Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 13 novembre 2012 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2013 — Article 3

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 3, il s’agit d’orienter vers les régimes et organismes sociaux le produit de prélèvements affectés aujourd’hui à l’État et à d’autres fonds.

Cet article témoigne de la complexité grandissante du mode de financement de notre protection sociale.

Cette complexité tient aux politiques menées depuis au moins vingt ans, qui tendent à changer en profondeur le mode de financement de la sécurité sociale.

Notre système repose de moins en moins sur les cotisations sociales et de plus en plus sur l’impôt. La fiscalisation de notre système de protection sociale, débutée dans les années quatre-vingt-dix, connaît depuis quelques années une accélération notable. L’année 2011 a considérablement amplifié ce mouvement puisque, avec la loi de financement de la sécurité sociale et la réforme des retraites, le précédent gouvernement a affecté, en 2011, aux régimes de sécurité sociale et aux organismes qui concourent à son financement près de 5 milliards d’euros de recettes fiscales, dont 3, 55 milliards d’euros en faveur de la Caisse nationale d’allocations familiales via l’affectation d’une fraction de la contribution sociale généralisée à la branche famille.

La proposition de Nicolas Sarkozy d’instaurer une TVA dite « sociale » visait d’ailleurs à amplifier ce mouvement de fiscalisation. Fort heureusement, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a supprimé cette mesure. Il n’en demeure pas moins que, aujourd’hui, la part des impôts et taxes affectés au financement de la branche maladie des régimes obligatoires de base atteint 50 %. Disons-le clairement, plus notre système est fiscalisé, moins il est juste.

Ce mouvement continu de basculement de l’assiette et de la forme du financement de la sécurité sociale conduit quasi systématiquement à faire supporter le poids économique du financement de la sécurité sociale tantôt aux consommateurs, tantôt aux salariés et aux ménages.

De leur côté, les entreprises bénéficient d’importantes exonérations de cotisations, ce qui a pour effet de réduire la part de valeur ajoutée produite par le travail et soustraite à la spéculation.

La fiscalisation grandissante de notre protection sociale se traduit irrémédiablement par trois mesures pénalisantes pour nos concitoyennes et concitoyens : la réduction de leur pouvoir d’achat du fait de l’augmentation de la pression fiscale, la réduction de leur salaire, puisque leurs cotisations constituent des salaires différés, et la réduction continue du niveau de protection sociale garanti par le régime obligatoire de sécurité sociale.

Il est effectivement grand temps de simplifier notre système, et nous considérons, au groupe CRC, que la principale manière d’y parvenir est de mettre un terme au financement de la sécurité sociale par des mécanismes fiscaux.

Cela nous paraît d’autant plus important que les transferts qui sont organisés répondent parfois plus à des impératifs comptables qu’à de véritables logiques de santé ou de protection sociale.

Disant cela, je pense par exemple au produit des droits sur les boissons. Ces mesures fiscales sont entièrement affectées aux régimes sociaux, mais d’une manière quelque peu déroutante. Alors que l’on pourrait légitimement croire que l’intégralité de cette taxe est destinée à la branche maladie, tel n’est pas le cas puisque moins de 44 % de son produit l’est, le reste étant affecté à la branche vieillesse.

Pour ma part, je considère que ces taxes qui revêtent aujourd’hui un caractère comportemental ne devraient pas revenir à la sécurité sociale et devraient être fléchées au financement des opérations de prévention, de réduction des risques dans le cadre de la lutte contre les addictions. Cela renvoie à la loi de financement, plus particulièrement à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.

N’est-ce d’ailleurs pas le sens naturel des ressources fiscales que de permettre la mobilisation des moyens de l’État, dont les budgets d’intervention ? Et quitte à admettre que ces taxes financent la sécurité sociale, il serait somme toute logique que ces crédits n’aillent qu’aux régimes d’assurance maladie.

Je dois d’ailleurs dire, pour prendre l’exemple d’une autre taxe, celle sur les tabacs, que je comprends mal pourquoi, jusqu’en 2012, une fraction de celle-ci – précisément 1, 58 % – était fléchée vers la branche accidents du travail–maladies professionnelles, branche financée en principe par les seuls employeurs.

Adopter cet article reviendrait donc pour notre groupe à admettre le mécanisme de fiscalisation de notre protection sociale. C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe CRC s’abstiendront.

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