Intervention de René Garrec

Réunion du 8 novembre 2012 à 9h45
Journée nationale en mémoire des victimes de la guerre d'algérie et des combats en tunisie et au maroc — Question préalable

Photo de René GarrecRené Garrec :

Je m’exprimerai non pas pour mon groupe, mais en mon nom propre. En effet, j’y étais, en Algérie. Je suis sorti sous-lieutenant de Cherchell. L’État, économe de ses deniers, formait beaucoup d’aspirants, qui n’étaient pas payés, et des sous-lieutenants, qui étaient payés. Cela faisait à l’époque une grosse différence, entre 30 francs et 850 francs !

Quand je suis sorti de l’école et rentré en France, je suis reparti avec mes vieux copains de section. Et j’ai dû les quitter sur le bateau, parce que moi, en ma qualité d’officier, on me faisait voyager en première classe, alors qu’eux, ils étaient dans la cale. En effet, l’adjudant me l’a expliqué, l’aspirant n’était qu’un sous-officier supérieur.

Cela fait partie de mes souvenirs de base. Je ne vous raconterai pas ma vie, mais je suis vraiment très mal à l’aise avec ce débat. En effet, quand cette guerre s’est terminée – l’armistice, ce n’est pas la paix, et tout ce qui a suivi a été abominable pour ceux qui l’ont vécu –, j’ai regretté de ne plus être en Algérie à ce moment-là, avec mes amis, les moghaznis, ceux dont on parle peu, avec les harkis qui luttaient avec moi, qui étaient mes camarades de combat.

À Mohand Ould El Hadj, le patron du commando, qui était en face de moi, j’avais dit : « Rends-toi, tu es vieux ». Je l’avais même écrit à sa femme. Il avait 55 ans. Quand je vois mon âge aujourd’hui, je souris ! Il s’est rendu huit jours après que je sois parti. J’espère qu’il a été bien accueilli par mon remplaçant.

Si je suis très mal à l’aise, c’est parce que j’avais à l’époque l’impression de faire la guerre. J’avais d’ailleurs été un peu écorché, un peu blessé, certes pas assez gravement pour être reconnu comme invalide, mais assez pour être gêné physiquement, comme aujourd’hui par mon torticolis.

Quand je suis rentré chez moi, après ces deux ans et demi de service militaire, ceux de mes camarades qui n’étaient pas partis en Algérie avaient fini leur thèse ; moi, je n’avais pas commencé la mienne. Je ne savais plus comment me recycler dans le système, et je suppose que je n’étais pas le seul. Ce que nous avions vécu n’était pas considéré comme une guerre. Il était même un peu infâmant d’être allé en Algérie.

J’ai donc apprécié que la loi dise formellement : ce qui s’est passé en Algérie était une guerre et la date commémorative en sera, pour vous qui y étiez comme pour tous les anciens combattants, le 11 novembre. Pardonnez mon émotion, mes chers collègues, mais je pense à tous mes amis qui sont morts.

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