L’article 16 est, pour notre groupe comme pour des millions de salariés et de retraités, une grande déception.
Au nom du financement de la perte d’autonomie, le Gouvernement et sa majorité présidentielle ont fait le choix d’instaurer une taxe sur les retraites qui s’apparente, en réalité, à une contribution sociale généralisée alternative sur les retraités, idée défendue ici même pendant de nombreuses années par Alain Vasselle.
Personne ne le conteste au sein du groupe CRC, le vieillissement de la population, l’allongement de la durée de vie ainsi que des modifications sociétales, notamment l’explosion géographique des familles, génèrent des besoins nouveaux.
Or la proposition formulée dans cet article, la première du Gouvernement en matière de dépendance, consiste en une ponction sur celles et ceux qui pourraient avoir besoin prochainement d’un accompagnement personnel nécessaire pour conserver leur autonomie.
Ce premier acte revient à considérer - c’est en tout cas comme cela que le perçoivent nos concitoyens -, que les personnes âgées sont d’abord et avant tout un coût pour notre société. Avant d’envisager de les taxer, sans doute aurait-il été plus sage, et plus juste, d’intervenir, et rapidement, pour réduire le reste à charge qu’elles-mêmes ou leurs familles doivent supporter, lorsqu’elles sont accueillies en établissement médico-social.
On constate aujourd’hui une situation insupportable d’un point de vue économique et humain : même une fois déduites les différentes aides publiques – allocation personnalisée d’autonomie, aides au logement, dépenses fiscales –, le reste à charge peut, dans certains cas, être supérieur au revenu courant des individus. Selon des études récentes, la participation mensuelle directe des personnes dépendantes s’élève en moyenne, en établissement, à 2 200 euros en zone rurale, à 2 900 euros en zone urbaine et à 1 400 euros à domicile, alors que la retraite moyenne en France est d’environ 1 200 euros.
Ne croyez-vous pas, madame la ministre, que la priorité du Gouvernement en matière d’autonomie aurait dû porter plutôt sur cette question ?
J’avais d’ailleurs dénoncé cette approche strictement financière et comptable lorsque nous examinions, voilà quelques semaines à peine, la proposition de loi de notre collègue Gérard Roche. L’article 1er, modifié par voie d’amendement, revenait à introduire en définitive le même mécanisme que celui que nous examinons aujourd’hui. Nous avions alors dénoncé cette mesure et avions souhaité la repousser, et ce pour plusieurs raisons qui demeurent aujourd’hui d’actualité, notamment le fait qu’elle préempte la nature de la prise en charge de la perte d’autonomie.
Dans cet article 16, tout nous incite à penser que la réforme de la dépendance se fera en dehors de la sécurité sociale. C’est pour nous une interrogation majeure. Le financement est assuré par une mesure fiscale et non par les cotisations sociales. Le produit de cette taxe est orienté non vers la sécurité sociale mais vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, les seules personnes mises à contribution étant celles qui peuvent bénéficier des aides financières et humaines en matière d’autonomie.
Enfin, vous avez clos, avant qu’il ne débute, le débat sur le champ de l’autonomie. J’espère qu’il pourra être rouvert au plus vite.
En tous les cas, nous ne pouvons nous satisfaire aujourd’hui de cette disposition.
Au groupe CRC, nous défendons l’idée d’une grande réforme de la dépendance, dans laquelle les départements auraient toute leur place mais où les besoins seraient supportés par la sécurité sociale.
Dans cette sécurité sociale réformée, la CNSA serait réintégrée dans une « sous-branche » dépendance qu’il faudrait constituer et dans laquelle la participation des usagers et des citoyens serait renforcée et légitimée, notamment par la réintroduction des élections.
Cette réforme de la prose en charge de la perte d’autonomie aurait comme point de départ les besoins réels de nos concitoyens, ce qui nous incite aujourd’hui à défendre l’idée que la construction de ce droit nouveau doit correspondre aux attentes des personnes vieillissantes comme des personnes en situation de handicap. Cela suppose d’assurer un financement solidaire et conforme à l’esprit du Conseil national de la Résistance.
Sur cette question, je le constate, le groupe CRC se distingue de tous les autres groupes parlementaires. Faire payer les retraités au motif qu’ils bénéficieraient de ce droit, c’est en réalité s’inscrire clairement dans une logique assurantielle et non solidaire.
L’adoption de cet article pourrait alors conduire, demain, non seulement à ce que l’on supprime la prise en charge des affections de longue durée à 100 %, mais qu’on les surtaxe parce que leurs maladies coûteraient plus cher à la sécurité sociale.
Voilà où pourrait nous conduire le raisonnement qui sert de postulat à cet article et qui est sans doute le fruit d’un renoncement.
Nous n’avons eu de cesse d’exhorter le Gouvernement à revenir sur cette mesure, afin notamment que puisse s’engager une véritable concertation à ce sujet. Nous n’avons pas obtenu de réponse.
Nous proposerons un amendement de substitution à cet article 16. S’il n’était pas adopté et n’était pas soutenu par le Gouvernement, qui s’engagerait alors à renoncer à cette taxe, nous serions contraints de voter contre cet article.