Après l’adoption de l’article 22, cet amendement, qui vise à mettre à contribution les fabricants de tabac, au travers d’une taxe sur leur chiffre d’affaires, pourrait sembler sans objet.
Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative dont nous avons débattu cet été, nous avions présenté un amendement similaire. En effet, il nous paraît normal qu’une industrie responsable de plus de 60 000 morts par an, dont la moitié par cancer, contribue au financement de la prévention et de la prise en charge de la dépendance tabagique. Pour l’heure, cette industrie est la seule à ne pas payer pour les dégâts que son activité engendre.
Le coût social du tabagisme est estimé, pour la France, à 47 milliards d’euros par an, soit environ 750 euros par habitant et plus de 3 % du PIB, dont 18 milliards d’euros de dépenses de soins. On est loin de l’idée, trop souvent répandue dans la population, d’une taxation excessive du paquet de cigarettes, qui engendrerait des recettes fiscales – de l’ordre de 11 milliards d’euros par an – couvrant, voire au-delà, les coûts induits par la consommation du tabac. Pour les seuls coûts de traitement des maladies liées au tabagisme, le déficit, pour les comptes publics, s’élève à environ 7 milliards d’euros chaque année.
Pendant ce temps, l’industrie du tabac poursuit sa croissance et met sur le marché des paquets qui séduisent un public de plus en plus jeune, malgré les messages d’alerte et les images dénonçant les effets de la consommation de tabac sur la santé. Elle déjoue adroitement les réglementations relatives à la publicité, à la promotion ou encore au marketing sur la cigarette.
Non seulement la politique de faibles augmentations successives menée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy a eu un effet nul sur la consommation, mais, plus grave encore, elle a enrichi l’industrie du tabac. En effet, selon le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et président de l’Office français de prévention du tabagisme, cette dernière aurait, de 2007 à 2011, bénéficié de près de 600 millions d’euros de revenus supplémentaires. Aucun secteur industriel en France ne peut se targuer d’une telle rente permanente consentie par l’État.
Comme il s’y était engagé en juillet dernier, lors de l’examen de notre amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2012, le Gouvernement procède à un réaménagement de la fiscalité sur les tabacs au travers de l’article 22 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
D’une part, il augmente les droits de consommation sur l’ensemble des produits à base de tabac, indépendamment du prix de vente de ces derniers, afin que la hausse des taxes ne se traduise plus par celle du chiffre d’affaires des fabricants de cigarettes. D’autre part, il procède à un rattrapage pour certains de ces produits – le tabac à mâcher ou à priser –, qui bénéficiaient d’un avantage de prix.
Une telle réforme va dans le bon sens. La tentation était forte d’aller plus loin en créant une taxe qui permette à l’État de toucher des subsides supplémentaires et réponde réellement à un objectif de santé publique. Cela étant, nous sommes conscients qu’une telle taxe n’est pas forcément compatible avec le droit communautaire et surtout que, s’appliquant sur le territoire national, elle épargnerait la plupart des industriels du tabac.
Si vous nous le demandez, madame la ministre, nous retirerons donc notre amendement et nous contenterons des mesures que prévoit l’article 22.
Néanmoins, auparavant, nous voudrions vous interroger sur les mesures supplémentaires que vous entendez prendre pour enrayer ce fléau du tabagisme. D’autres pays ont imposé l’emploi de paquets neutres standards, interdit toute publicité sur les lieux de vente ou encore exigé que les produits du tabac ne soient plus apparents dans les points de vente. Que va-t-on faire en France ?