Intervention de Geneviève Fioraso

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Audition de Mme Geneviève Fioraso ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Nous participions ce matin aux Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous l'égide de M. Serge Haroche, prix Nobel de physique 2012, et de Mme Françoise Barré-Sinoussi, présidente du comité de pilotage de ces Assises, prix Nobel de médecine en 2008. La présence du Premier ministre y a été le signe d'un engagement fort du Gouvernement en faveur de la recherche. Le rapport du comité de pilotage sera remis au Président de la République le 17 décembre prochain ; un projet de loi d'orientation pour la recherche et l'enseignement supérieur suivra au cours du premier semestre 2013 après un temps de concertation, car certaines questions n'ont pas pu être tranchées dans le cadre des Assises.

Le budget 2013 amorce des transformations. Vous connaissez la situation financière difficile des universités, le statut des précaires dans les organismes de recherche, les chiffres médiocres de la réussite des étudiants en premier cycle, les conditions d'accueil des étudiants étrangers qui pourraient être meilleures. Le budget augmente de 2,2 % à structure courante - il devait initialement baisser de 3,5 %. Il s'inscrit dans le budget de combat voulu par le Premier ministre en faveur de la croissance, de l'emploi, de la compétitivité, de l'innovation ; il parie sur la jeunesse, la formation et l'avenir ; il favorise la justice sociale, au moment où l'ascenseur social ne fonctionne plus et même régresse. Avec 25,95 milliards d'euros, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) augmentent de 548 millions d'euros par rapport à 2012, soit une progression de 2,15 % à structure courante et de 2,16 % à structure constante. Je ne mélange pas, comme certains de mes prédécesseurs ont pu le faire, crédits de paiement, autorisations d'engagement, dépenses fiscales et moyens extrabudgétaires, des crédits toujours annoncés mais jamais distribués... Il s'agit de 548 millions de crédits budgétaires réels, dont 497 millions d'euros sont consacrés directement à mon ministère.

Ce budget est au coeur d'une politique de redressement et de croissance fondée sur une élévation du niveau global de formation et de notre effort de recherche, dont nous attendons une diffusion des effets dans le tissu industriel. Mais n'opposons pas recherche fondamentale, dont on ne peut anticiper les retombées éventuelles sur l'économie, et recherche appliquée. Il faut sanctuariser la recherche fondamentale. Seuls 47 % des effectifs d'une classe d'âge sont diplômés de l'enseignement supérieur et seulement 28 % si l'on considère le niveau licence. Nous stagnons. Il en va de même pour les dépenses intérieures en matière de recherche et développement qui représentent 2,24 % du produit intérieur brut (PIB) depuis dix ans, alors que l'Allemagne a déjà atteint le seuil de 3 % fixé à Lisbonne, sans parler de la Corée du Sud et des pays émergents qui sont bien au-delà. Il est essentiel, en dépit de l'effort de redressement des comptes publics, de maintenir notre engagement dans ce domaine.

La justice sociale est une priorité. Parmi toutes les composantes de ce budget, ce sont les aides aux étudiants qui progressent le plus, avec une augmentation de 7,4 %, concentrée sur les bourses sur critères sociaux et le logement étudiant, dont le budget augmente de 30 %. Les 1 000 créations de postes prévues en 2013 s'inscrivent également dans cet objectif de justice sociale puisqu'elles sont ciblées pour améliorer les conditions de réussite en premier cycle. Les actions entreprises feront l'objet d'une traçabilité, à la différence du dernier plan pluriannuel pour la réussite en licence qui a coûté 730 millions d'euros, alors que le taux de réussite a chuté de 5 %...

Ce budget met en oeuvre toutes les priorités définies par le Président de la République et le Premier ministre et inscrit pleinement l'enseignement supérieur et la recherche dans l'agenda du redressement.

Le programme 231 « Vie étudiante », avec 2,33 milliards d'euros, augmente de 158,6 millions d'euros en crédits de paiement. Cet effort exceptionnel en faveur des étudiants porte principalement sur les bourses, avec une progression de près de 140 millions. Deux anomalies seront ainsi corrigées. Le dixième mois de bourse sera enfin, pleinement et sincèrement, financé. La Cour des comptes a rappelé qu'il n'avait pas été budgétisé ces deux dernières années : en 2011, il a fallu trouver de manière improvisée 112 millions d'euros en fin de gestion, au détriment d'autres budgets ; en 2012, 140 millions. L'augmentation des crédits permettra aussi de financer la revalorisation des bourses au niveau de l'inflation - rien n'avait été prévu pour cela dans le budget 2012. Enfin, conformément aux engagements du Président de la République réaffirmés lors des Assises par le Premier ministre, une mission d'analyse des différentes aides aux étudiants sera lancée. Elle travaillera en étroite concertation avec les associations étudiantes, les familles, les collectivités, pour aboutir en 2013. En outre, l'engagement du Gouvernement en faveur du logement étudiant, avec une cible de 40 000 logements sur cinq ans, justifie une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros.

Ce programme est exemplaire de la stratégie budgétaire que j'entends conduire. Il repose, après trois ans de critiques de plus en plus sévères de la Cour des comptes, sur une budgétisation sincère et irréprochable. Il concentre ses moyens nouveaux sur les grandes priorités, notamment le logement étudiant, qui représente jusqu'à 70 % du budget d'un étudiant en région parisienne, près de la moitié ailleurs.

Le programme 150 « Formations universitaires et recherche universitaire », avec 12,76 milliards d'euros, voit ses crédits progresser de 247 millions d'euros à périmètre constant par rapport à 2012, soit une augmentation de plus de 2 %.

Les moyens alloués aux établissements, soit les crédits des titres II et III, augmentent de 210 millions en crédits de paiements. Ils correspondent à la couverture de la progression automatique des rémunérations, c'est-à-dire au financement à l'euro près des charges liées à l'augmentation du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et à la consolidation des effets des mesures catégorielles antérieures. Là encore, il est mis fin aux acrobaties budgétaires. Ils permettent, de plus, de financer la création de 1 000 emplois dans les universités, pour un total de 28 millions d'euros en 2013 et de 61 millions d'euros en année pleine. Ces emplois seront consacrés à améliorer la réussite des étudiants en premier cycle ; nous tirerons toutes les leçons de l'échec du plan pluriannuel pour la réussite en licence. Ils seront alloués, dans un cadre contractuel assorti d'indicateurs précis, aux établissements qui connaissent des difficultés d'encadrement et de moyens. Ils permettront d'engager de véritables évolutions pédagogiques à côté des actions d'accompagnement individuel des étudiants : le développement du numérique, de l'alternance, le remplacement des cours en amphithéâtres surchargés par des cours en ligne afin de mieux réaffecter les enseignants vers les travaux dirigés en petits groupes... Enfin, ces moyens supplémentaires aideront à la création des futures écoles supérieures du professorat et de l'enseignement au sein des universités. Je travaille en étroite collaboration avec M. Vincent Peillon sur cette réforme qui rétablit les stages pratiques encadrés, nécessaires pour acquérir l'art de transmettre des savoirs. La mastérisation avait oublié cette réalité élémentaire...

L'autre grand poste du programme 150 correspond à l'immobilier universitaire. Ses crédits progressent de 47 millions d'euros pour atteindre 505 millions d'euros. Nous poursuivons les contrats de projets État-région (CPER) 2007-2013 dans de bonnes conditions, achevons l'opération de réhabilitation du site de Jussieu et commençons à reconstituer une ligne de mise en sécurité des bâtiments ; celle-ci était tombée à 10 millions d'euros en 2012, elle sera portée à 20 millions en 2013 et augmentera encore en 2014 et 2015. Enfin, le coût des dévolutions patrimoniales est stabilisé au niveau calculé pour les trois universités - Clermont 1, Poitiers, Toulouse Capitole - qui se sont vu transférer leurs bâtiments, soit 21,9 millions d'euros.

L'année 2013 sera une année capitale pour les universités et les établissements d'enseignement supérieur. Nous tirerons toutes les conséquences des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche pour réformer certains aspects de la loi LRU et de la loi sur la recherche de 2006, qui seront remplacées par une loi d'orientation unique. Nous concentrerons nos efforts sur la réussite en premier cycle en mettant l'accent sur les réformes pédagogiques. La carte des formations sera simplifiée, afin de la rendre plus lisible pour les étudiants, les familles et les employeurs. Comment s'y retrouver dans le maquis des 3 300 intitulés de licence et 6 600 intitulés de mastères ? Nous réformerons le système d'allocation des moyens aux universités, le bien mal nommé système « SYMPA », pour corriger les déséquilibres historiques et disciplinaires, les sciences humaines étant fortement défavorisées par rapport aux sciences dites exactes. Pour mener à bien ces chantiers, que nous conduirons en concertation avec la Conférence des présidents d'universités (CPU), nous avons besoin d'établissements dont l'autonomie est assise sur des bases solides et qui abordent le dialogue stratégique avec l'État dans un climat de confiance retrouvée. Ce budget le permet.

Enfin, la recherche. Elle regroupe les programmes 172, 187 et 193, dont les crédits progressent de 92 millions d'euros, soit plus 1,2 %, pour atteindre 7,86 milliards d'euros. Les moyens en personnel des organismes de recherche ont été maintenus en 2013 à leur niveau de 2012 avec, de surcroît, le financement intégral de la hausse des cotisations au CAS « Pensions » ; 100 % des départs en retraite seront remplacés. Le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu pour la croissance que représentent le renouvellement des chercheurs et le maintien de notre potentiel scientifique.

Les moyens de fonctionnement des organismes progresseront, pour la première fois depuis 2007, grâce à un rééquilibrage de 60 millions d'euros entre financement sur projets et financement récurrent. Leurs dotations augmenteront de 3 % à 4 %, 3,15 % en moyenne. Il s'agit d'une véritable rupture avec la tendance des dernières années, où le « tout projet », incarné par la montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et du programme des investissements d'avenir (PIA), a eu pour effet d'assécher les crédits récurrents dédiés à la recherche fondamentale. Nos chercheurs doivent être protégés de la course permanente et épuisante aux financements.

Le conseil d'administration de l'ANR a adopté le 14 novembre les grandes orientations de la programmation 2013. Le soutien à la recherche fondamentale est réaffirmé : 49 % des financements seront consacrés aux appels à projet non thématiques - programmes blancs, programmes jeunes chercheurs et programmes en faveur des post-docs. Une meilleure articulation avec les programmes européens est engagée. Les bénéficiaires du programme « Jeunes chercheuses, jeunes chercheurs » seront préparés à concourir au programme starting grants du Conseil européen de la recherche. Les dossiers de candidature seront harmonisés, ainsi que les orientations de la recherche. Les enjeux sociétaux - allongement de la vie, protection de l'environnement, transition énergétique, société inclusive, novatrice et sûre - deviennent l'axe stratégique des appels d'offre thématiques, avec 51 % des financements, dans une perspective pluridisciplinaire. Cette orientation sociétale rend la recherche plus compréhensible aux citoyens. La programmation participe au redressement productif et à l'amélioration de la compétitivité grâce au renforcement de la recherche partenariale et technologique : Institut Carnot, chaires industrielles, participation au financement des nouveaux outils mis en place au niveau européen. Ce renforcement des partenariats entre la recherche publique et les petites et moyennes entreprises (PME) se fera par le financement de 100 laboratoires communs autour d'une dizaine de grands défis. En outre, la précarité sera réduite, le financement alloué aux contrats à durée déterminée (CDD) étant plafonné à 30 %, et un effort fait pour l'accueil des doctorants et des post-docs.

Enfin, nous honorons les engagements internationaux déjà souscrits par la France et nous lançons de nouvelles coopérations stratégiques : 1,1 milliard d'euros y est consacré en 2013, contre 1 milliard en loi de finances initiale 2012. Cette augmentation correspond à la stabilisation des contributions aux grandes organisations, auxquelles n'a pas été appliquée de norme d'économie transversale, et à une montée en puissance de deux contributions : la participation à l'organisation internationale ITER « International Thermonuclear Experimental Reactor », jusque-là sous-budgétisée, est portée de 61,9 à 100 millions d'euros ; et celle à l'Agence spatiale européenne (ESA), de 770 à 799 millions. A Naples, nous avons obtenu un accord pour un nouveau programme cadre de la recherche européenne (PCRD).

La reconquête des contrats européens constitue une autre priorité. La part française dans les financements accordés au titre du 7e PCRD est tombée à 11 % alors que notre contribution s'élève à plus de 18 %. Nous sommes le deuxième contributeur européen mais notre taux de retour est très inférieur, alors que notre taux de succès dans les appels à projet est supérieur à la moyenne. Nos chercheurs ont été découragés par la multiplication des appels à projet ces dernières années. Nous nous sommes privés ainsi de synergies avec nos partenaires européens et de visibilité internationale. Dans la compétition mondiale le bon niveau est le niveau européen. D'ores et déjà le conseil des ministres européen s'est rallié à notre position en décidant la simplification de l'accès aux financements du 8e programme à l'horizon 2020 : les règles de financement directes seront plus généreuses et les dépenses indirectes plus faciles car en partie forfaitaires. Les PME et les laboratoires publics auront un accès plus aisé aux financements européens. Avec ma collègue allemande nous nous sommes battues avec acharnement pour y parvenir, jusqu'à la dernière minute... Enfin le dernier conseil interministériel de l'ESA a ouvert la voie au nouveau lanceur Ariane 6. Cela n'était pas acquis.

Tels sont les grands axes politiques de ce budget. Je suis heureuse de défendre devant vous un projet qui concilie ambition et responsabilité, et qui parvient à cibler précisément les efforts dans une période de redressement budgétaire.

Je remercie les rapporteurs. Vos observations m'ont été communiquées. J'en tiendrai compte.

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