Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Juridictions de proximité — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Monsieur Michel, je vous remercie de la confiance que vous me témoignez. J’y suis extrêmement sensible et je mesure le poids qui pèse sur mes épaules. Je me donne à moi-même l’obligation de faire en sorte que l’institution judiciaire soit réhabilitée, qu’elle soit modernisée, qu’elle soit réorganisée et que nous réussissions à rendre la justice plus accessible et plus efficace sur tous les types de contentieux, et à mettre plus de cohérence dans les procédures.

Je me suis imposé de faire le mieux possible au cours des cinq ans qui viennent. La confiance que vous exprimez me l’impose plus fortement encore. Je l’avoue, j’ai confiance en notre succès. J’observe en effet toute la richesse des expériences accumulées, la grande qualité des réflexions portées sur celles-ci, que ce soit par les professionnels, les parlementaires, les élus locaux ou les personnels qui gravitent au cœur même de la justice, notamment le personnel pénitentiaire. Je travaille de plus en plus à l’unité de l’institution judiciaire. Ce ne sont pas des mondes à part ; c’est un seul service public.

Surtout, ce qui est au moins aussi précieux que cette expérience et cette réflexion sur l’expérience, c’est la disponibilité. Nous y arriverons parce que les parlementaires, les élus, les magistrats et les personnels, qui défendent une très belle ambition pour la justice, ont cette grande disponibilité.

S’agissant de la carte judiciaire et de la répartition des compétences, je vous ai également entendu, monsieur Michel. Il faut revoir d’abord la répartition des compétences et le rôle du juge en matière de médiation et de conciliation, sujets que j’ai développés précédemment.

Vous avez dit que votre idée d’une seule juridiction de premier ressort n’emportait pas la majorité pour l’instant. Cela étant, c’est un peu le principe du tribunal de première instance.

Je vais lancer une expérimentation des tribunaux de première instance, puisque je travaille, je vous l’ai dit, à la modification du périmètre des contentieux. Si je souhaite procéder ainsi, c’est parce qu’il faut que la juridiction participe réellement à cette expérimentation et que les élus locaux puissent donner leur avis. Quant aux justiciables, ils doivent être spécialement sensibilisés à cette organisation particulière de la justice

J’ai donc déjà lancé une étude – je la voulais de trois mois, mais il semble qu’une durée plus longue soit nécessaire – pour déterminer les ressorts où sera menée l’expérimentation des tribunaux de première instance.

Les observations du Conseil d’État sur certaines juridictions, là où des anomalies fortes ont été constatées à la suite de l’application de la carte judiciaire, là où il n’y a pas eu rétablissement du tribunal, constitueront pour nous un point d’ancrage. Je proposerai en priorité à ces ressorts l’expérimentation d’un tribunal de première instance. Nous verrons ce qu’il en sortira.

J’ajouterai que les problématiques liées au pôle famille et au code de l’enfance sont tout à fait intéressantes. Doit-on regrouper, soit dans un même code tout ce qui concerne l’enfance du point de vue de son intégrité, soit dans une même juridiction tout ce qui peut concerner la famille ?

Selon moi, deux notions doivent être considérées de façon très attentive. La première, c’est celle du regroupement thématique, qui permet de construire un univers particulier en lui donnant de la cohérence. La deuxième, qui n’est à mon avis ni dérisoire ni négligeable, c’est celle de la transversalité, afin de prendre en compte la pluralité et la complexité des situations d’une même entité, qu’il s’agisse de l’enfant ou de la famille.

Quoi qu’il en soit, ces pistes de réflexion sont intéressantes, et je suis sûre que le Sénat apportera, comme à son habitude, un riche matériau pour l’alimenter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si, par inadvertance, j’ai omis de répondre à quelques-unes de vos observations, n’hésitez pas à me le signaler. Je m’engage à vous répondre par courrier ou par le biais de mes conseillers parlementaires. Vous le savez, je suis moi-même à votre portée au moins une fois par semaine et joignable par téléphone chaque fois que vous le souhaitez.

Pour conclure, je tiens à remercier Mme la rapporteur de l’excellent travail qu’elle a mené au nom de la commission des lois et M. Sueur de sa très judicieuse initiative, qui rendra service à nos juridictions et alimentera la réflexion en vue de décisions éclairées concernant l’organisation judiciaire.

Ce texte nous permet de nous engager vers une conception globale de la justice civile, afin de renforcer son efficacité et son utilité pour nos concitoyens. La détermination avec laquelle je vous ai entendus formuler vos observations et vos suggestions me convainc que nous pourrons concevoir la meilleure organisation possible. Une fois de plus, je vous dis toute ma gratitude pour le travail réalisé. Je n’insiste pas davantage, car vos méthodes et la densité de vos travaux me contraindront très souvent à vous exprimer un tel sentiment.

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