Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Juridictions de proximité — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, personne ne niera ici, et les premières interventions l’ont confirmé, que la situation actuelle de nos juridictions, en particulier celle des juridictions de proximité et des tribunaux d’instance, avait été prédite.

Les alertes n’ont pas manqué. En témoignent les rapports des juges d’instance, les écrits de l’Association nationale des juges d’instance, ceux des organisations syndicales ainsi que les nombreux courriers envoyés à votre prédécesseur, madame la ministre.

Cette situation calamiteuse avait également été annoncée par les sénateurs de gauche. Notre ancienne collègue Nicole Borvo Cohen-Seat avait ainsi alerté à de nombreuses reprises l’ancienne majorité sur les dangers de cette méthode visant à réformer la justice par « petits bouts », dont le seul objectif était en réalité d’éviter de traiter des vrais enjeux de la justice.

Depuis le début, notre position est claire, et elle le demeure : la seule juridiction de proximité qui doit exister est le tribunal d’instance ; les juges de proximité doivent donc être les juges d’instance.

Le groupe CRC s’était opposé à la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qui, en créant les juridictions de proximité, a ajouté, de fait, une troisième juridiction de première instance à côté des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Nous avions alors souligné la complexité juridique dont pâtiraient les justiciables du fait de l’application de cette loi et critiqué les choix de la majorité et du gouvernement de l’époque, qui ont préféré retirer des compétences aux juges d’instance au profit des nouveaux juges de proximité plutôt que de doter les tribunaux d’instance des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.

Cette réforme ayant échoué six ans seulement après son adoption, la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles est venue supprimer les juridictions de proximité, tout en prévoyant que cette suppression ne serait effective qu’à compter de janvier 2013.

Les sénateurs s’étaient alors opposés à cette suppression des juridictions de proximité en raison du manque de moyens prévisibles des tribunaux d’instance, mais le gouvernement avait donné sur ce point le dernier mot à l’Assemblée nationale. L’analyse développée par le Sénat, et que nous partagions, s’appuyait notamment sur le constat selon lequel les tribunaux d’instance ne disposeraient pas des effectifs nécessaires pour absorber le contentieux civil dévolu jusqu’alors aux juridictions de proximité.

Nous voilà donc aujourd’hui, comme en 2011, contraints de maintenir pendant quelques années encore un système dont nous ne voulions pas. Mis au pied du mur, il nous faut agir dans l’urgence pour éviter que la situation ne se dégrade davantage.

L’objet de la présente proposition de loi est de pallier rapidement le manque d’anticipation par le gouvernement précédent des conséquences de la suppression des juridictions de proximité. Ce texte prend bien évidemment en compte la charge supplémentaire de travail que représenterait pour les juges d’instance, déjà victimes d’un effet de ciseaux, la reprise de ce contentieux civil. Ces magistrats ont en effet vu leurs effectifs diminuer tandis qu’augmentait dans le même temps leur charge de travail, du fait des nombreuses réformes entreprises : réforme catastrophique de la carte judiciaire ; transfert du contentieux du surendettement aux tribunaux d’instance ; report différé d’un an, dans des conditions surréalistes, du transfert du service des tutelles des mineurs aux tribunaux de grande instance, et j’en passe.

Il s’avère nécessaire, dans un tel contexte, de prolonger de deux ans le maintien en fonction des juridictions de proximité. Nous voterons donc cette proposition de loi, …

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