Nous en avons entendu parler à la maison ; ou plutôt nous en avons assez peu entendu parler, parce que ceux qui sont revenus de la guerre ne voulaient pas en parler. Certains membres de ma famille ont fait cette guerre. J’ai beaucoup de respect pour tous ces « p’tits gars », comme les appelait le général Bigeard, qui sont partis pour l’Algérie et sont trop nombreux à ne pas être revenus.
La guerre d’Algérie a contribué à diviser des familles pendant des années. J’ai une pensée pour ces familles, pour ces jeunes appelés, pour leurs enfants. Tous ceux qui ont été envoyés en Algérie ont été meurtris dans leurs corps et dans leurs têtes, ils en ont gardé des séquelles définitives au fond d’eux-mêmes. Ces atrocités ont été gravées en eux à jamais.
Nous devons honorer tous ceux qui sont morts ou ont été blessés, au combat ou lors d’un attentat, et tous ceux qui ont été torturés. Il n’y a pas de hiérarchie à faire entre les morts et les blessés : nous devons avoir une pensée pour chacun d’entre eux, qu’il s’agisse de militaires français, de harkis, d’Algériens ou de Français d’Algérie ; c’est cela le rassemblement républicain. §
Longtemps, cette guerre n’a pas voulu dire son nom. Lorsque, par la loi du 18 octobre 1999, le gouvernement de Lionel Jospin a reconnu que c’était bien une guerre et non une opération de maintien de l’ordre ou de simples « événements », il a accompli un acte fort, symbolique, un acte de rassemblement de notre nation. Oui, tous ces jeunes qui ont pris un bateau pour l’Algérie y sont bien allés pour faire la guerre. Nous avons tous pensé que la reconnaissance intervenue en 1999 était une bonne chose. Tout à l'heure, Jean-Marc Todeschini a évoqué le rôle de Jean-Pierre Masseret, alors secrétaire d’État. L’adoption par le Parlement de la loi du 18 octobre 1999 a constitué un événement très important.
Les accords d’Évian ont été signés il y a cinquante ans. Pourtant, nombre d’entre nous continuent à entendre parler de la guerre d’Algérie et de ses conséquences.
Madame Garriaud-Maylam, vous avez cité François Mitterrand. Je pourrais pour ma part citer le général de Gaulle, qui a recouru à deux reprises au référendum s'agissant de l’Algérie ; il était visionnaire : il avait vu ce qui se passerait après la guerre.
Le 8 janvier 1961, lors du premier référendum, 75 % des Français – plus de dix-sept millions de personnes – ont répondu « Oui » à la question suivante : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination ? »