Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 9 octobre 2012 à 14h30
Bisphénol a — Article 1er

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Cet amendement a pour objet de rétablir les délais d'exécution qui figuraient dans le texte initial, voté à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

Le texte adopté l’an dernier prévoyait en effet une interdiction du bisphénol A dans l’ensemble des contenants et ustensiles alimentaires à partir du 1er janvier 2014 et, pour les contenants destinés aux enfants en bas âge, à partir du 1er janvier 2013.

Lors de la première lecture au Sénat, la commission des affaires sociales a voté un amendement repoussant ce délai au 1er janvier 2015 et conservant la date butoir du 1er janvier 2013 pour les contenants destinés aux enfants âgés de zéro à trois ans.

Ce report prolonge inutilement un très grave problème sanitaire, alors même qu’il est contre-productif et ne repose sur aucun fondement économique.

Mes chers collègues, de quoi s’agit-il exactement ? En reportant d’une année l’application de cette mesure, nous programmons consciemment un désastre sanitaire à venir. Quelque 830 000 femmes enceintes seront exposées à ce poison ; nous acceptons de mettre à son contact des enfants à naître alors que nous savons déjà que 400 garçons souffriront de troubles de la fertilité.

Pourtant, oui, nous savons !

En outre, depuis octobre 2011, de nouvelles études sont parues montrant que le bisphénol A induit des maladies métaboliques et cardio-vasculaires, des cancers hormono-dépendants, des troubles du comportement et de la reproduction ; et je ne parlerai même pas de ses conséquences financières, le fardeau qu’est le déficit de la sécurité sociale s’en trouvant alourdi.

Face à l’urgence sanitaire, l’argument économique ne fait pas le poids. De nombreux industriels ont déjà développé des solutions de rechange au BPA, pour les différents usages de cette substance.

D’une part, si la date du 1er janvier 2013 est conservée pour les contenants destinés aux enfants en bas âge, il semble envisageable que le marché puisse s’adapter pour l’ensemble des contenants avec un délai supplémentaire de douze mois. Si certaines entreprises peuvent se conformer en à peine trois mois, les autres peuvent bien le faire en quinze…

D'autre part, voilà un an que les industriels sont avertis de l’existence de cette mesure et qu’ils ont pu déployer les moyens de recherche nécessaires.

La conserve en carton, par exemple, constitue un emballage alternatif sans BPA, qui peut s’adapter aux légumes cuisinés, légumes secs, soupes, sauces ou compotes.

Pour un emballage de 400 millilitres, l’émission de gaz à effet de serre est de 81 grammes pour du carton, contre 126 grammes pour une conserve en métal. Le gain est considérable ! En France, faute de demande, l’offre n’est pas développée, mais 3, 2 millions d’emballages pourraient être fabriqués en carton.

En développant le potentiel de production français, nous pourrions donc économiser l’émission de 12 000 tonnes de C02 par an. Et je n’évoquerai même pas les conséquences en termes de création d’emplois.

Mes chers collègues, cet emballage est déjà présent chez 110 grandes marques, à travers 40 pays.

En Italie, la marque Coop a systématiquement remplacé les boîtes métalliques par les conserves en carton, et 96 % de ses clients en sont satisfaits. Dans l’ensemble de la péninsule, ces emballages concernent 18 % du conditionnement des légumes secs et, globalement, 10 % de celui des légumes. En Suède, 23 % des légumes secs, 24 % des tomates et 7 % de l’alimentation destinée aux animaux domestiques bénéficient de ce mode de conditionnement, et on prétend que c’est impossible en France !

Comme moi, vous avez certainement été interpellés par les associations de protection de la santé environnementale, qui défendent la santé des générations futures. Que doit-on leur répondre ? Qu’il est normal de sacrifier ces générations sur l’autel de la rentabilité économique ? Non, mes chers collègues : pour le bisphénol A comme pour tous les autres perturbateurs endocriniens, nous devons prendre la mesure de l’urgence à agir.

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