Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les inondations survenues dans le sud-est de la France en juin 2010 et en novembre 2011 nous rappellent malheureusement que personne n’est à l’abri d’une catastrophe naturelle.
Les habitants de ce territoire frappé durement par des précipitations intenses ont perdu leurs maisons, leurs biens, leurs lieux de vie. La vie locale – maisons, commerces, arbres, automobiles, routes, équipements – a été balayée d’un revers de main.
En dépit de la rapidité des secours, de la présence des autorités de l’État, des élus locaux et des bénévoles, qui ont permis de sauver des vies et dont le travail doit être salué, les inondations ont causé des dégâts importants et de nombreux drames.
Cette mission commune d’information, soutenue par le groupe du RDSE, et l’excellent travail du rapporteur Pierre-Yves Collombat permettent de revenir sur ces tragédies, mais plus encore de mieux prévenir de tels risques et de mieux gérer pareilles situations de crise.
Comme cela a été souligné, nous pouvons nous étonner de l’amnésie collective qui joue dans ces circonstances, et ce quelques mois seulement après la catastrophe. Oublier ces inondations revient à effacer le risque qui pèse sur nos concitoyens et sur nos territoires et à retarder la mise en place d’une politique de prévention efficace.
À l’instar du Var et de nombreux autres départements, ma commune de Saint-Chinian, dans l’Hérault, a connu une terrible inondation dans la nuit du 12 au 13 septembre 1875. Cette nuit-là, on a compté quatre-vingt-dix-sept victimes, cent quarante-neuf maisons détruites et trois cents habitations à détruire à la suite des dégâts qu’elles avaient subis. De plus, deux cents familles furent condamnées à vivre dans la misère à la suite de la destruction du tissu industriel de la commune.
Ainsi que nous le conseille le présent rapport, le fait d’indiquer simplement le niveau de la crue sur certains bâtiments des communes permet de garder en mémoire ces terribles événements. De nombreuses communes ont gravé ces traits, à l’image de ce qui avait été réalisé sur un pilier intérieur de l’église de Saint-Chinian. Il est bien dommage que, plus d’un siècle plus tard, nous constations que les inondations provoquent encore des disparitions humaines. Seule la culture du risque pourra nous épargner la reproduction des mêmes erreurs.
En juin 2010, vingt-trois morts et deux disparus sont à déplorer à la suite d’inondations présentant un caractère exceptionnel. En novembre 2011, quatre victimes étaient encore à déplorer pour un événement dont les caractéristiques étaient pourtant plus classiques.
Il nous faudra maintenant tirer les leçons de la politique des inondations dans notre pays. Tel est précisément l’objet de ce rapport.
L’action préventive vise à limiter les dommages causés par les catastrophes naturelles comme les coûts financiers qui en résultent. Les dégâts provoqués par les inondations de 2010 s’élèvent à 1, 2 milliard d’euros. Ces dégâts se sont élevés entre 500 millions d’euros et 800 millions d’euros en 2011.
Or la prévention n’est pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse de la prévention et de l’alerte, de l’organisation des secours, de la définition et de l’urbanisation de zones inondables, de la gestion des cours d’eau, de la construction et de l’entretien d’ouvrages de protection des crues. Aucun de ces éléments n’est au point alors que les inondations deviennent plus fréquentes avec l’aggravation du changement climatique.
Le rapport de la Cour des comptes sur les enseignements des inondations sur le littoral atlantique et dans le Var, publié en juillet 2012, démontre que la politique des inondations n’est pas non plus au point dans le sud-ouest de la France. Ainsi, la réflexion sur les pistes d’amélioration doit être menée sur le plan national.
Bien que nous ayons conscience des effets aggravants de l’artificialisation des sols par l’excessive urbanisation des zones inondables, la pression démographique a toutefois conduit les communes à autoriser la construction de nombreux bâtiments. Je rejoins les conclusions du rapport, qui préconisent le renforcement du contrôle de légalité du préfet avec une réelle instruction des dossiers sur le fond.
Les plans de prévention des risques d’inondation, les PPRI, adoptés par le préfet après enquête publique et avis des conseils municipaux, déterminent les zones du territoire exposées au risque d’inondation et s’imposent théoriquement aux documents d’urbanisme présents et futurs. Cependant, les pressions locales liées à l’évolution démographique et au développement de l’activité locale ignorent ces outils de prévention indispensables. Pour preuve, dans ma commune, j’ai refusé dernièrement un permis de construire pour une habitation située en zone inondable. Je viens d’apprendre que le propriétaire sollicitant le permis avait déposé un recours devant le tribunal administratif.
En outre, de nombreux PPRI n’ont pas été adoptés dans leur totalité, ce qui pénalise doublement les victimes des inondations, car les assurances procèdent à l’augmentation des franchises en l’absence de PPRI sur une commune.
Par ailleurs, les documents d’urbanisme devront être actualisés pour tenir compte des évolutions rapides de l’urbanisation dans ces territoires. La Cour des comptes recommande ainsi de rendre contraignante leur actualisation.
La mission d’information a pu également constater l’implantation de services de secours en zone inondable. Aussi est-il urgent de les recenser et de les transférer dans d’autres zones, dans la mesure du possible.
D’autres mesures telles que l’entretien des ouvrages de protection – digues, bassins de rétention, réseaux d’évacuation des eaux – sont urgentes, mais cela coûte très cher. Cela étant, malgré les cofinancements que les collectivités peuvent obtenir, le reste à charge est souvent démesuré au regard du budget des communes.
En ce qui concerne l’entretien des cours d’eau, un partage équilibré des responsabilités doit également être établi. Si la police de l’eau est essentielle à la protection de la ressource, elle ne doit pas constituer un obstacle à l’entretien des cours d’eau non domaniaux en interdisant leur curage. Les propriétaires riverains sont tenus de les entretenir en application du code de l’environnement, mais la tâche s’avère difficile avec la nécessité d’obtenir une autorisation préalable. En conséquence, les collectivités locales se substituent au rôle des propriétaires riverains alors qu’elles ne disposent pas des moyens financiers, qui sont de plus en plus difficiles à obtenir.
Le risque « inondation » engendre un coût élevé pour les finances publiques. Cependant, ce coût restera moins élevé si les dépenses sont consacrées en amont au financement d’une politique efficace de la prévention au bénéfice de la sécurité des biens et des personnes. C’est pourquoi nous espérons que la prochaine loi de décentralisation rétablira un équilibre des rôles et des responsabilités de chacun des acteurs, à savoir l’État, les collectivités territoriales et les compagnies d’assurance.