Intervention de Denis Badré

Réunion du 29 novembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Article 9 bis précédemment réservé

Photo de Denis BadréDenis Badré :

Le plafonnement à 80 % des revenus me paraît juste en cela qu'il apporte une réponse au problème de celui qui est incité à partir parce qu'il refuse d'entamer son patrimoine pour payer l'impôt qu'il doit sur ledit patrimoine. Regardons cette réalité en face sans juger quiconque.

J'en viens au problème de la résidence principale. Les contribuables assujettis à l'ISF ne sont pas toujours des riches pouvant s'offrir toutes les folies de la terre. Je citerai l'exemple de l'un de mes amis, qui est guide de haute montagne et moniteur de ski à Chamonix. Ses revenus sont modestes. Il travaille trente ou quarante jours par an et vit le reste de l'année avec ce qu'il a gagné durant ces quelques semaines. Il habite dans le chalet qu'il a hérité de sa famille. Or, à Chamonix, comme vous le savez, les prix de l'immobilier ont augmenté. Son chalet a donc pris une grande valeur. Tant mieux pour lui !

Or, malgré la valeur de son patrimoine, ce guide n'a pas de revenus lui permettant de s'acquitter de l'ISF, qu'il est condamné à payer. Pour ce faire, il doit vendre son chalet et aller s'installer dans un appartement ailleurs. C'est absurde ! C'est un gâchis humain. C'est ainsi que les vallées de montagne se désertifient. Quel que soit le jugement que l'on porte sur l'évolution de la valeur du foncier et des prix de l'immobilier dans la vallée de Chamonix, et dans les stations de sports d'hiver en général, je vous invite à regarder cette réalité en face, une fois encore sans jeter l'anathème sur qui que ce soit.

La taxation du patrimoine ne doit pas empêcher les contribuables d'investir, de participer au capital des PME. Il faut le dire en toute sérénité.

Tout en étant réalistes quant aux marges de manoeuvre dont nous disposons cette année, nous vous demandons, monsieur le secrétaire d'Etat, de poursuivre avec nous sur ce sujet une réflexion de fond, dépassionnée et constructive. Je vous propose de l'articuler autour de trois points.

Premièrement, monsieur le secrétaire d'Etat, vos services sous-estiment l'importance du phénomène des départs à l'étranger. Je l'avais constaté lors des travaux de la mission commune d'information. En effet, vos services procèdent à une analyse en termes de coût fiscal net. Ils considèrent que, lorsqu'un redevable de l'ISF quitte la France, cela fait moins d'ISF. Or, nous perdons bien plus que cela ! En effet, celui qui part et met fin à ses activités en France cesse également de payer les autres impôts. Nous perdons également le produit des impôts de tous ceux qui, à travers son entreprise, directement ou indirectement, consomment en France, paient la TVA, etc. Je souhaite donc que nous procédions à un bilan économique global de ces départs et non plus simplement à une analyse en termes de perte fiscale nette.

Par ailleurs, toujours selon vos services, le nombre d'assujettis à l'ISF qui, chaque année, quittent la France est à peu près le même. Le phénomène serait donc constant. Mais il s'aggrave, monsieur le secrétaire d'Etat ! Ceux qui partent ne reviennent pas, en tout cas pas tous, l'année suivante ! Le nombre de ceux qui sont partis est donc de plus en plus élevé.

Enfin, ne négligez pas le fait qu'un certain nombre de jeunes partent avant d'être assujettis à l'ISF, comme la mission commune d'information l'avait très clairement mesuré. Il s'agit souvent de jeunes très dynamiques, qui auraient créé dans notre pays des entreprises, déployé de l'activité, payé l'ISF et qui, à travers leurs entreprises, auraient entraîné le paiement d'autres impôts par de nombreuses personnes.

Ces jeunes vont chez nos concurrents, dont ils alimentent l'économie et qui, disposant de recettes fiscales plus importantes, peuvent développer leur économie de manière beaucoup plus forte. Tout cela est très fâcheux !

Deuxièmement, ne sous-estimons jamais la dimension psychologique du problème. Les redevables de l'ISF qui partent ne s'en vont jamais de gaieté de coeur. Il suffit souvent d'un tout petit geste, par exemple l'actualisation du barème de l'ISF, pour les retenir. Il suffirait d'un rien pour qu'ils décident de rester, conscients que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour eux cette année et dans l'espoir que nous en ferons peut-être un peu plus l'année prochaine. En revanche, ne rien faire, c'est précipiter leur départ. Une fois encore, ne portons pas de jugement sur leurs choix, mais examinons la situation avec réalisme et faisons en sorte qu'ils ne partent pas.

Troisièmement, n'oublions pas que nous appartenons à l'Union européenne. Sachons donc faire les comparaisons qui s'imposent avec les autres pays de l'Union, s'agissant de la taxation du patrimoine ou d'autres éléments qui entrent dans le financement de l'économie.

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