Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 19 novembre 2012 à 14h30
Débat sur le crédit à la consommation et le surendettement

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Je me réjouis, monsieur le ministre, que le présent débat sur le crédit à la consommation et le surendettement puisse avoir lieu aujourd’hui au Sénat.

Nous sommes à mi-chemin entre deux textes relatifs à ce sujet : d’une part, la loi du 1er juillet 2010, dite loi « Lagarde », portant réforme du crédit à la consommation, et, d’autre part, un projet de loi dont la présentation en conseil des ministres nous est promise pour le début de l’année prochaine et dont les contours ne sont pas encore connus. J’espère d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous pourrez nous en tracer les premières lignes.

Le Sénat est dans son rôle, non pas de législateur, mais de contrôle de l’action du Gouvernement et de l’application des lois, comme l’indique le nom de la commission en cause.

Il faut saluer le travail de notre collègue Muguette Dini et de notre ancienne collègue Anne-Marie Escoffier, désormais ministre, travail qui a permis de bien mesurer l’impact de la loi Lagarde tout en pointant les limites et les manques de celle-ci. Ce rapport peut être un excellent support pour rédiger un texte législatif qui portera peut-être votre nom, monsieur le ministre.

Au cours de mon intervention au nom du groupe UDI-UC, j’aimerais tout d’abord rappeler l’importance de la question du surendettement et l’implication constante des centristes sur ce sujet, puis je développerai plus longuement la question du fameux fichier positif, avant de conclure en présentant d’autres mesures qui pourraient compléter la loi de 2010.

La prévention du surendettement et l’encadrement du crédit à la consommation font partie des préoccupations historiques du groupe centriste.

Le problème du surendettement et la question du traitement des crédits à la consommation sont deux sujets liés, l’un étant souvent la cause de l’autre, même si naturellement d’autres raisons existent.

Comme les orateurs précédents l’ont rappelé, notre pays traverse une crise économique profonde et durable. Elle entraîne une crise sociale, qui touche directement les ménages les plus faibles. Le rôle du politique, notre rôle, est de protéger les personnes les plus vulnérables qui se trouvent dans cette situation. Eu égard aux plus de 230 000 dossiers de surendettement déposés fin 2011, les statistiques du surendettement explosent. Le nombre de dossiers à traiter s’élève désormais à 746 000. Notre collègue Muguette Dini rappelait que, par rapport à 2010, cette hausse atteignait près de 6 % au dernier trimestre 2011.

Pour certains ménages, le crédit à la consommation peut servir de compensation de revenus, mais le recours de façon systématique et abusive à celui-ci met les personnes qui contractent ce type de prêts dans des situations inextricables. Ces situations sont aggravées par la crise, qui fausse sans doute une partie de notre analyse ; elles ne sont malheureusement pas nouvelles.

J’appartiens à une famille politique qui s’est toujours battue pour que le crédit renouvelable soit plus et mieux encadré, afin que le consommateur de crédit soit protégé non seulement des établissements prêteurs, mais également de lui-même. La présence de Muguette Dini au banc de la commission le prouve. Notre collègue a beaucoup œuvré lors de l’examen du projet de loi présenté par Christine Lagarde. Très tôt, les centristes se sont engagés dans la lutte contre le surendettement.

En 2005, Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin déposaient à l’Assemblée nationale une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement et prévoyant la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers, dit « fichier positif ».

En 2008, au Sénat, c’est Muguette Dini et Michel Mercier qui déposaient également une proposition de loi tendant à prévenir le surendettement et visant à mettre en place un tel fichier. Ce texte prévoyait de mettre au cœur de la prise de décision des établissements bancaires la question de la solvabilité de l’emprunteur et de faire figurer des bannières d’informations et de mise en garde contre les risques du crédit.

Au début de cette année, c’est Valérie Létard, qui, avec de nombreux membres de notre groupe, déposait encore une proposition de loi visant à instaurer un répertoire national du crédit pour prévenir le surendettement des particuliers.

Enfin, le 29 août dernier, Muguette Dini et de nombreux sénateurs du même groupe déposaient une proposition de loi relative à un meilleur encadrement du crédit à la consommation et au traitement du surendettement des particuliers, texte qui tendait à adapter au niveau législatif les conclusions du rapport qu’elle nous a présenté.

La question du fichier positif, que plusieurs d’entre vous ont abordée, mes chers collègues, et la mise en œuvre de celui-ci restent en suspens. Comme vous pouvez le constater, la demande de création d’un tel fichier est constante au sein de mon groupe. En effet, la question de la solvabilité de l’emprunteur est au cœur du processus de prise de décision lors du choix d’accorder ou non un crédit. Il nous a toujours paru primordial d’imposer aux établissements prêteurs de s’assurer de cette solvabilité avant de prêter.

En tant qu’ancien directeur général de banque, je sais que l’emprunteur a beaucoup de mal à faire état de sa réelle situation devant un banquier. Il se tourne alors vers d’autres prêteurs et continue à s’enfoncer encore davantage dans une situation inextricable.

Certes, aujourd’hui, grâce à la loi Lagarde, certains documents sont exigés lors de la constitution du dossier de demande de crédit. Néanmoins, certaines pièces manquent parfois, voire sont falsifiées par les demandeurs, et les vendeurs de crédit sont peu regardants. Bref, il n’y a pas de certitude absolue sur la question de la solvabilité.

Seule la création et l’utilisation d’un registre ou répertoire national des crédits aux particuliers répondraient à ce problème. Destiné à établir la liste de l’ensemble des crédits contractés par les consommateurs, il permettrait la responsabilisation de tous les acteurs.

Notre combat avance puisque la loi Lagarde a permis de créer une commission chargée d’imaginer et d’ébaucher le dispositif du fichier positif.

Je sais malheureusement, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas favorable à ce répertoire, notamment parce que les associations de consommateurs, sauf une, l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, ne le souhaitent pas. Je vous précise que les établissements de crédit ne le soutiennent pas non plus, mais pour des motifs toutefois différents. Pourtant, mon expérience professionnelle me prouve que la création d’un tel répertoire est une nécessité.

Les membres de mon groupe soutiennent pour plusieurs raisons l’instauration de ce fichier, dont la gestion et l’utilisation peuvent faire l’objet d’adaptations. C’est peut-être là le vrai sujet. Ce répertoire, géré de façon indépendante par la Banque de France, offrirait une protection aux consommateurs.

Mais sa consultation soulève des problèmes. Ainsi, les consommateurs craignent que les établissements de crédit ne s’en servent pour organiser des démarches commerciales auprès d’eux. Plusieurs solutions peuvent être envisagées.

Soit ce sont les établissements qui le consultent ; dans ce cas, on pourrait leur demander précisément pour quel type de crédit ils sollicitent l’information et la Banque de France pourrait répondre par un simple accord ou désaccord au prêt, sans donner plus de détail sur les comptes des consommateurs.

Soit ce sont les consommateurs qui interrogent le gestionnaire du répertoire ; celui-ci pourrait alors fournir aux particuliers un document récapitulant l’état de leurs dettes et leur capacité à souscrire un crédit à la consommation, par exemple. La démarche et le document produit pourraient être comparés à un permis à points, un certain nombre de points étant dévolus à la souscription d’un crédit. Le consommateur serait amené à se demander s’il peut encore emprunter. La démarche serait effectuée par le seul particulier, mais elle serait obligatoire avant toute acceptation de la délivrance d’un crédit.

La protection des données et la limitation du démarchage seraient ainsi assurées, puisque la demande, j’y insiste, proviendrait du consommateur lui-même.

Certes, les coûts d’installation et de gestion du fichier sont réels, mais leur financement peut être assuré par le paiement, à chaque consultation, d’une dizaine d’euros par les organismes prêteurs, par exemple. Cette somme non négligeable conforterait encore la protection contre le démarchage et éviterait certainement une bonne part du surendettement. C’est une suggestion que le groupe centriste avait faite en présentant sa proposition de loi de 2008. Par ailleurs, ce coût de consultation compenserait le coût du risque qui pèse sur les prêteurs, et qui diminue avec l’existence d’un tel fichier et la meilleure connaissance de la solvabilité.

Vous le constatez, monsieur le ministre, sur ce sujet, nous sommes ouverts, et des solutions concrètes et raisonnables existent. Le débat reste entier. J’espère que nous pourrons l’aborder ensemble.

La loi Lagarde de 2010 a répondu à une partie des attentes, mais son application peut encore être renforcée à l’égard du crédit à la consommation.

Pour conclure, et pour aller encore un peu plus loin dans la lutte contre le surendettement, je voulais saluer vos prises de position sur la loi Lagarde. Vous avez déclaré avec honnêteté qu’incontestablement cette loi avait apporté des améliorations. Comme le souligne le rapport du Sénat, la mise en œuvre de ce texte législatif est d’ailleurs très bonne.

La loi précitée impose aux organismes de crédit, notamment, de nouvelles exigences d’information et l’instauration d’une convergence des taux de l’usure entre crédits renouvelable et amortissable.

Monsieur le ministre, nous sommes rassurés par vos déclarations concernant le crédit renouvelable, que vous souhaitez davantage encadrer et non plus supprimer, comme vous aviez pu un temps le laisser entendre.

Quant aux nouvelles améliorations possibles, le rapport de Mmes Dini et Escoffier prévoit la possibilité de découpler les cartes de fidélité et les crédits renouvelables. Selon nous, il s’agit d’une amélioration indispensable.

Je conclurai cette intervention sous la forme interrogative. Que contiendra le projet de loi que vous nous présenterez ? Quel en sera le calendrier de présentation et d’examen ? Enfin, contiendra-t-il des mesures relatives aux class actions ?

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