Intervention de Catherine Génisson

Réunion du 8 novembre 2012 à 9h45
Journée nationale en mémoire des victimes de la guerre d'algérie et des combats en tunisie et au maroc — Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine GénissonCatherine Génisson :

Monsieur le ministre, dans votre propos liminaire, vous avez déclaré que le Sénat est la chambre de la réflexion, de la mesure et de la sagesse – on se plaît à le rappeler – et qu’il convient, pour construire un avenir commun, de regarder notre passé en face, dans le respect de toutes les victimes.

Le 19 mars 1962 est la date de proclamation du cessez-le-feu en Algérie, à la suite des accords d’Évian signés la veille. Ce n’est pas la fin de la guerre d’Algérie, reconnue comme telle depuis octobre 1999. Cela, nous avons été unanimes à l’exprimer lors d’échanges de qualité en commission des affaires sociales. Les appelés, les rapatriés, les harkis ont en effet été de terribles victimes après le 19 mars.

Mais comme M. le rapporteur l’a rappelé avec gravité, « il est temps d’apporter une réponse à ceux qui, entre 1954 et 1962, ont répondu à l’appel de la nation avec abnégation et courage dans le respect des lois de la République, et quel que soit l’avis qu’ils portaient individuellement sur le conflit en Algérie ».

L’inauguration du mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie par le président de la République Jacques Chirac, le 5 décembre 2003, constitue une belle reconnaissance des terribles événements vécus alors. C’est tout cela ; ce n’est que cela.

Le 16 octobre 1977, date d’inhumation du soldat inconnu à Notre-Dame-de-Lorette, correspond à la réunion des anciens combattants en grand nombre ; mais comme vous avez pu le constater, monsieur le ministre, ce n’est pas une date historique.

Les parlementaires que nous sommes doivent prendre acte des dates que l’Histoire retient ; mais je pense, comme beaucoup d’entre nous, que nous n’avons pas à commenter l’Histoire. Voter cette proposition de loi, c’est ouvrir les voies de la réconciliation et de la paix.

Aucun des destins individuels, faits d’épreuves et de douleur, ne peut être oublié ; mais, au-delà, s’impose le destin de notre communauté nationale.

Prenons aujourd’hui le temps du recueillement, du souvenir. Écoutons, respectons ceux qui, acteurs des heures sans doute les plus déchirantes de notre histoire nationale, aspirent à l’apaisement et à la réconciliation.

Oui, songeons aux trop nombreux jeunes gens du contingent, venus de tous nos territoires et qui, au début de la construction de leur vie, ont vu brutalement s’arrêter l’élan de leur futur.

Oui, songeons aux harkis, odieusement abandonnés, pour beaucoup d’entre eux, après le 19 mars.

Oui, n’oublions pas les rapatriés, obligés d’abandonner une terre qui était la leur, comme nous l’a rappelé en commission Mme Bruguière avec gravité et émotion.

Mais le 19 mars est une date que l’Histoire imposera pour qu’elle devienne le moment où, ensemble, nous partageons les mêmes douleurs.

Aucune comparaison n’est valide quand on parle de guerre mais, au nom de la mémoire républicaine, comme vient de l’indiquer M. Todeschini, je veux néanmoins évoquer le destin partagé auquel nous rendrons hommage dans le Pas-de-Calais en 2014 : ennemis d’hier, amis aujourd’hui, nous nous recueillerons sur le site de Notre-Dame-de-Lorette, devant un mémorial honorant dans une fraternité posthume les 600 000 soldats venus du monde entier et tombés pendant la Première Guerre mondiale sur le même sol : celui de la Flandre française et de l’Artois.

Mes chers collègues, dans le respect de toutes les victimes, sachons, conscients de nos responsabilités, choisir une date historique en faisant appel à l’union nationale, à la réconciliation. §

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