Certes, je n’ai pas trouvé très convaincantes vos contorsions sémantiques, mais c’est surtout l’absence de consultation du monde combattant qui m’inquiète et me gêne.
En 2003, la date du 5 décembre avait été retenue pour instituer une journée d’hommage, justement parce qu’elle était soutenue par une très large majorité d’associations d’anciens combattants, seules deux de ces dernières lui préférant la date du 19 mars, comme l’a opportunément rappelé Gérard Larcher.
Cette fois, la méthode inverse a été retenue, très certainement parce qu’une concertation plus large n’aurait pas permis de dégager de consensus ou même de simple majorité en faveur du 19 mars.
Alors que cette proposition de loi a été inscrite il y a plus d’un mois à l’ordre du jour, M. le rapporteur a jugé nécessaire de ne rencontrer que quatre associations parmi la quarantaine que compte le monde combattant.
La FNACA et l’ARAC, les deux seules associations qui militent pour une commémoration nationale le 19 mars, comptent à peine plus de 300 000 membres, alors que les quarante autres associations qui s'y opposent représentent plus de 2 millions de familles. §Je trouve vraiment scandaleux, indigne, que quatre auditions suffisent à légitimer une proposition de loi aussi clivante.
Oui, bien sûr, mes chers collègues, il y a eu un cessez-le-feu le 19 mars 1962 ; personne ne le conteste. §Je peux même vous dire que certains d’entre nous, au sein du groupe UMP, ont déclaré vouloir approuver le choix de cette date, parce qu'ils se souviennent de la joie qu'ils ont alors ressentie. Qui ne se réjouirait qu’une guerre prenne fin ? Mais comment oser honorer nos morts à une date qui fut une journée de dupes, qui représente aujourd'hui encore une plaie béante pour des millions de personnes ? Comment oublier tous les morts qui ont suivi ? Comment oublier tous ces humbles enlevés, suppliciés ? Comment oublier, surtout, tous ces harkis qui ont péri parce qu'ils croyaient en la France et envers qui nous avons une dette d'honneur ?
Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné l'existence de rues du 19 mars 1962 et évoqué le bachaga Boualem. Je veux dire la honte que j'ai ressentie quand une municipalité socialiste a débaptisé une rue qui portait son nom !
Pour moi, imposer cette date du 19 mars serait une nouvelle trahison, envers les rapatriés, envers les harkis, envers les associations combattantes, qui, dans leur majorité, sont contre ce choix. Vous avez déclaré qu'il fallait réconcilier le monde combattant et les Français : mais alors comment osez-vous proposer cette date ! Vous êtes en contradiction totale avec vous-même !
Vraiment, par égard pour le monde combattant, par égard pour la France, par égard pour notre assemblée, par respect pour toutes les victimes de la guerre d'Algérie, vous vous honoreriez, mes chers collègues, en refusant de défendre une telle proposition de loi ! §