Vous souhaitez des juges de proximité. J’ai rappelé quelles conditions de recrutement et, surtout, de nomination nous prévoyons. Je vous propose que nous en reparlions au cours d’une séance de travail pour voir cela de plus près.
L’essence de la première instance, c’est la conciliation, dites-vous. C’est vrai que dans le cadre des contentieux de masse nous nous rendons compte qu’il y a une nouvelle réflexion à mener. Il a tout de même existé une culture de la conciliation et de la médiation dans notre pays, mais les choses se sont peu à peu diluées avant de se dissoudre tout à fait.
Je crois qu’une forte demande sociale existe en faveur d’un retour de la médiation et de la conciliation, mais encore faut-il bien préciser les choses, car les désaccords surgissent lorsqu’il s’agit de dire quels contentieux sont concernés par la conciliation et selon quelles procédures ? Cela étant, j’ai bien compris que votre propos était un peu différent et que vous vous attachiez plus à la finalité de la première instance qu’aux procédures de conciliation et de médiation elles-mêmes.
J’ai entendu votre besoin d’une grande et belle loi sur l’organisation judiciaire. C’est un plaidoyer auquel je souscris. Je porte la responsabilité de présenter un tel texte, mais je sais que je pourrai m’appuyer sur vos travaux, vos réflexions et vos divers rapports pour que nous aboutissions ensemble à cette grande et belle loi. Je dis cela sans vanité aucune : il s’agit simplement d’une condition essentielle pour faciliter la vie de nos concitoyens de manière durable.
Madame Benbassa, j’ai évidemment été très sensible à votre souci de placer le justiciable au premier rang de nos préoccupations. C’est bien là tout le sens du service public de la justice. Si nous sommes souvent accaparés par des besoins de restructuration interne et d’organisation ou par des réponses urgentes à apporter aux différents métiers de la justice – magistrats, greffiers, fonctionnaires, avocats, notaires, huissiers –, nous ne devons jamais perdre de vue que c’est pour les justiciables que nous œuvrons. Parmi eux, les plus démunis, et pas seulement les plus démunis financièrement, constituent notre première préoccupation, car ils ne peuvent se tourner que vers la justice pour appeler au secours. Je vous remercie de votre intervention, que je partage pour l’essentiel.
Monsieur Hyest, j’ai pris bonne note de vos propos sur la Grande-Bretagne, qui ont d’ailleurs été confirmés par Jean-Pierre Michel.
Nous avons nos contradictions et nos ambivalences, j’en conviens. Si elles peuvent transparaître dans les œuvres humaines, c’est aussi ce qui en fait à la fois la faiblesse et la grandeur. Nous voulons mettre le citoyen au cœur de certaines institutions mais pas dans d’autres et pas à n’importe quelle place... Nous ne savons pas non plus quelles responsabilités et quelles tâches lui demander d’assumer. C’est tout le paradoxe que vous évoquiez à propos des délits et des crimes. Reste que je pense comme vous qu’il est utile que les citoyens entrent dans l’institution judiciaire pour y apporter leur connaissance de la vie et de la société et contribuer à l’œuvre de justice.
Sur la question des citoyens assesseurs et des réticences qui se sont fait jour à leur égard, sachez que j’ai décidé en juin 2012 – Mme la rapporteur et Mme Cukierman l’ont rappelé – de mettre un terme non pas à l’expérimentation en cours dans les ressorts de Dijon et de Toulouse mais à son extension décidée par décret deux ou trois mois plus tôt, ce qui me paraissait prématuré. Avant de prendre ma décision, j’avais réuni à la Chancellerie les chefs de cour de Dijon et de Toulouse pour qu’ils me fassent connaître leur bilan.
Il est apparu que cette expérimentation créait des problèmes dans le fonctionnement des juridictions. Inclure des citoyens assesseurs au cœur des juridictions et constater, au bout de quelques mois, que les audiences se prolongent, qu’elles sont plus compliquées, que plusieurs procédures ont pris du retard, que le ressort est désorganisé, qu’il y a des problèmes de coût et qu’il faut recruter davantage de magistrats, n’a rien d’absolument extraordinaire ni de surprenant.
Il est donc indispensable de prendre le temps d’évaluer ses effets avant d’étendre l’expérimentation. C’est le sens de la décision que j’ai prise, et je l’applique de manière rigoureuse : j’ai mis en place un dispositif pour poursuivre l’évaluation de cette expérimentation à Dijon et à Toulouse, dont le bilan a été établi il y a quelques jours, et j’ai demandé à deux magistrats de la Cour de cassation de porter une appréciation qualitative, et non pas seulement quantitative. D’ici à la fin de l’année, je serai en mesure de voir si cette expérimentation mérite d’être étendue.
La présence des citoyens assesseurs, c’est-à-dire de la société civile, dans les juridictions est une bonne chose, mais elle ne doit pas contribuer à fragiliser le fonctionnement de cette institution ni, puisque le justiciable est notre principal souci, à rendre la justice à la fois moins accessible et plus lente.
Sur la question de la simplification des procédures, je partage votre avis : notre dispositif législatif est devenu plus complexe ces derniers temps, plus sophistiqué, sous l’influence d’abord d’une fabrication législative parfois désordonnée, voire incohérente, ensuite sous l’influence de notre appartenance à l’Union européenne. Le poids des directives et des règlements européens ainsi que celui de nos différents engagements internationaux, accords bilatéraux compris, ont des effets considérables sur notre législation et sur le fonctionnement de notre appareil judiciaire.
Nous devons faire en sorte que le justiciable ne soit plus déçu par un jugement, en tout cas pour des raisons de procédure car il y a toujours une partie insatisfaite…