Intervention de Christian Cambon

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Accord de coopération avec l'algérie dans le domaine de la défense — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cinq ans après le début des négociations, la France et l’Algérie ont enfin trouvé un cadre juridique satisfaisant pour coopérer en matière de défense. Conclu sous la présidence de Nicolas Sarkozy, cet accord de coopération, avec les responsabilités qui en découlent, mérite la plus grande attention de part et d’autre de la Méditerranée.

En effet, avec plus de 35 millions d’habitants et un territoire de 2 millions de kilomètres carrés, l’Algérie est l’un des plus vastes États africains, dont la situation géostratégique est singulière. Tant par son ouverture sur la Méditerranée que par ses frontières communes avec le Mali, la Libye, le Niger, le Maroc et la Tunisie, l’Algérie demeure une puissance régionale incontestable.

Une puissance qu’elle a également acquise en matière de défense, à laquelle l’Algérie consacre 3, 3 % de son PIB – en ces temps de disette économique et à l’heure où les Européens rabotent leurs budgets consacrés à la défense, ce budget est évidemment remarquable et nous laisse parfois rêveurs.

Cet investissement important de défense permet ainsi à ce pays de disposer d’une armée professionnelle, entraînée et bien équilibrée de 400 000 hommes. Grâce à cette capacité d’intervention militaire significative, l’Algérie participe naturellement à bon nombre de coopérations multilatérales dans le domaine de la défense.

L’Algérie est partie prenante à l’initiative « 5+5 défense » depuis 2004, qui associe cinq États du nord de la Méditerranée – France, Espagne, Italie, Portugal et Malte – et cinq États du sud – Algérie, Maroc, Tunisie, Mauritanie et Libye. L’Algérie joue à ce titre un rôle essentiel dans la sécurité de cette région.

Elle est par ailleurs membre de l’Union africaine, au sein de laquelle elle a participé à la création de la force africaine en attente, ou FAA, qui doit être opérationnelle en 2015, ce projet visant à assurer la paix, avec notamment une force d’intervention d’urgence déployable rapidement en cas de crise grave sur l’ensemble de continent.

Je tiens également à rappeler que, malgré des moyens plus modestes, l’Algérie est membre du dialogue méditerranéen de l’OTAN, le DM, et qu’elle est représentée dans les instances de l’Alliance atlantique par le biais d’un ambassadeur à Bruxelles. Cela montre l’importance du rôle joué par l’Algérie dans ce secteur géographique de la planète.

De plus, l’Algérie a développé des relations militaires bilatérales avec des pays aussi importants que la Russie, le Royaume-Uni et la Turquie, et vingt-cinq pays ont installé des attachés militaires à Alger.

Enfin, et nous ne pouvons que nous en féliciter, en 2010, un comité d’état-major opérationnel conjoint, le CEMOC, a été créé entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Celui-ci, installé à Tamanrasset, a pour objectif de lutter contre le crime organisé et le terrorisme. Vous en conviendrez, mes chers collègues, il y a beaucoup à faire dans cette partie du monde.

Aussi était-il plus que temps qu’un partenariat de défense intervienne entre la France et l’Algérie, car, comme l’a très justement souligné notre excellent rapporteur, Christian Namy, ce texte succède à un accord de coopération technique militaire qui datait du mois de décembre 1967, et dont les dispositions étaient à l’évidence dépassées.

La convergence entre le France et l’Algérie est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un pays avec lequel beaucoup nous unit et, paradoxalement, beaucoup nous divise en même temps. Nous devons réussir à décomplexer nos relations bilatérales, qui ont trop souffert de gestes et de mots rouvrant à chaque fois les blessures passées.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de me réjouir, au nom de notre groupe, de la ratification de cette convention, qui doit permettre au Président de la République de se rendre à Alger au mois de décembre avec un accord qui place, enfin, les relations franco-algériennes sous un nouveau jour et ouvre une nouvelle page de la coopération entre nos deux pays. C’est du moins ce que nous espérons.

Je note au passage que le Sénat aura beaucoup contribué à ce que nous espérons être la réussite du voyage du Président de la République en Algérie, en adoptant la proposition de loi sur la reconnaissance du 19 mars 1962 comme date officielle de la fin des hostilités en Algérie et, aujourd’hui, en autorisant l’approbation – je le souhaite en tout cas – de cet accord de défense. Nous formulons beaucoup d’espérance dans ce voyage présidentiel et nous espérons que le chef de l’État reviendra avec des résultats importants.

Notre groupe votera donc ce texte, mais souhaite formuler quelques recommandations.

Il serait notamment souhaitable que le Président Hollande incite bien évidemment l’Algérie à s’impliquer plus directement et plus clairement dans l’affaire du Sahel, comme l’ont rappelé les orateurs précédents.

Cette implication nous semble indispensable à l’émergence d’une future solution. Personne n’imagine qu’une solution puisse être trouvée sans que l’Algérie joue tout son rôle dans la résolution de ces conflits. Par ailleurs, vous permettrez au président du groupe d’amitié France-Maroc de souhaiter que l’Algérie prenne aussi des initiatives pour résoudre le différend qu’elle entretient de longue date avec le Maroc, ce qui pourrait conduire à une ouverture de la frontière commune. Je rappelle que 160 000 soldats marocains sont affectés à la garde de cette frontière, alors qu’ils seraient plus utilement employés à lutter contre les mouvements terroristes sévissant dans la région.

De même est-il temps que soit prise en compte la situation des quelque 150 000 réfugiés regroupés dans le camp de Tindouf et qui subsistent dans des conditions humanitaires vraiment préoccupantes, pour ne pas dire lamentables.

Monsieur le ministre, notre relation bilatérale doit solder les dossiers du passé pour mieux résoudre les difficultés actuelles et regarder vers l’avenir.

À l’occasion d’une interview accordée au Journal du dimanche, le 21 octobre dernier, vous avez déclaré : « Il faut qu’avec l’Algérie nous puissions tourner la page ensemble, ce qui signifie que les Algériens soient eux aussi capables de faire des gestes. » Nous souhaitons saluer ces propos.

Il faudra donc que, à Alger, le Président de la République discute avec les Algériens d’une urgence de stabilité au Sahel. C’est bien là l’un des résultats essentiels que nous attendons de cette future visite.

Le 8 novembre dernier, malgré un débat houleux, nous avons tous appelé de nos vœux l’établissement de nouvelles relations entre nos deux pays.

Ces accords de défense sont l’occasion d’écrire un nouveau chapitre de notre histoire.

Ce projet de loi, parce qu’il crée les conditions d’une coopération bilatérale en matière de défense dont l’objectif est la résolution des crises, représente une formidable occasion pour nos deux pays. En réalité, si chacun respecte ses engagements et assume ses responsabilités, c’est une promesse de paix supplémentaire qui sortira aujourd’hui de cet hémicycle.

Nul ne peut nier l’influence que peut exercer l’Algérie dans la crise malienne et dans la lutte contre AQMI. N’oublions pas qu’au cours de la décennie quatre-vingt-dix et, plus récemment, en 2007, Alger et l’Algérie en général ont été eux-mêmes la cible de vagues d’attentats meurtriers.

Le peuple algérien fut l’une des premières victimes de la lâcheté des djihadistes et des groupes tels que le mouvement islamique armé, le MIA, le groupe islamique armé, le GIA, et le groupe salafiste pour la prédication et le combat, le GSPC.

Avant de conclure, je souhaite appeler votre attention sur un dernier point. Le vent du printemps arabe souffle encore du Maghreb au Machrek. Les braises des révolutions sont encore incandescentes et les nouveaux régimes sont encore chancelants.

Sans jugement ni condescendance, nous ne pouvons qu’encourager ces transitions dans la mesure où elles expriment les attentes d’une génération dont la soif de liberté est proportionnelle à l’espoir et aux souffrances qu’elles ont endurées.

L’histoire n’a eu de cesse de le prouver : toutes les transitions politiques comportent leurs lots de violences et les révolutions sont souvent mères des pires excès.

Aussi, puisqu’en 2014 le peuple algérien se rendra aux urnes et que la succession du Président Bouteflika est d’ores et déjà ouverte, il importe que l’Algérie demeure un pôle de stabilité responsable, sans céder à d’obscures sirènes. Il y va de la paix dans toute l’Afrique.

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