Depuis plusieurs années, nous remettons l’ouvrage sur le métier à propos d’un sujet qui, à bien y regarder, pourrait constituer une avancée considérable pour le financement de notre protection sociale.
Nous avions présenté un amendement similaire l’année dernière. Nous avions surtout soutenu l’amendement de notre collègue Fouché qui, bien qu’adopté par notre assemblée, n’avait pas survécu à la commission mixte paritaire. Nous reprenons cette année le même dispositif.
À partir du moment où un salarié est licencié et remplacé par une machine, l’employeur se doit de cotiser : en effet, il réalise une économie substantielle puisqu’il n’est plus assujetti aux cotisations sociales.
Nous savons toutes et tous ici que la valeur ajoutée n’est en rien rognée par le choix de la machine, bien au contraire, la productivité augmentant avec l’installation des machines.
En revanche, la part salariale dans les dépenses de l’entreprise diminue considérablement. La marge restante est en général fort peu utilisée pour augmenter les rémunérations des salariés ; elle sert à accroître la rémunération du capital.
La taxation du capital est, de manière endémique, inférieure à la taxation du travail. Cette non-taxation des machines a plusieurs conséquences : elle accroît les marges des entreprises et, dans le même temps, aggrave la situation de nos comptes sociaux, d’une part, en supprimant des recettes et, d’autre part, en faisant porter sur la collectivité les indemnisations du chômage.
Pour nous, il ne s’agit pas de mettre un frein à l’innovation technologique ou à l’automatisation d’un certain nombre de tâches répétitives et parfois usantes pour les salariés, il s’agit d’une conception selon laquelle une industrie, et plus largement une économie, en mutation ne peut évoluer en s’exonérant de la solidarité et la responsabilité du patronat.
Au lieu d’avoir recours au licenciement qui, au bout du compte pèse sur la solidarité nationale, l’objectif du patronat devrait être de former les salariés à de nouvelles tâches plus valorisantes.
Voilà tout le sens de notre amendement. Il tend à amener le patronat, mais également les syndicats, à réfléchir aux conséquences des suppressions sèches de postes de travail et du remplacement de salariés par des machines.
Nous savons combien dans le monde du travail, dès le XVIIIe siècle en Angleterre ou chez les canuts de Lyon, des réticences se sont exprimées contre l’automatisation, quelquefois de manière violente. Je ne vous citerai pas ici les belles pages sur ce sujet écrites par Zola dans Germinal. Intuitivement, les ouvriers ont parfois rejeté ces modernisations parce qu’ils savaient qu’elles entraîneraient leur licenciement. C’était une époque où la protection sociale n’existait pas.
Puisque ce débat traverse le monde du travail depuis l’automatisation, il convient que nous inventions une solidarité nouvelle face aux avancées technologiques. Oui, les machines peuvent et doivent cotiser !
Nous espérons que nos collègues qui avaient soutenu un amendement analogue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 auront à cœur de confirmer leur vote.