Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 9 octobre 2012 à 14h30
Bisphénol a — Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gérard DériotGérard Dériot :

Ce n’est pas, si je puis dire, parce que vous traversez un nuage de bisphénol que vous serez nécessairement contaminé, mais il est indispensable d’être vigilants. C’est bien ce qu’a souhaité le Sénat en 2010 et c’est aussi la raison pour laquelle j’avais insisté sur le fait que, trop souvent, les biberons chauffés au micro-ondes sont portés à des températures trop élevées puis donnés aux nourrissons, après refroidissement évidemment – on ne fait pas boire à un bébé un liquide presque à ébullition –, alors que le bisphénol A a donc été libéré et a contaminé l’aliment.

Or, – et c’est le deuxième facteur de risque – les nourrissons sont, avec les embryons, les plus sensibles à ce perturbateur endocrinien puisque leur système hormonal est encore immature.

Même si tous les doutes scientifiques n’étaient pas totalement levés, les suspicions étaient suffisamment fortes pour que l’Union européenne décide à son tour, au 1er juin 2011, l’interdiction de la commercialisation et de l’importation des biberons contenant du bisphénol A.

Je souhaite insister sur le fait que le bisphénol A est un perturbateur endocrinien, parmi, hélas ! beaucoup d’autres, dont un grand nombre ont, comme le rapport de notre collègue Gilbert Barbier l’a montré, des effets néfastes pour la santé.

On l’a dit, le BPA est utilisé, depuis plus de quarante ans, pour la fabrication industrielle de plastiques comme le polycarbonate. Il sert également à fabriquer des résines employées comme antioxydant dans les plastifiants et le PVC. Nous le retrouvons donc dans de nombreux objets quotidiennement utilisés.

Le polycarbonate, type de plastique rigide et transparent, est largement utilisé dans des objets au contact des aliments et des liquides.

Les résines époxydes, quant à elles, font l’objet de plusieurs types d’emploi. Elles sont utilisées en tant que revêtement de surfaces, notamment dans les canettes et les boîtes de conserve, ainsi que dans certaines canalisations d’eau, les conteneurs d’eau potable et les cuves à vin. Elles assurent également l’étanchéité de récipients en verre afin de garantir la salubrité de l’aliment.

À l’époque de l’interdiction des biberons fabriqués à partir de BPA, le débat sur l’élargissement de cette interdiction avait été ouvert. Aujourd’hui, nous passons à une autre étape avec la proposition de loi qui nous vient de l’Assemblée nationale et prévoit quatre mesures distinctes.

Ce texte a pour objet l’interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A destiné à recevoir des produits alimentaires à compter du 1er janvier 2014.

Cette suspension prendrait effet à compter du 1er janvier 2013 pour les conditionnements destinés aux enfants de moins de trois ans.

Les conditionnements contenant du bisphénol A destinés à contenir des produits alimentaires devront comporter un avertissement sanitaire déconseillant leur usage aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux enfants de moins de trois ans dès la promulgation de la loi.

Un rapport d’étape devrait être élaboré par l’ANSES sur les substituts au BPA, leur innocuité et leur adaptation pour l’utilisation dans la fabrication des plastiques et résines à usage alimentaire, rapport qui serait communiqué par le Gouvernement au Parlement au plus tard le 31 octobre 2012.

La commission des affaires sociales, sur proposition de son rapporteur, Mme Patricia Schillinger, a décidé de repousser la date d’entrée en vigueur de l’interdiction du BPA dans les contenants alimentaires et de la porter au 1er janvier 2015.

Le problème de santé publique ayant été réglé pour l’essentiel par la suppression des biberons contenant du bisphénol, porteurs du plus gros risque, puisque, je le répète, généralement chauffés et s’adressant aux plus sensibles au bisphénol, il nous semble que ce délai est insuffisant pour permettre à la filière des emballages plastiques, à celle des emballages métalliques et, plus généralement, à tout le secteur de l’agroalimentaire – secteurs cruciaux – de s’adapter à ces nouvelles normes.

Je peux d’ores et déjà vous indiquer que la dangerosité des substituts au BPA est une préoccupation majeure pour notre groupe. L’ANSES a publié une note en juin 2012 présentant plusieurs de ces substituts. Pour aucun d’eux, nous n’avons eu la certitude de disposer de toutes les études permettant de s’assurer de leur innocuité totale.

Pour les résines, des substituts ont été identifiés. Les plus anciens et les plus connus sont le polyester, le vinyle, le polyacrylate ou encore l’acrylique. Comme vous le savez, à ce stade, aucune étude ne permet de garantir l’innocuité de ces matériaux au contact des aliments.

Or le problème est double : sans produit protecteur qui puisse être mis à l’intérieur des récipients destinés à des produits alimentaires, ces récipients risquent de se détériorer du fait, en particulier, de l’acidité de leur contenu et donc de devenir plus dangereux que le bisphénol lui-même, en causant, par exemple, des attaques directes de la muqueuse stomacale ou en n’empêchant pas les contaminations extérieures. Le bisphénol servait aussi, en effet, à éviter le contact avec l’extérieur.

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