Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
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Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Si cet amendement est sans doute un cavalier, il n’en présente pas moins un intérêt fondamental pour nos concitoyens.

Nous sommes profondément attachés à résoudre les problèmes de la justice pénale, car il y va, dans bien des cas, de la liberté de nos concitoyens. Or, depuis quelques années, l’accès à la justice pénale, qu’il s’agisse des victimes ou de ceux qui sont poursuivis, pose manifestement un réel problème de défense pénale, aggravé par un certain nombre de dispositions. Aussi souhaiterais-je que vous puissiez nous apporter, madame la garde des sceaux, des réponses précises, mes questions écrites étant jusqu’ici restées lettre morte.

Nous nous souvenons tous du consensus qui avait suivi les résultats de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau.

La loi du 5 mars 2007 avait ainsi introduit deux novations destinées – c’est ce qui était annoncé à l’époque – à mettre fin au splendide isolement du juge d’instruction : les pôles de l’instruction et la collégialité de l’instruction. Le garde des sceaux de l’époque, Pascal Clément, avait expliqué à cette tribune que ces deux dispositifs dans les affaires les plus complexes constituaient un renforcement des garanties accordées aux justiciables et aux victimes. Mais il notait déjà que l’entrée en vigueur de l’ensemble de la réforme nécessiterait des moyens budgétaires et humains colossaux, dont 240 postes de magistrats et 400 postes de fonctionnaires de greffe supplémentaires.

Cinq ans et demi plus tard, quel bilan peut-on tirer de cette double réforme ?

La mise en œuvre de la collégialité de l’instruction a été reportée à deux reprises, dont une fois au détour d’une loi de finances – il faut le rappeler quand on parle de cavaliers ! -, pour entrer hypothétiquement en vigueur au 1er janvier 2014. Or les problèmes mis en avant par Mme Alliot-Marie et relatifs au coût de la réforme s’étaient posés exactement dans les mêmes termes au moment du vote de la loi de 2007. C’était d’ailleurs l’une des raisons qui avait poussé le Parlement à laisser plusieurs années à la Chancellerie pour la préparer. Certes, le projet de loi de finances pour 2013 prévoit la création de 10 postes supplémentaires de juges d’instruction en vue de préparer l’entrée en vigueur fixée à 2014. Vous comprendrez toutefois, madame la garde des sceaux, qu’il n’y a là rien pour nous rassurer.

S’agissant des pôles de l’instruction, dont la loi de 2007 prévoyait initialement de doter chaque département, le bilan est également négatif et a même été aggravé par la réforme de la carte judiciaire. Qu’il ait été nécessaire de revoir l’implantation des juridictions, nous en convenons, mais pas au prix de la création de déserts judiciaires, comme c’est incontestablement le cas aujourd’hui.

L’évolution des effectifs des juges d’instruction a contrarié les objectifs recherchés par le législateur. Le nombre de postes localisés a baissé de 13, 32 % en trois ans, soit 83 postes, et près de 32 pôles sur les 92 existants disposent de deux postes d’instruction seulement, alors que trois sont nécessaires, selon la circulaire de localisation des emplois pour 2012.

Ainsi, les affaires relevant du ressort du tribunal de grande instance de Rodez en région Midi-Pyrénées – ce n’est pas dans ma circonscription – dépendent du pôle de l’instruction de Montpellier, situé en région Languedoc-Roussillon et distant de 175 kilomètres, soit plus de deux heures et demie de route. L’exercice de la justice pénale connaît une situation véritablement catastrophique !

À l’évidence, les pôles de l’instruction tels qu’ils existent ne peuvent remplir la mission qui leur avait été assignée et contribuent même, paradoxalement, pour les justiciables, à l’éloignement de la justice.

En déposant cet amendement, nous souhaitions simplement connaître vos intentions, madame la garde des sceaux, car il s’agit d’un problème de plus en plus préoccupant, relevé par beaucoup de professionnels et de nos concitoyens, dans un nombre important de départements. Certes, il ne s’agit pas des départements les plus peuplés, mais au regard de l’objectif d’égalité des territoires et des citoyens, la situation semble vraiment problématique.

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