… entre les anciens combattants ayant vécu cette guerre, alors même que nous avions adopté, ensemble, et cela honore la représentation nationale, il y a moins d’un an, une solution nous permettant d’apaiser ces mêmes divisions ?
Notre pays n’est-il pas assez adulte, notre démocratie assez mûre et respectueuse de tous pour être capable d’un peu de constance ?
Ne pensez-vous pas qu’il existe, dans notre histoire, des cicatrices telles qu’il n’est pas opportun de les rouvrir par des lois d’affichage ?
C’est bien dans ce domaine que nous devrions méditer le conseil de Montesquieu selon lequel il ne faut toucher aux lois « que d’une main tremblante ».
Nous sommes appelés à légiférer non pas sur des dispositions d’ordre économique, mais sur ce qui participe de ce que nous sommes aujourd’hui, puisqu’il s’agit de notre histoire à tous, anciens militaires du contingent ou professionnels, rapatriés, supplétifs et harkis, enfants et petits-enfants des uns et des autres, et ce quelle que soit notre famille politique.
Mes chers collègues, ne commettons pas une faute mémorielle en donnant à l’histoire l’occasion de porter un jugement sévère sur nos travaux.
On ne peut célébrer une défaite : le 19 mars restera un divorce pour la société française, que l’on se situe en 1962 ou aujourd’hui.
Pour la communauté harki, dont les pères et les grands-pères avaient choisi la France, le 19 mars demeurera une journée de deuil.
Les accords d’Évian n’ont pas été respectés, l’ordre du jour du général Ailleret, qui commanda l’arrêt des combats, ne s’est concrétisé sur le terrain que comme une mesure à sens unique. Les archives dont nous disposons dénombrent tant de morts, tant de blessés, tant de disparus dans les rangs de l’armée française après le 19 mars 1962… Et il est impossible de ne pas rappeler l’insupportable : l’effroyable massacre de dizaines de milliers de harkis ; on ose à peine dire que les chiffres varient de 60 000 à 150 000 tués, victimes des pires exactions de la part du nouveau pouvoir, notamment des combattants de la dernière heure qui rejoignirent le FLN à partir de mars 1962.
Nous nous sommes déjà rendus coupables de tant d’injustices, de tant de lâchetés, de tant de dénis de reconnaissance vis-à-vis de nos frères harkis. Est-il bien nécessaire d’en rajouter ? J’ose à peine évoquer les insultes, il n'y a pas d’autres mots, dont ils furent il n’y a pas si longtemps l’objet de la part de l’actuel chef d’État algérien.
C’est pour toutes ces raisons que je vous demande instamment, mes chers collègues, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.