Intervention de Colette Giudicelli

Réunion du 11 septembre 2012 à 15h00
Logement — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Colette GiudicelliColette Giudicelli :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente-cinq ans, nous aurons connu successivement dix-huit lois et d’innombrables décrets relatifs au logement des Français, sans parler des dispositions qui ont trait à l’urbanisme.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui prétend régler, comme par magie, le problème du logement, en imposant aux communes une hausse des quotas de construction et des pénalités en cas de non-respect de ces quotas.

On ne peut bien évidemment que constater les difficultés que rencontrent les ménages désireux d’accéder à la propriété ou de trouver un logement en location dont le loyer soit compatible avec leurs revenus. Ce phénomène s’observe avec plus d’intensité en Île-de France et en région PACA. Car tous les habitants de la Côte d’Azur ne sont pas riches ! Vivent aussi dans notre région des jeunes femmes fonctionnaires, seules avec deux enfants, qui, avec un loyer de 700 euros pour un trois pièces, ont bien du mal à nourrir leur petite famille jusqu’à la fin du mois ! Ce sont des situations que nous vivons tous les jours.

Mais le problème du logement n’est pas seulement tributaire de la volonté des collectivités territoriales de construire ou non de nouveaux logements sociaux. Les stigmatiser encore et toujours me semble un peu facile. C’est bien beau d’augmenter les pénalités ! Mais, au final, madame la ministre, qui va les payer ? Nos concitoyens, une fois de plus !

L’accession sociale me semble plus que jamais un maillon indispensable à la résolution de la crise du logement : dans notre pays, vous le savez, le taux de propriétaires est bien inférieur à celui de nombre de nos voisins, pour ne pas dire de tous nos voisins. Pour autant, nos concitoyens n’aspirent pas à demeurer éternellement en HLM. Nous devons donc leur offrir des perspectives d’évolution et leur permettre, grâce à des dispositifs adaptés, d’accéder à la propriété.

Aujourd’hui, une grande quantité de logements sociaux pourraient ainsi être libérés. Une telle ambition peut aussi passer par l’encouragement à la vente des logements à leurs locataires. Cette démarche, qui fut lancée sous l’impulsion du général de Gaulle – nombreux sont ceux qui l’ignorent – par la loi du 10 juillet 1965, fut reprise ensuite par la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986.

L’expérience le montre, lorsque les locataires d’un immeuble deviennent propriétaires, les dégradations cessent, les tensions diminuent et les problèmes aussi, ce qui me semble très important.

J’ai déposé récemment une proposition de loi visant à modifier les conditions d’attribution des logements sociaux, afin de promouvoir la mobilité au sein du parc locatif. Comme l’a reconnu la Cour des comptes, nombre d’occupations sont en effet anormales ou indues. Personne n’imagine, au niveau national, la quantité d’appartements concernés par ce problème ! Certains locataires vivant en HLM disposent par ailleurs de revenus ou d’un patrimoine - il peut s’agir d’un commerce, d’un appartement donné en location ou même d’une résidence secondaire -, alors même qu’ils ne paient auprès de certains bailleurs que 120 euros pour un quatre pièces. Et ce ne sont pas les faibles surloyers imposés qui les inciteront à quitter leur logement social !

Une telle situation est particulièrement choquante, même si, évidemment, la solution ne pourrait pas être mise en place du jour au lendemain et sans que des exceptions soient prévues.

Le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et la lutte contre l’exclusion ne règle pas les situations abusives de ces locataires. La législation actuelle, en matière de dérogation au principe de maintien dans les lieux, ne concerne en effet que deux cas, la sous-occupation ou le dépassement des plafonds de ressources. Là encore, de nombreux logements sociaux pourraient être libérés au profit de nos concitoyens les plus modestes, qui en ont bien besoin. Je compte d’ailleurs, madame le ministre, sur votre soutien pour m’aider à faire passer la proposition de loi que j’ai déposée en la matière.

De nombreuses autres pistes pourraient être explorées, sans stigmatiser de manière aveugle nos communes. Ainsi, dans ma ville, que mon collègue sénateur des Alpes-Maritimes connaît bien, il est imposé à chaque promoteur privé, depuis plus de dix ans, la construction de 20 % de logements sociaux à chaque fois qu’une demande de permis de construire d’un logement privé est déposée, sous peine, si ce seuil n’est pas atteint, de devoir acquitter une amende de 80 000 euros par appartement social non construit. Ces crédits sont inscrits sur une ligne très particulière du budget de la ville et ne peuvent être affectés qu’à l’achat de terrains destinés à la construction de logements sociaux.

Cela étant, je voudrais attirer votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur les problèmes particuliers des Alpes-Maritimes, où il est désormais quasi impossible, pour un ménage moyen, de se loger. Vous me répondrez qu’il convient de dégager rapidement des réserves foncières. Or, sur les cent soixante-trois communes de ce département, cent dix-huit sont soumises à la loi Montagne, seize à la loi Littoral et cent sept à la loi Littoral et aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPRN. Imaginez les conséquences de la suppression, d’un coup de plume, de 48 % de l’espace constructible, comme on a pu le voir à Menton ! Je ne comprends pas, madame le ministre, que l’on légifère sans prendre en compte les particularités géographiques et économiques locales.

L’article 55 de la loi SRU est devenu non seulement un élément important de la politique du logement, mais aussi un symbole : le seuil de 20 % de logements sociaux fait partie des exigences que les communes prennent en compte. Cet article a toujours été appliqué de manière rigoureuse et transparente. Les informations relatives à son application, en particulier les constats de carence, ont toujours été rendues publiques. Les sénateurs, qui représentent les collectivités, ont toujours été très attachés au respect de cette obligation. Faire des élus locaux les boucs émissaires sur ce problème du logement est difficilement acceptable.

Comme tout est allé très vite, j’espère, madame la ministre, que nous aurons l’occasion de reparler de l’ensemble de ces sujets beaucoup plus longuement.

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