Au terme de deux jours de débats, nous sommes amenés à nous prononcer sur la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, relative aux recettes. Nous l’avons dit à l’occasion de nos différentes interventions, il ne peut y avoir de renforcement de notre sécurité sociale qu’à la condition d’affermir durablement son financement, en l’asseyant sur des dispositions qui soient justes, solidaires et conformes aux principes fondateurs du Conseil national de la Résistance.
C’est vrai, le Sénat a pris des mesures positives en matière de financement. Nous avons contribué, je crois, à leur adoption. Je pense par exemple à l’article 11, qui rompt avec la fragilisation économique du régime social des indépendants, ou à l’élargissement de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.
Nous regrettons toutefois que le Gouvernement ait fait le choix de préférer un financement assis sur des mesures d’ordre fiscal plutôt que de renforcer les cotisations sociales. Certes, le rehaussement du forfait social créera des ressources dont la sécurité sociale a particulièrement besoin. Mais ces dernières auraient été plus importantes encore si vous aviez opté pour un assujettissement de l’intéressement et de la participation aux cotisations sociales, par exemple.
Cette mesure aurait eu un double avantage : créer des droits pour les salariés, notamment en matière de retraite, et inciter les employeurs à privilégier les salaires qui sont fixes, annuels et collectifs, au détriment de formes de rémunérations individuelles, qui dépendent du bon vouloir des employeurs.
Au-delà de son aspect technique, le débat portant sur la nature du financement – par la cotisation ou par des taxes – nous paraît essentiel : il revient à poser la question du modèle social que nous voulons construire pour les années à venir.
Si nous sommes attachés aux cotisations sociales, c’est que nous considérons qu’il s’agit d’une forme socialisée de salaire, d’une sorte de salaire différé, ponctionné sur la valeur ajoutée créée par le travail. Les cotisations sociales sont, en réalité, un prélèvement d’utilité sociale sur des sommes qui, si elles n’étaient pas orientées vers la sécurité sociale, iraient au versement de dividendes et à la spéculation.
D’ailleurs, pendant que certains, à droite, dénoncent le coût du travail, c’est-à-dire souhaitent que les employeurs ne participent plus au financement de la sécurité sociale, nous avons voulu, quant à nous, porter le poids du capital sur la sécurité sociale. Nous avons présenté notre amendement visant à moduler les taux de cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises, ainsi que celui qui tend à instaurer une contribution sur les dividendes détenus par les entreprises. En la matière, le débat a été, je crois, de qualité. Il nous faudra le poursuivre.
Il nous semble toutefois que la majorité sénatoriale, de gauche, et le Gouvernement pouvaient parvenir à dégager des recettes nouvelles pour la sécurité sociale, en reprenant les dispositions adoptées par le Sénat lors de l’examen du PLFSS pour 2012.
Certes, nous avons pris acte du vote par la majorité, malgré l’avis de sagesse émis par le Gouvernement, de notre amendement sur la taxation des parachutes dorés dès lors qu’ils excèdent cinq fois le plafond de la sécurité sociale. Mais d’autres recettes, d’ailleurs adoptées elles aussi par la majorité sénatoriale l’an dernier, seraient tout autant nécessaires aujourd’hui, tout simplement parce qu’elles sont justes. C’est particulièrement vrai pour l’instauration d’une contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs des marchés financiers à hauteur de 20 % et la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales aux entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité salariale.
Ces mesures auraient pu se substituer à l’article 16 instaurant la taxe sur les retraites. Comme vous, madame la ministre, nous souhaitons une réforme de la dépendance. Or nous désirons que cette réforme puisse d’abord et avant tout prendre pour base les besoins de nos concitoyens, à partir desquels le niveau de financement nécessaire serait ensuite établi. Celui-ci ne peut reposer sur le principe selon lequel il faut avoir cotisé pour pouvoir bénéficier d’un droit nouveau. L’association entre cotisation et droit n’est pas conforme à la construction de notre pacte social ; c’est un mécanisme d’inspiration assurantiel, qui irait à l’encontre de la solidarité de notre système.
En outre, plutôt que de taxer des retraites inférieures à 1 300 euros, pourquoi ne pas porter les prélèvements sociaux sur les revenus du capital au même niveau que ceux applicables aux revenus du travail ? Certes, nous avons progressé en la matière, mais pourquoi considérer que le capital, dont on sait qu’il casse l’emploi puisqu’il ne le fait pas progresser, doit être moins soumis aux cotisations que les salaires, lesquels sont la condition de la consommation et donc de la croissance ?
En outre, permettez-moi de dire combien le débat portant sur l’huile de palme et sur la bière a été surréaliste. J’imagine un citoyen lambda qui, très courageux, aurait suivi nos débats : il aurait assisté à deux heures et demie de discussions sur l’huile de palme et la bière, et à une demi-heure seulement sur la taxe sur les retraites !