Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 20 novembre 2012 à 9h30
Questions orales — Difficulté d'application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés

Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion :

Monsieur le sénateur, ne doutant pas que vous me remplacerez avantageusement, je vous charge de transmettre mes propos à votre collègue Rachel Mazuir.

En 2010 et 2011, la Direction générale de la cohésion sociale a développé une importante concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées. Cette concertation a débouché, en août 2011, sur la publication d’un décret précisant les critères permettant de reconnaître une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », notion introduite par la loi de finances pour 2007.

Le décret précise la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », condition nécessaire, vous l’avez rappelé, de l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés pour les demandeurs dont le taux d’incapacité reconnu par la MDPH est égal ou supérieur à 50 % mais inférieur à 80 %.

Ce texte rappelle que la restriction substantielle et durable peut être évolutive en fonction de nombreux facteurs, propres à la situation du demandeur, médicaux notamment, ou extérieurs à celle-ci, comme les moyens de compensation du handicap.

Par ailleurs, la circulaire qui l’accompagne a permis de diffuser un outil concret d’aide à la décision, qui est aujourd’hui partagé et reconnu par l’ensemble des membres des CDAPH, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, de nombreuses MDPH.

Vous regrettez que cette définition limite les marges de manœuvre des MDPH. Cependant, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et plusieurs institutions de contrôle, comme l’Inspection générale des affaires sociales ou la Cour des comptes, ont pu constater des disparités territoriales en matière d’attribution de l’AAH par les CDAPH. À ce propos, la CNSA, dans un rapport de juillet 2009, a conclu que, une fois gommées les différences socioéconomiques et démographiques entre départements, environ un tiers des écarts demeurent inexpliqués.

On peut donc conclure, en effet, à des différences de pratiques d’instruction ou d’interprétation des textes selon les territoires. Les écarts d’attribution peuvent ainsi varier d’un à quatre en ce qui concerne les taux d’accord par rapport aux demandes d’AAH déposées.

La plus grande fréquence d’examen des situations individuelles doit permettre de réduire ces écarts, donc d’améliorer l’égalité de traitement devant une prestation décisive pour la qualité de vie des personnes concernées.

Vous rappelez en outre que le décret d’août 2011 fixe une durée d’attribution de l’AAH comprise entre un et deux ans, contre cinq ans auparavant. Cette modification normative a pu entraîner localement une augmentation de la charge de travail des MDPH, mais elle est la conséquence directe des constats effectués par les maisons départementales elles-mêmes.

Il faut en effet rappeler que, selon les chiffres de la CNSA publiés en 2012, les demandes d’AAH ne représentaient que 16, 5 % des demandes formulées par des adultes en situation de handicap, étant entendu qu’un nombre important de demandes reçues en MDPH concerne des enfants. En outre, on a constaté dans un nombre important de départements que la durée moyenne d’attribution de l’AHH au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale avant la réforme était seulement très légèrement supérieure à deux ans.

D’une manière générale, l’intérêt de la réforme réside dans la possibilité laissée aux CDAPH d’évaluer beaucoup plus fréquemment la situation de la personne. Cela permet d’adapter en conséquence les mesures d’accompagnement socioprofessionnel prises par la commission et par ses partenaires du service public de l’emploi de manière à éviter tout risque d’exclusion durable du monde du travail. Le principe d’une évaluation plus fréquente de l’employabilité des personnes handicapées est donc en soi bénéfique, y compris pour les bénéficiaires de l’AAH orientés en ESAT.

Enfin, la durée d’orientation en ESAT, de cinq ans maximum, n’est pas conditionnée par l’octroi de l’AHH, les deux décisions étant de nature différente.

Les services déconcentrés de la cohésion sociale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH ont été formés parallèlement par la Direction générale de la cohésion sociale et par la CNSA, entre octobre 2011 et mars 2012, sur les conséquences de l’évolution normative de l’AAH, en particulier sur la notion de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

À ce jour, le bilan est positif et des échanges fructueux ont pu s’établir entre les services de l’État et les MDPH afin de parvenir à une connaissance partagée et une approche commune de la restriction substantielle et durable dans une très grande majorité de départements.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement n’entend donc pas revenir sur les dispositions du décret du 16 août 2011, qui avaient fait l’objet, bien sûr, de nombreuses contestations, mais aussi d’une véritable concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées.

Naturellement, le Gouvernement reste attentif aux éventuelles difficultés que pourrait poser son application, et je serai moi-même particulièrement vigilante.

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