Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Accord de coopération avec l'algérie dans le domaine de la défense — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de débattre d’un texte qui entend enfin construire un partenariat bilatéral tourné vers l’avenir.

L’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire doit ouvrir une nouvelle ère dans les relations franco-algériennes.

Ce texte, aboutissement d’un processus lancé en 2003, a été signé par nos deux pays le 21 juin 2008. Il marque une étape importante dans la mise en place d’un nouveau partenariat stratégique entre l’Algérie et la France, puisque la coopération bilatérale ne reposait jusqu’alors que sur la convention de coopération technique du 6 décembre 1967.

En effet, la coopération circonscrite par ce nouvel instrument couvre un large domaine, défini à l’article 2 du titre Ier, « Objets et formes de la coopération ». Elle concerne notamment la stratégie, la lutte antiterroriste, la formation des personnels, la tenue d’escales navales, la santé militaire, la technologie et la recherche scientifique.

Le pilotage de cette coopération est assuré par la mise en place d’une commission mixte franco-algérienne dont les dispositions sont précisées à l’article 3.

Toutefois, ne commettons pas de contresens : cet accord entre nos deux pays n’est pas une alliance militaire, mais bien une coopération dans le domaine de la défense. À ce titre, au travers de ses dix-sept articles, ce texte revêt une importance stratégique de premier ordre.

En outre, même si aucune disposition ne concerne directement la problématique de la zone sahélienne, et de la crise malienne en particulier, il est évident que l’Algérie est un acteur incontournable dans tout processus d’apaisement des tensions à l’échelle de cette région.

Dotée de robustes institutions de défense, l’Algérie dispose de renseignements et d’une expertise en contre-terrorisme pour avoir combattu pendant dix ans le groupe islamique armé, et d’une influence auprès des Touaregs pour avoir plusieurs fois facilité des pourparlers entre l’État malien et la rébellion.

Il faut rappeler que, depuis avril, des membres d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, leurs alliés touaregs d’Ansar Dine et les djihadistes du mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest, ou MUJAO, sont présents dans le nord du Mali et souhaitent imposer une partition de ce pays, qui partage plus de 1 400 kilomètres de frontière avec l’Algérie.

Il est aussi nécessaire de garder à l’esprit que le Sahel est devenu un haut lieu de trafics en tout genre, en particulier d’armements depuis le conflit libyen en 2011.

Cependant, si cet accord est d’un intérêt stratégique majeur, il reste à mes yeux imparfaits, car dépourvu d’articles spécifiques liés à la problématique environnementale. Plus précisément, l’absence d’un volet proprement environnemental, établissant un mécanisme de prévention écologique des conflits au sein de l’article 2, constitue une faiblesse non négligeable de ce texte.

Mes chers collègues, en matière de défense et de géopolitique, la question environnementale n’est pas accessoire. Elle revêt même une dimension stratégique essentielle. En effet, dans les années à venir, si l’on en croit Harald Welzer dans son ouvrage Les Guerres du climat, « de plus en plus d’hommes disposeront de moins en moins de bases pour assurer leur survie. Des conflits violents opposeront tous ceux qui prétendront se nourrir sur une seule et même portion de territoire ou boire à la même source en train de se tarir. Bientôt la distinction entre les réfugiés fuyant la guerre et ceux qui fuiront leur environnement, entre les réfugiés politiques et les réfugiés climatiques […] ne sera plus pertinente, tant se multiplieront des guerres nouvelles générées par la dégradation du milieu ».

Ainsi, la crise environnementale du Sahel illustre parfaitement cette problématique et souligne l’importance de la mise en place d’un dispositif de prévention écologique des conflits.

Comme le rappelle l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la menace conjuguée de la sécheresse, de la hausse des prix des denrées alimentaires, des déplacements de population et de la pauvreté chronique touche en 2012 des millions de personnes, alors qu’une nouvelle crise alimentaire est aux portes de la région du Sahel.

L’insécurité alimentaire et la malnutrition sont récurrentes dans la région avec plus de 16 millions de personnes directement menacées cette année.

La sécheresse a réduit la production céréalière du Sahel de 26 % par rapport à l’année dernière. De graves pénuries de fourrage conduisent à la transhumance précoce et à des changements dans les voies empruntées par le bétail, ce qui amplifie les tensions entre communautés et aux frontières.

La situation est aggravée par les prix élevés des denrées alimentaires et une diminution des envois de fonds en raison de la crise économique mondiale et du retour des migrants en provenance de Libye. La détérioration de la sécurité dans les zones du nord du Sahel aggrave encore plus la situation.

Protéger les moyens d’existence des ménages les plus vulnérables ; renforcer la résilience des éleveurs, des agro-pasteurs et des agriculteurs ; appuyer la gestion et la conservation des ressources naturelles comme l’eau, les arbres et le sol ; mettre en œuvre des interventions d’urgence intégrées pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en direction des familles les plus vulnérables, en particulier les femmes ; renforcer la gestion et la réduction des risques de catastrophe aux niveaux local, national et régional ; soutenir la coordination et renforcer enfin la gestion de l’information sur la sécurité alimentaire et les systèmes d’alerte précoce : telles sont, notamment, les priorités pour la région.

Des capacités d’intervention rapide sont nécessaires pour empêcher une nouvelle détérioration de la situation de la sécurité alimentaire et éviter une crise alimentaire et nutritionnelle à grande échelle. Outre les activités d’urgence et de réhabilitation, des interventions à moyen et long terme sont nécessaires pour inverser enfin le cycle de pénuries alimentaires et de crises dans le Sahel et s’attaquer à la vulnérabilité structurelle.

Mes chers collègues, il est essentiel de comprendre, je ne le répéterai jamais assez, que la paix et le développement durable sont intimement liés.

Ces réserves faites, je voterai en faveur de ce traité, qui ouvre une nouvelle ère, je l’espère tournée vers l’avenir, dans les relations entre nos deux pays.

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