportion du logement social dans le parc locatif, mais ne crée aucun logement supplémentaire pour l’ensemble de nos concitoyens !

Malheureusement, devant autant de mauvaises raisons de développer davantage une stratégie qui montre tous les jours son inefficacité, devant la précipitation évoquée par mes collègues tout au long de l’après-midi en ce qui concerne le dépôt de ce texte et devant l’amateurisme de sa préparation, nous craignons qu’il ne s’agisse, une fois de plus, d’un projet de loi politique, trouvant son fondement dans une idée aussi simple que cynique : plus de logements sociaux, c’est plus d’électeurs socialistes !

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