Intervention de Robert Hue

Réunion du 23 novembre 2012 à 9h30
Accord de coopération avec l'algérie dans le domaine de la défense — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert HueRobert Hue :

Les relations entre la France et l’Algérie reviennent aujourd’hui au cœur de nos débats. Les échanges sont sans aucun doute moins passionnels que ceux qui ont animé l’examen récent des deux textes visant à reconnaître la répression de la manifestation du 17 octobre 1961, et à entériner le choix du 19 mars comme date commémorant la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie.

Le projet de loi relatif à l’accord franco-algérien dans le domaine de la défense intervient opportunément après cette séquence qui, en creux, vise à réconcilier la France avec son passé.

En effet, comment envisager un véritable approfondissement de notre coopération avec l’Algérie sans la reconstruction d’une mémoire collective débarrassée de ses dissimulations ? Comment tisser des liens de confiance avec ce pays sans mettre en œuvre le devoir de vérité ?

En décembre 1981, François Mitterrand déclarait devant l’Assemblée populaire nationale algérienne : « Le moment que nous vivons prendra sa dimension si nos deux pays savent maîtriser les contentieux de l’histoire ». Il savait de quoi il parlait ! La France et l’Algérie se sont déchirées dans une guerre violente et traumatisante. C’est une réalité. Nous devions néanmoins franchir une étape. Nous l’avons fait, au cours de ces dernières semaines, en adoptant, sur l’initiative de la nouvelle majorité, les deux textes évoqués au début de mon intervention.

Le Sénat va ainsi contribuer à officialiser l’hommage si attendu aux victimes militaires et civiles de la guerre d’Algérie et permettre d’avancer sur la voie de l’amitié. Comme je l’ai déclaré dans cet hémicycle il y a exactement un mois : la reconnaissance lucide de ses erreurs par la République nous permet de regarder notre avenir commun avec l’Algérie, habités d’un sentiment de respect mutuel, d’une solidarité utile et de la volonté de mettre en place une coopération sincère.

Dans cette perspective, l’accord franco-algérien dans le domaine de la défense pourrait être un pont supplémentaire, parmi tous ceux qui relient déjà la France à l’autre rive de la Méditerranée. Nous sommes en effet déjà unis par un certain nombre de traités et d’accords. Malgré les tourments nés de l’aspiration légitime des Algériens à retrouver leur liberté, nos deux pays se sont employés très tôt à fonder une coopération dans les domaines économique, culturel et militaire.

Je reviens sur la défense, qui nous intéresse ce matin. La France et l’Algérie ont mis en place, deux ans seulement après les accords d’Évian, une mission militaire de liaison et de coordination. Celle-ci a été suivie, bien sûr, par la convention de coopération militaire et technique du 6 décembre 1967.

Certes, cette coopération est restée modeste, et elle a été victime, dans les années 1990, d’incompréhensions persistantes et de graves tensions politiques. Toutefois, un rapprochement est à l’œuvre depuis le début des années 2000, et je m’en félicite. Le déplacement très prochain en Algérie du Président de la République confirmera cette volonté d’établir un dialogue fructueux entre nos deux peuples.

Cet effort diplomatique est une nécessité. Nous partageons avec l’Algérie des intérêts stratégiques communs. La géographie, d’abord, rapproche nos deux pays, et leur confère des responsabilités communes dans l’espace méditerranéen. À cet égard, je rappellerai que l’accord du 21 juin 2008, que nous nous apprêtons à transposer, est déjà appliqué, s’agissant de l’organisation d’exercices conjoints. L’opération de surveillance et de sécurité maritime en Méditerranée baptisée « Raïs Hamidou » en est l’illustration.

Nous avons également en commun le souci de la lutte contre le terrorisme, qui figure à l’article 2 de l’accord. C’est un enjeu sécuritaire qui préoccupe nos deux pays depuis longtemps. Si notre territoire n’a pas connu récemment d’attentats de grande ampleur, le développement inquiétant des réseaux terroristes, en particulier d’Al-Qaida au Maghreb islamique, AQMI, justifie une coopération poussée entre les services de sécurité algériens et les services français compétents en la matière. Je souhaite que l’accord amplifie encore davantage cette coopération.

Enfin, l’Algérie est une pièce maîtresse dans la gestion des crises régionales. Comme vous le savez, mes chers collègues, Alger est particulièrement attendu sur le dossier du nord du Mali. Notre pays est bien sûr attentif à cette région, dont les soubresauts nous touchent directement, hélas, avec les détentions tragiques de ressortissants français, au nombre de sept depuis avant-hier.

L’influence de l’Algérie dans la région, qu’elle tire notamment de la puissance de son armée, n’est plus à démontrer, et la France a tout intérêt à coordonner dans cette zone sa diplomatie avec Alger. Néanmoins, il faut bien reconnaître que ce n’est pas toujours aisé.

En ce qui concerne le Mali, l’Algérie privilégie une sortie de crise négociée alors que la France a adopté une posture plus interventionniste et pousse à la mise en œuvre d’une force africaine. J’espère que la visite du Président de la République permettra de dégager une position convergente, même si l’on peut comprendre les réserves du président Bouteflika, dont le pays partage 1 400 km de frontière avec le Mali.

Mes chers collègues, ces enjeux, combinés à bien d’autres rappelés par plusieurs orateurs, nous invitent à approuver le projet de loi permettant d’entériner l’accord de coopération du 21 juin dans le domaine de la défense. En conséquence, le RDSE l’approuvera à l’unanimité.

Son adoption contribuera encore un peu plus à l’apaisement des relations entre nos deux pays. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que le Gouvernement encouragera aussi toutes les autres formes de coopération. Je pense en particulier aux actions de développement que la France devra engager en faveur de l’amélioration des conditions de vie des Algériens.

La situation économique et sociale du pays reste très fragile, malgré les mesures décidées par le président Bouteflika au moment des « printemps arabes ». Nous savons d’expérience que les crises politiques se nourrissent de la pauvreté et que les extrémismes prospèrent quand les injustices sont profondes. C’est pourquoi notre solidarité à l’égard du peuple algérien doit s’exercer sur tous les fronts, au nom d’une amitié retrouvée. §

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