Zut…
Ces paroles disent pourtant notre temps : le paradoxe d’une société qui exige toujours plus de précaution et de prévention, mais qui, dans le même temps, prend bien des risques inutiles, comme si elle se croyait invincible.
Cela a été rappelé, avec vingt-sept morts, deux disparus et près de 2 milliards d’euros de dégâts, les inondations de juin 2010 et de novembre 2011 ont mis en lumière, comme bien d’autres événements plus anciens, notre fragilité face à l’imprévu et la nécessité de doter notre pays d’une véritable culture du risque.
J’ai été pendant plus de dix ans vice-président de Nantes Métropole, chargé notamment du risque. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur d’avoir souligné l’exemple nantais. Il est vrai que créer une culture du risque est un challenge difficile ; la maintenir dans la durée l’est peut-être encore plus.
Afin donc de comprendre ce qui s’est passé dans le Var et d’avancer de nouvelles propositions, le Sénat a décidé de réunir une mission commune d’information, dont il nous appartient aujourd’hui de commenter les conclusions. Fidèle à ses usages, notre institution a pris le temps du travail de fond et de la concertation, ce dont le groupe écologiste se félicite et qu’il salue.
Nous approuvons globalement les préconisations de la mission, qui défend une « approche globale du risque » et souligne la nécessité de « revisiter tout le dispositif de prévention » des inondations.
Les écologistes considèrent que c’est bien le principe de prévention qui doit nous guider à l’avenir, un avenir nourri de notre connaissance du passé. En effet, les crues intenses et rapides sont sorties de la mémoire collective, alors que, je l’avais noté avec intérêt, on en trouve trace depuis 1378 dans les archives varoises.
C’était aussi d’ailleurs le cas dans la région de Fukushima – cela nous éloigne du Var ! –, où des bornes anciennes, sur les collines, marquaient le niveau à partir duquel on n’avait jamais connu de tsunami. Je remercie donc Louis Nègre d’avoir souligné – on reprendra le débat sur Descartes une autre fois ! – notre orgueil démesuré, notre faible prise en compte des risques environnementaux et notre autisme face aux messages de la nature.
Les différentes auditions ont permis de mettre en lumière de nombreuses lacunes dans les politiques de gestion de crise et d’après-crise. Malheureusement, encore une fois, c’est l’analyse des catastrophes qui fera progresser les politiques publiques.
Point important en ce qui concerne la gestion des cours d’eau, le rapport de la mission d’information indique qu’« il n’y aura pas de politique de prévention des inondations efficace sans clarification des compétences et sans généralisation des structures publiques permettant de la mettre en œuvre ».
Le rapport, s’appuyant notamment sur le constat d’un entretien défaillant des cours d’eau dans le Var, préconise, et nous approuvons tout à fait une telle proposition, la création obligatoire d’un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux – je sais, pour les avoir rencontrés, que les élus de la région PACA soutiennent très fortement une telle structure – ou d’un établissement public territorial de bassin sur chaque bassin versant, doté de compétences obligatoires en matière d’entretien et de surveillance des cours d’eau.
Il me semble logique et efficace de gérer ensemble préservation des milieux naturels et gestion du risque, les milieux naturels étant souvent le meilleur réceptacle et amortisseur des crues.
La mission d’information précise utilement que ces nouveaux établissements publics devraient être financés par des recettes fiscales pérennes. On peut en effet avoir des inquiétudes sur ce point, qui constitue pourtant un enjeu majeur de l’efficacité de ces organismes. Une réunion du Comité national de l’eau se tiendra prochainement. Il s’agira de trouver des ressources fiscales permettant de mener efficacement ces actions.
La question du budget de l’eau est toujours l’objet d’une grande réflexion. L’année dernière, à peu près à la même époque, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, nous étions mobilisés, notamment, contre la proposition de « siphonner » les réserves des agences de l’eau.
À quelques jours de la conférence de Doha, je ne peux pas ne pas insister sur ce qui constitue selon nous la première des politiques de prévention, à savoir la lutte contre le dérèglement climatique, qui constitue, cela a été souligné par le GIEC, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, juste avant la précédente conférence, celle de Durban, un amplificateur de catastrophes naturelles. Or il est admis, est-il nécessaire de le rappeler, que le coût des mesures de prévention du changement climatique est moindre que celui des réparations. La tempête Sandy, qui vient de frapper la ville de New York et a occasionné 20 milliards de dollars de dégâts, nous le rappelle cruellement. Nous devons donc nous adapter à des risques non seulement récurrents, dont certains sont encore dans nos mémoires si nous les y cherchons, mais aussi croissants. Tel est le sens de ce rapport. Dans ce cadre, ne perdons jamais de vue l’enjeu qu’est la réduction de nos émissions de CO2, qui doit rester une priorité.
Un autre enjeu fondamental, assez peu évoqué lors des interventions précédentes, est celui de la maîtrise foncière. La ressource foncière fait l’objet de tensions de plus en plus fortes et la concurrence des usages est accrue dans les zones fortement attractives. C’est le cas dans le Var, où, entre 1982 et 2011, la population a augmenté de 43 %. Outre le défaut d’entretien des cours d’eau, le ruissellement urbain et l’imperméabilisation des sols sont des facteurs qui aggravent les inondations.