Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'entamer ce débat sur l'ISF, je souhaite vous faire part de ma stupeur et de ma colère devant l'indécence totale et l'hypocrisie des tenants d'une remise en cause, pudiquement nommée « aménagement », de cet impôt relevant de la justice sociale.
Alors que nous abordons l'hiver, que des millions de nos concitoyens s'apprêtent à passer des moments difficiles, au point que le Gouvernement doive concéder une prime de Noël, d'ailleurs bien insuffisante - nous demandons qu'elle soit augmentée de 300 euros - que 3 millions de Français vivent avec 579 euros de ressources mensuelles selon le rapport de l'INSEE de 2004, que plus de 3 millions d'entre eux sont recensés au chômage, que plus de 10 millions subissent la précarité, le débat budgétaire de cette année s'est focalisé, sur l'initiative des plus libéraux, mais avec l'oeil bienveillant de M. Sarkozy et de l'ensemble du Gouvernement, sur le grand malheur de 300.000 Français - nous sommes plus de 60 millions - qui vont subir le joug d'une imposition sur leur fortune.
La lecture du compte rendu des débats de l'Assemblée nationale est édifiante et reflète un véritable concert de lamentations, d'apitoiements sur des victimes d'une société bien injuste à leur égard.
Pis, 350 personnes auraient même été bannies de notre territoire ! M. Marini a consacré à ce sujet, le 5 octobre dernier, un article surprenant dont il reprend la logique dans son rapport. Il « victimise » ces personnes qui font le choix de leur fortune contre celui de l'intérêt général, ces personnes qui confirment bien que l'argent n'a pas de patrie. L'indécence manifestée à l'égard de ceux qui souffrent réellement, qui bouclent difficilement les fins de mois est inadmissible.
Peut-on accepter en effet que la majorité parlementaire, le Gouvernement, qui ne fait rien contre les délocalisations, qui brade le service public aux intérêts privés, tentent de placer au centre du débat fiscal la justice de l'ISF ?
Je dénonce avec force ce tour de passe-passe idéologique, car c'est bien d'idéologie qu'il s'agit. Ce sont les préceptes ancrés des fondateurs du libéralisme qui sont repris au nom d'une modernité poussiéreuse.
Adam Smith n'indiquait-il pas que « l'homme économe est un bienfaiteur pour l'humanité » ? Deux siècles plus tard, la même chanson est reprise par le ministre, aujourd'hui président de l'UMP. Ainsi, M. Sarkozy déclarait, le 21 octobre dernier, devant les députés : « A cet égard, je voudrais faire état d'une conviction. Tous les Français n'ont évidemment pas la chance d'avoir d'un patrimoine. Mais l'égalité des chances, c'est le fait que chacun de nos compatriotes poussé par son travail acquiert un patrimoine pour le léguer à ses enfants. »
Comme à son habitude, M. Sarkozy se livre à un détournement de sens. L'égalité des chances est mise au service de la préservation inégalitaire du capital.
La droite, aiguillonnée par sa frange la plus libérale, n'a de cesse depuis 1982, date de la création de l'impôt sur les grandes fortunes, de vouloir supprimer cette participation a minima des plus riches à l'effort de solidarité.
Plutôt que d'adopter, comme en 1986, une mesure d'éradication, la droite préfère rogner petit à petit l'ISF. L'article 9 bis, qui permet la réactualisation du barème de cet impôt, s'inscrit dans cette stratégie tout comme les amendements que défendra M. Marini, dont certains étaient annoncés par M. Sarkozy lui-même, le 21 octobre dernier.
Les membres du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre cet article, qui confirme le choix fondamental du Gouvernement, celui des plus riches et certainement pas, contrairement au tour de passe-passe sémantique de M. Sarkozy, celui du travail.