Intervention de Éliane Assassi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 28 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Mission « sécurité » - examen du rapport pour avis

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi, rapporteure pour avis des crédits affectés à la mission « Sécurité » :

C'est la première fois que je porte un jugement favorable sur ce budget. Il marque incontestablement une rupture avec les cinq années précédentes.

L'an dernier, l'application stricte de la RGPP, couplée à une politique du chiffre toujours plus prégnante, avait créé un malaise grandissant parmi les agents et les organisations syndicales, quelle que soit leur orientation politique supposée, et suscité des dissensions croissantes entre les agents des deux forces, ainsi qu'entre les différents corps de la police nationale. Dans ce contexte, les annonces faites par le ministre de l'intérieur vont dans la bonne direction et suscitent, sinon la satisfaction des agents, du moins leur attente bienveillante. Ainsi en est-il de la fin du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; les effectifs vont croître de nouveau - quoique faiblement - de 288 agents pour la police nationale et 192 pour la gendarmerie. Ces renforts ne se traduiront pas immédiatement sur le terrain, puisqu'il faut compter dix mois à deux ans de formation. En revanche, les 3 300 adjoints de sécurité et les 7 500 adjoints volontaires de la gendarmerie qui seront recrutés seront plus rapidement opérationnels. Il conviendra toutefois de veiller à ce que les zones de sécurité prioritaires (ZSP) se voient affecter prioritairement des personnels expérimentés. Il en va de la réussite du dispositif.

Deuxième annonce positive, la création de ces ZSP, déjà partiellement mise en oeuvre. Il s'agit de concentrer les moyens et de mobiliser les acteurs de la sécurité dans les territoires marqués par une délinquance élevée et difficile à combattre ; 64 zones ont déjà été mises en place. Au-delà du renforcement de la présence visible et d'une meilleure coordination des acteurs, il faut retenir la désignation de délégués police-population et la volonté de dynamiser les instances locales de prévention de la délinquance. Certaines organisations syndicales soulignent toutefois que la contrainte budgétaire pèsera sur le dispositif et s'interrogent sur les critères de choix de tel ou tel territoire.

Autre évolution, l'attention nouvelle portée à la qualité des relations entre les forces de l'ordre et les habitants. Elle se traduira par la rénovation d'un code unifié de déontologie police-gendarmerie et par la mise en oeuvre de certaines des préconisations du rapport du Défenseur des droits, telles que le retour du port du matricule ou la formation renforcée aux contrôles d'identité et aux palpations de sécurité. Reste la question sensible du récépissé lors des contrôles d'identité. Il me semble que cette mesure, qui a déjà fait la preuve de son efficacité en Espagne et en Angleterre, pourrait être expérimentée dans certains territoires.

La fin de la politique du chiffre et la mise en oeuvre de nouveaux indicateurs de performance plus qualitatifs sont bienvenues. Cela exige que soient à la fois modifiés les outils d'enregistrement de la délinquance et les indicateurs de l'action des agents. Si la mise en place en 2013 d'un nouveau logiciel de rédaction des procédures de la police peut apporter des améliorations, beaucoup reste à faire. Le ministre a demandé aux inspections générales de l'administration, de la police et de la gendarmerie une évaluation des pratiques d'enregistrement statistique en vue d'une remise à plat de l'ensemble du système, ce dont je me félicite.

Les enquêtes de victimation réalisées par l'Insee et l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales permettent, quant à elles, d'aborder la délinquance par d'autres méthodes. L'enquête réalisée en 2011 fait apparaître une stabilité des atteintes aux biens, une diminution significative des atteintes aux personnes mais paradoxalement un accroissement du sentiment d'insécurité.

Voilà pour les points positifs de ce budget. Mais les moyens de fonctionnement et d'investissement resteront très contraints, ce qui obligera les deux forces à accomplir de nouveaux efforts pour préserver leurs missions. Les crédits hors titre II diminueront de 3,6% en 2013, après une baisse de 10,2 % entre 2006 et 2011 pour la police et de 17,8 % pour la gendarmerie. La Cour des comptes a estimé en 2011 qu'« au sein des crédits généraux de fonctionnement et d'équipement, certains postes ont connu des évolutions qui pourraient ne pas être sans risque pour l'efficacité de l'action des services, à organisation inchangée ».

Pour retrouver des marges de manoeuvre, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie envisagent de rationaliser les doublons organisationnels comme ceux formés par la direction des ressources et des compétences (DRCPN) avec les différents services comparables au sein des directions centrales. Ils lanceront, à titre expérimental, une mutualisation des activités de police technique et scientifique en milieu rural et de la réparation et de l'entretien des véhicules au sein de la zone de défense et de sécurité Nord. Surtout, une direction de l'équipement et de la logistique commune aux deux forces devrait être créée et placée sous l'autorité conjointe des deux directeurs généraux. Couronnement des efforts de mutualisation en cours, elle aura en charge les acquisitions d'armes, de moyens mobiles et d'habillement. La Cour des comptes estime que si la mutualisation des achats n'a pas encore abouti à des économies substantielles, c'est faute d'avoir été accompagnée par des restructurations de services.

Comme les années précédentes, nous manquons d'une vision d'ensemble de la direction prise par le rapprochement des deux forces. La pression budgétaire amène inexorablement à une multiplication des mutualisations, qui posent à leur tour la question d'un rapprochement plus approfondi. Le domaine de la police technique et scientifique est exemplaire de ces ambiguïtés. D'un côté, les structures se rapprochent, achètent de plus en plus leurs consommables en commun, créent des groupes de travail inter-laboratoires et interservices ; de l'autre, les responsables des deux forces insistent sur le fait qu'il n'y a pas de concurrence stérile entre l'Institut national de police scientifique, la sous-direction de la police technique et scientifique et l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale mais plutôt des complémentarités comme en matière de d'analyse et d'identification génétiques. Si, comme notre commission l'a affirmé à plusieurs reprises, la fusion des deux forces n'est pas envisageable, il est normal que subsistent de part et d'autre des structures dont les missions se recouvrent.

Autre source d'économies, le transfert à l'administration pénitentiaire de l'intégralité des missions de transfèrement et extractions judiciaires, ainsi que d'escorte et de garde des détenus hospitalisés en unités hospitalières sécurisées interrégionales, décidé fin 2010, devait s'effectuer progressivement entre 2011 et 2013. Or, au 31 décembre 2012, l'administration pénitentiaire n'aura repris que les régions Picardie, Franche-Comté, Champagne-Ardennes et Midi-Pyrénées. Une évaluation du programme a été demandée par les ministères de la justice et de l'intérieur aux inspections générales des finances, de l'administration et des services judiciaires. En attendant, les transferts d'équivalents temps plein travaillé sont suspendus pour 2013.

Les investissements seront, cette année encore, extrêmement contraints, en particulier pour l'immobilier de la gendarmerie nationale. Situation inédite, aucune nouvelle construction ni aucune réhabilitation d'ampleur ne pourront être entreprises. Le directeur général de la gendarmerie nationale a exprimé sa vive préoccupation, alors que des familles de gendarmes sont toujours très mal logées dans les casernes. Pour la police, 2013 verra le lancement de la construction des commissariats de Sevran, des Mureaux et de Saint-Chamond, ainsi que de l'opération de relogement de la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police sur le site des Batignolles, à côté du futur tribunal de grande instance.

Enfin, le programme 207 « Sécurité et éducation routières », qui finance l'essentiel des actions de prévention routière et de formation, est désormais rattaché à la mission « Sécurité ». La mortalité sur les routes diminue de manière régulière depuis 2008 et le nombre de tués pourrait s'établir en 2012, pour la première fois, en-dessous de 4 000, ce dont on ne peut que se féliciter. S'agissant du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », volet répressif de cette politique, l'Assemblée nationale a, en première lecture, adopté à l'initiative de Christian Eckert un amendement qui augmente de 5 millions d'euros les sommes attribuées aux collectivités territoriales.

L'ensemble de ces observations m'amènent à vous proposer de donner un avis favorable aux crédits de la mission « Sécurité » pour 2013.

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