Madame la ministre, vous avez affirmé à l’Assemblée nationale que l’article 16 introduisait « un nouveau droit, celui de l’accompagnement de la perte d’autonomie ». Or tel n’est pas le cas.
En effet, cet article se borne à instaurer une taxe, en prévoyant une mesure fiscale contraire au principe de solidarité qui fonde la sécurité sociale et tel que défini par le Conseil national de la Résistance. Sans doute aurons-nous à débattre prochainement du contenu de ce nouveau « droit », mais nous redoutons que la discussion ne soit très contrainte.
Comme vous avez fait le choix de déterminer le montant et l’assiette de la taxe avant d’étudier les besoins, vous n’aurez que deux options : soit adapter ce « droit » nouveau aux ressources dont vous disposerez grâce à cette taxe ; soit considérer les besoins et augmenter, en conséquence, le rendement de la taxe.
Quoi qu’il en soit, avec ce système d’inspiration assurantielle, les retraités sont perdants.
Qui plus est, toujours à l’Assemblée nationale, vous avez ajouté, madame la ministre : « C’est dans cette perspective que nous nous situons et c’est pourquoi nous introduisons cette contribution des retraités, modique, qui permet de marquer que le financement de la perte d’autonomie est un enjeu national. »
En somme, parce qu’il s’agit d’un enjeu national, le financement de cette taxe ne devrait reposer que sur une faible partie de nos concitoyens. Cet argument a été, par ailleurs, parfaitement repris par la droite, qui n’a, en la matière, aucune leçon à donner.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi de prendre l’exemple des personnes retraitées en situation de perte ou d’absence d’autonomie en raison de la survenue, pendant leur période d’activité, d’un accident ou d’une maladie professionnelle et ayant besoin d’une aide humaine. Est-ce bien légitime d’exiger de ces dernières qu’elles contribuent elles-mêmes au financement des dépenses liées à leur perte d’autonomie ? Ne faudrait-il pas envisager que les employeurs soient responsabilisés et soumis à contribution ?
En outre, les personnes retraitées qui seraient touchées par la taxe en question ont, pendant des années, cotisé en tant que salariés, et ce bien plus d’ailleurs que ne l’ont fait les actionnaires, qui se sont enrichis du fruit de leurs efforts. Est-il donc bien normal de les taxer une seconde fois ? Pour notre part, nous ne le croyons pas et nous continuons à penser qu’il faut résolument s’attaquer à la spéculation, en mettant le capital à contribution, car ces sommes échappent aux salaires et donc aux cotisations.
Dans l’avis qu’il a rendu en 2011, le Conseil économique, social et environnemental notait que, « pour la période 2006-2009, si le résultat après impôt de nos sociétés non financières se trouve – avec 37, 5 % de l’excédent brut d’exploitation, l’EBE, en 2009 – sensiblement dans la moyenne des autres pays européens, les “dividendes et autres revenus distribués” (24, 7 % en 2009) sont parmi les plus élevés de l’Union européenne. L’autofinancement disponible pour les investissements en est réduit d’autant et se situe, avec 12, 8 % de l’EBE en 2009, parmi les plus bas d’Europe ».
Comme nous ne cessons de le répéter, il y a donc bien un coût du capital, qui nuit à l’investissement et au financement de la sécurité sociale.
Le rapport démontre également que la pratique susvisée est d’autant plus importante que la part de valeur ajoutée qui y est créée est haute : « De fait, seules 16 % des PME distribuent des dividendes ; cette proportion est trois fois plus importante pour les grandes entreprises. Celles dont la valeur ajoutée est la plus élevée versent le plus de dividendes. »
Cet état de fait justifie pleinement l’amendement relatif à l’instauration d’une modulation de cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises que nous avions déposé. Mais nous constatons que, bien que crédibles et de nature à créer des ressources susceptibles de faire renoncer le Gouvernement à mettre en œuvre l’article 16, nos amendements ont malheureusement été rejetés par le Gouvernement et par le Sénat.
Certes, nous avons bien conscience qu’il est nécessaire de mener une réflexion globale plus large sur le financement de la sécurité sociale, notamment sur celui de la perte d’autonomie, mais cela ne doit pas se faire au détour d’un article visant à taxer les pensions de retraite.
Cet article étant une disposition majeure du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous demandons qu’il soit procédé à un vote par scrutin public.