Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Accord de coopération avec l'algérie dans le domaine de la défense — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet accord de coopération dans le domaine de la défense entre la France et l’Algérie est à la fois symbolique, très concrètement politique et purement technique.

Toutefois, c’est un simple accord de coopération dans certains domaines de défense ; ce n’est pas un traité entre nos deux pays. Il faut donc le relativiser et le considérer pour ce qu’il est : une coopération, somme toute réduite d’un strict point de vue militaire, mais donnant un cadre à de futurs développements.

J’apprécie pour ma part qu’il ne s’agisse pas d’un accord de défense classique, tels que nous en avons longtemps eu avec des États africains.

En effet, il ne prévoit en aucun cas l’aide ou l’assistance militaire de la France en cas de menaces ou d’agression contre l’Algérie. Il interdit aussi expressément au personnel militaire ou civil de l’une des parties présente, dans le cadre d’une coopération, sur le territoire de l’autre partie de prendre part à des opérations de guerre, à des actions de maintien ou de rétablissement de l’ordre, de la sécurité publique ou de la souveraineté nationale.

Nous rompons ainsi avec une très mauvaise tradition interventionniste de notre pays sur le continent africain, et ce point nous semble très important. Nous aurions également eu quelque réticence à accepter qu’un tel accord puisse renforcer le régime militaire et insuffisamment démocratique de l’Algérie.

Cet accord a une valeur symbolique en ce qu’il scelle une forme de réconciliation entre deux armées qui se sont à une époque durement combattues. Symbolique aussi est le fait que la France ratifie un accord de coopération militaire avec l’Algérie cinquante ans exactement après la fin de la guerre qui nous a opposés.

Une simple convention de coopération technique militaire, datant de 1967, constituait jusqu’ici le cadre principal de notre coopération bilatérale en matière de défense. Elle est aujourd’hui trop limitée pour répondre aux besoins de nos deux pays dans ce domaine.

Ainsi, elle ne prévoyait pas la possibilité d’exercices communs sur le territoire algérien, ni la mise en place d’une structure permanente de dialogue destinée à faciliter les échanges. En outre, son champ d’application ne couvrait pas le personnel civil du ministère de la défense, qui ne pouvait donc bénéficier de protection juridique dans le cadre d’une coopération technique.

C’est pour répondre à ces manques qu’un accord a été signé le 21 juin 2008, que l’Algérie a ratifié en mai 2009.

Néanmoins, cet accord a également pour vocation de permettre le développement de coopérations dans des domaines très divers : lutte antiterroriste, formation des personnels, organisation d’exercices conjoints, échange de vues et de renseignements, acquisition de systèmes d’armes, recherche scientifique et de technologie, ou bien encore santé militaire.

En réalité, il n’est que la normalisation d’une coopération militaire qui existe depuis plusieurs décennies, mais qui, en raison des séquelles de la douloureuse histoire commune à nos pays, était restée embryonnaire. Souvenons-nous qu’elle avait également été suspendue dans les années 1990 en raison de la situation intérieure troublée de l’Algérie.

Le principal mérite de cet accord réside donc dans les structures et le cadre juridique qu’il crée pour sécuriser et encadrer ces coopérations.

Il a un autre aspect, moins technique mais d’ordre politique et diplomatique : il reconnaît, entre nos deux pays, l’existence d’une communauté d’intérêts stratégiques dont la lutte contre l’implantation de groupes terroristes dans la région sahélienne. Il traduit aussi leur volonté partagée de promouvoir un partenariat constructif autour du bassin méditerranéen. En cela, il s’inscrit dans une nouvelle étape de la relation euro-méditerranéenne, dont la donne a changé à la suite de ce que l’on a pu appeler les « printemps arabes ».

Très concrètement, il est de l’intérêt bien compris de notre pays que l’Algérie demeure un État stable et bien intégré dans son environnement régional.

Ratifier cet accord revient aussi à admettre le rôle essentiel que ce pays peut jouer à l’avenir en matière de prévention des crises régionales. Il l’a déjà montré, par exemple en 2006, lorsque les Algériens s’étaient interposés entre les Touaregs et les autorités maliennes.

À cet égard, je voudrais citer un extrait de l’excellent rapport d’information du président de notre commission des affaires étrangères et de la défense sur la révision du Livre blanc sur la défense, qui soulignait le rôle déterminant de l’Algérie : « L’apaisement des relations avec le Maroc et le règlement de la question du Sahara occidental, l’approfondissement du processus de Bamako avec les pays du Sahel, sont autant d’enjeux pour la stabilité du Maghreb et la sécurisation du Sahel ».

Enfin, nous devons être conscients que nous avons besoin de l’Algérie. Il ne peut y avoir de solution à la situation de crise au nord du Mali sans accord politique, diplomatique et militaire des pays limitrophes. Sa capacité de médiation, d’influence, mais aussi sa connaissance et son expérience de la lutte contre les groupes armés qui sévissent dans cette région rendent l’Algérie incontournable dans ce dossier. Cette dernière peut également jouer un rôle décisif pour la libération de nos compatriotes détenus en otages par ces groupes.

Mes chers collègues, à la veille de la visite de la visite du Président de la République en Algérie, et pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe communiste, républicain et citoyen votera la ratification de cet accord de défense avec l’Algérie.

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