Intervention de Michel Charasse

Réunion du 29 novembre 2004 à 9h30
Loi de finances pour 2005 — Article 9 bis précédemment réservé

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

Cette affaire d'impôt de solidarité sur la fortune fait, depuis de nombreuses années, l'objet d'un de ces débats rituels qui ont lieu au Parlement. Tous les ans, rebondissent, au moment de l'examen du projet de la loi de finances, et parfois aussi d'autres textes, les questions qui sont posées aujourd'hui.

Je partage très largement, et même totalement, ce que vient de dire Nicole Bricq.

Le problème est que nous nous repassons une « patate chaude », que nous ne savons pas, ni les uns ni les autres, comment on peut s'en débarrasser. Pourquoi est-ce une « patate chaude » ? Parce que cet impôt qui aurait dû rapporter de l'argent, qui aurait dû contribuer à l'équité fiscale, qui aurait dû améliorer la répartition des charges nationales « entre les citoyens, en raison de leurs facultés », comme l'indique la déclaration de 1789, en l'occurrence à proportion des facultés des plus fortunés, est devenu, dans les faits, d'abord et surtout, un symbole populaire.

Cela me rappelle, à moi, ce que peut dire Pierre Mauroy dans ses discours de congrès à propos des « gens du château ». Cela peut rappeler aussi, en sens inverse, ceux qui parlaient de « la vaisselle d'or de Léon Blum » ou ceux qui disaient de Poincaré, parce que, un jour, visitant un cimetière, aveuglé par le soleil, il avait fait une grimace : « l'homme qui rit dans les cimetières ». On est dans l'inconscient populaire, et il faudra bien en sortir.

J'ai la faiblesse de croire que tout le monde est à peu près d'accord pour penser qu'il faut taxer la fortune, que c'est un élément qui doit contribuer au financement des dépenses publiques. La question est de savoir si l'on taxe la fortune pour établir l'équité fiscale ou pour faire plaisir, dans un instant de crispation, à l'opinion publique.

Dans les années 1981, 1982, lorsque a été créé l'impôt sur les grandes fortunes - et j'ai été, parmi beaucoup d'autres, associé de près à cette création -, a-t-on été trop naïf ? Sans doute. Au fond, on en est arrivé à taxer uniquement la fortune traditionnelle. On a laissé de côté les bois et forêts ; le président Mitterrand, pensant à Colbert, ne voulait pas que l'on porte atteinte au reboisement de la France ; et il avait raison ! Jack Lang, lui, ne pensait qu'aux oeuvres d'art. On n'a pas taxé non plus les biens professionnels : non parce qu'on ne voulait pas les taxer, mais parce qu'on ne savait pas comment faire ! On a donc été un peu naïf et on s'est débrouillé pour ne taxer que la fortune traditionnelle. A vouloir faire un impôt simple, on a sans doute fait un impôt un peu simpliste !

Arrive la première cohabitation ; MM. Chirac et Balladur suppriment l'impôt. Erreur très grave ! On a touché au symbole !

En 1988, l'impôt est rétabli par la majorité de l'époque, et plus particulièrement par moi-même puisque j'occupais le poste qu'occupe actuellement Dominique Bussereau.

Si on a été naïf en 1981, 1982, n'a-t-on pas été un peu stupide en 1988 ?

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