Élu d’une région, l’Île-de-France, où la menace de la crue centennale est suspendue, telle une épée de Damoclès, au-dessus de la tête des riverains de la Seine, je tenais ce soir à souligner la nécessité de donner la priorité à l’élaboration de la politique de prévention, notamment en termes d’infrastructures.
Le Var a connu, à seize mois d’intervalle, deux inondations catastrophiques. La première a causé 1, 2 milliard d’euros de dégâts ; la seconde, qui s’est étendue sur plusieurs départements du sud-est de la France, a provoqué entre 500 millions et 800 millions d’euros de dommages.
Le parallèle avec Paris est intéressant, car, à travers ce rapport, on constate que l’inondation est un risque caractéristique tant de la région varoise que de l’Île-de-France. En effet, la Seine a connu une soixantaine de crues de grande ampleur depuis le VIe siècle. La prochaine crue centennale à Paris dépassera peut-être celle de 1910, dont les traces sont visibles sur les murs du Palais Bourbon.
Depuis 2003, à Paris, onze scénarios ont été établis par la préfecture. L’évolution de plusieurs paramètres est même suivie de près par le secrétariat de la zone de défense. Les cas d’étude décrivent tous la catastrophe à venir : les dégâts pourraient atteindre 15 milliards d’euros, selon le chiffre de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, 850 000 habitants de l’Île-de-France seraient directement touchés par les inondations, 508 communes se trouveraient sous les eaux, dont 31 sur plus de la moitié de leur territoire. Nous sommes sûrs qu’une crue centennale surviendra, un jour ou l’autre.
La question de la prévention des inondations dans de telles zones est donc centrale en vue d’assurer une protection générale des populations et des biens. Or ces sinistres apportent la démonstration que la priorité de notre politique de lutte contre l’inondation est non pas la prévention, même s’il existe des PPRI, mais l’efficacité de la gestion de la crise. Il existe un plan pour Paris : on saura empêcher que l’eau ne pénètre dans le métro, mais l’important serait d’investir dans des infrastructures de protection en amont.
Il est bien rappelé, dans le présent rapport, qu’il n’y a pas d’« exception varoise » ; c’est la France entière, celle des zones à risques, qui est concernée par cette carence.
La surveillance coordonnée de l’ensemble du bassin Rhône-Méditerranée est pourtant essentielle, 47 % des communes de ce bassin étant concernées par le risque d’inondation, d’autant que ce territoire est le lieu d’enjeux humains et économiques majeurs, à l’instar de l’Île-de-France.
Pareillement, dans le bassin francilien, la politique de prévention n’a connu aucune amélioration substantielle, en dépit des deux questions sur ce sujet que j’ai posées au précédent gouvernement et des rappels incessants de la nécessité d’investir que je formule au Conseil de Paris, où je préside un groupe d’opposition. Il faut savoir que la ville de Paris dispose chaque année d’un budget d’investissement de 7 milliards d’euros. Nous venons encore de consacrer 50 millions d’euros à la réalisation d’équipements ludiques sur les berges de la Seine ; on ferait mieux d’affecter ces moyens à la protection contre les inondations !
Le projet d’aménagement de La Bassée, élaboré par l’EPTB Seine Grands Lacs, va très intelligemment dans ce sens. Il consiste à construire dix gigantesques casiers capables de stocker 55 millions de mètres cubes d’eau en amont de Paris, au confluent de l’Yonne et de la Seine. Ce système, dont le coût est évalué à 500 millions d’euros, permettrait de baisser le niveau de la crue de 20 à 50 centimètres, et ainsi de réduire de 30 % les dommages en cas de catastrophe similaire à celle qu’a connue le Var.
Or, mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que, faute de financement de la part tant de l’État que de la Ville de Paris – je reproche au maire de Paris un manque de proactivité sur ce point –, il n’est désormais envisagé que la réalisation d’un seul casier test, permettant de réduire le niveau des crues de seulement 5 centimètres…
C’est bien entendu contraire au principe de précaution, qui enjoint d’analyser l’efficacité du dispositif du projet de La Bassée en déterminant le rapport entre le coût et les avantages.
Madame la ministre, vous dont la présence semble indiquer que vous vous intéressez à ce dossier, cette infrastructure est vitale pour la région capitale, comme l’est une réflexion plus poussée sur la prévention dans la zone fortement inondable qu’est le sud-est de la France. Permettez-moi d’établir un tel parallèle, qui a l’avantage de souligner un problème important.
Ce projet ne doit pas tomber dans les limbes, sous prétexte de contexte budgétaire tendu. Le retour de boomerang n’en serait que plus cruel du point de vue tant économique qu’humain. N’oublions pas les 15 milliards d’euros de dégâts, sans compter les autres conséquences de ces inondations !
C’est la raison pour laquelle je profite du dépôt de ce rapport pour interpeller l’État et les collectivités territoriales, comme je le fais régulièrement, en pure perte d’ailleurs, au sein du Conseil de Paris, afin de les convaincre de la nécessité impérieuse de mener à bien une réflexion globale sur les infrastructures dans le cadre de la prévention des sinistres et, surtout, d’investir dans ce très bon projet. En effet, pour des raisons budgétaires, on envisage aujourd’hui de ne réduire les crues que de cinq centimètres. C’est peut-être suffisant pour éviter que l’eau déborde, mais il me semble qu’une baisse du niveau de la Seine de vingt-cinq centimètres serait un peu plus protectrice.
Paris n’est pas le Var, mais les mêmes problèmes se posent !