Intervention de Geneviève Fioraso

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 27 novembre 2012 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2013 — Audition de Mme Geneviève Fioraso ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Le GVT n'a jamais été budgétisé pour les universités - il est en revanche inclus dans le budget des organismes de recherche pour les responsabiliser dans leur gestion. A moyen terme les universités devront l'intégrer également, cela participe de leur autonomie. Nous allons les accompagner le temps de réformer le système SYMPA, ce qui prendra un an ou deux.

Le CAS « Pensions » est financé intégralement, les crédits du titre II étant transférés à due concurrence au moment du passage aux RCE, ce qui n'empêchera pas un léger écart pour les universités qui seraient intégrées après le calcul des bases. Vos auditions ont sans doute eu lieu avant l'arbitrage interministériel favorable, que nous attendions comme le Messie, dont nous avons bénéficié il y a une dizaine de jours, portant sur 6 millions d'euros pour cette année et 23 millions d'euros en année pleine.

Pour les universités sous-dotées, nous avons partagé avec la CPU la répartition des 1 000 emplois moins les 189 attribués sur critères plus qualitatifs, en nous mettant d'accord sur des critères objectifs. Le résultat a été finalement accepté par tous.

La remédiation... Sur une centaine d'universités, neuf connaissent un déficit récurrent et 30 % une situation préoccupante. Dans la mesure où les salaires sont assurés, le seuil prudentiel du fonds de roulement pourrait être réduit d'un mois à quinze jours ; nous discutons avec M. Cahuzac des conditions prudentielles qui seront précisées dans les jours qui viennent. La dégradation est incontestable. Nous devons faire face à neuf situations d'urgence. Nous accompagnons les universités les plus en difficulté, pour les aider à renforcer leur mode de gestion et anticiper leur politique de personnel. Elles ont pâti, ainsi que certains organismes de recherche, des appels à projets qui ont amplifié le recours aux emplois précaires, dont il nous revient d'assurer l'avenir.

L'Académie des sciences avait demandé la suppression de l'AERES, même si elle est revenue, devant l'Office parlementaire, à une position plus nuancée. Reste que l'agence est contestée par la plupart des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui pose, à l'évidence, un problème. L'évaluation, avec la compétence territoriale évoquée par M. Plancade, ont été deux sujets majeurs soulevés par les Assises qui n'ont pas fait l'objet de convergences.

Il n'est pas question de renoncer à l'évaluation, mais celle-ci doit s'inscrire dans une démarche de progression et non être une sanction. Nous allons y réfléchir et proposer de nouveaux dispositifs dans le futur projet de loi après concertation.

Il y aura un acte III de la décentralisation. Nous voulons donner davantage d'ampleur aux initiatives territoriales. Les régions sont volontaires pour s'occuper de la culture scientifique et technique ; les missions d'Universcience devront évoluer en ce sens ; pour autant, nous ne renonçons pas à des actions nationales, comme le soutien à « La Main à la pâte », créée par deux prix Nobel, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, suivis par Pierre Léna ; cette initiative a ouvert une voie qui, n'ayant pas pris l'amplitude qu'on pouvait attendre, doit être approfondie et soutenue par le ministère comme par les régions.

Nous avons fait dresser un bilan des investissements d'avenir et un audit des PPP, afin de comprendre pourquoi, cinq ans après, les annonces du plan Campus n'ont donné lieu à aucun permis de construire déposé ni à aucune pose de première pierre. Il en va de notre compétitivité. Un décret en Conseil d'État, pris début octobre, permet à des sociétés de réalisation, sortes de société d'économie mixte dédiées à un projet, intégrant les collectivités territoriales, de se substituer aux PPP, opaques, peu opérationnels, dont le périmètre est très strictement défini par la loi et ne peut constituer qu'un ultime recours lorsque toutes les autres formules de droit commun ont été étudiées. Ces sociétés permettent aux partenaires - collectivités, universités et organismes de recherche - de déléguer leurs droits fonciers. La Caisse des dépôts et consignations s'y associera, ce qui créera des emplois, non seulement dans l'innovation et la recherche, mais aussi dans le bâtiment et les travaux publics (BTP).

Je me suis exprimée récemment sur les SATT, parce que je m'interroge sur les ventes de licences, des études montrant que la perte de propriété industrielle entraîne la perte des emplois industriels. La poursuite de la rentabilité à tout prix conduit à ne pas prendre de risque et à ne pas favoriser l'innovation de rupture, qui crée pourtant huit fois plus de retour sur investissement que l'innovation incrémentale. Je suis tout à fait favorable au principe des SATT. J'ai simplement lancé quelques signaux d'alerte. Nous avons convenu avec le Commissariat général à l'investissement d'en dresser un bilan au bout d'un an.

Sur les investissements d'avenir, le rapport du Commissariat général à l'investissement est assez positif. Je me méfie un peu de l'auto-audit... Cela vaut pour l'évaluation, qui doit conjuguer l'expertise disciplinaire et un regard transversal.

Sur Campus France et l'accueil des étudiants étrangers, nous avons supprimé la circulaire « Guéant » : c'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Je travaille avec Manuel Valls et Laurent Fabius pour améliorer leur situation et la délivrance des visas. Une chercheuse roumaine en hydraulique, que son laboratoire a réussi à faire venir en France après deux ans d'efforts, ne devrait pas être tutoyée à la préfecture et ne devrait pas avoir à faire appel à moi, parce que nous nous connaissons, pour obtenir une caution pour son logement. Nous proposerons un dispositif dès le début de 2013.

Nous avons réorienté 60 millions d'euros de l'ANR vers les crédits récurrents et les projets blancs, pour répondre à la demande unanime des acteurs des Assises. La recherche fondamentale est essentielle. Tous les lauréats Nobel, tous les médaillés Fields le disent : heureusement que des patrons de labos leur ont fait confiance ! La confiance a priori doit être suivie d'une évaluation a posteriori qui ne soit pas tatillonne ni bureaucratique, mais cible la qualité des projets. L'ANR n'est pas menacée, elle peut encore engager 636 millions d'euros en 2013. Nous poursuivrons notre engagement en faveur des projets récurrents et de la recherche fondamentale dans les deux ans qui viennent.

La complexité de la recherche a été dénoncée par tout le monde. Dresser la liste des organismes existants fait peur. La lauréate du prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, qui a reçu plus de 1 300 contributions, en a même découverts certains... Chaque structure est d'accord pour simplifier celle du voisin. Nous procéderons par regroupement, par exemple au sein d'alliances de recherche, qui n'ont pas vocation à s'institutionnaliser mais correspondent aux grands thèmes retenus pour l'horizon 2020. Nous simplifierons les candidatures : un descriptif de trois pages devrait suffire pour se porter candidat à un projet national ou européen. Il s'agit de faciliter le travail des chercheurs qui se sentent écrasés par le poids des couches administratives qui se sont sédimentées avec le temps. Hubert Curien tenait que lorsqu'on créait une nouvelle structure, il fallait d'abord en supprimer deux : c'est une excellente maxime, que nous devrions tous avoir présente à l'esprit, y compris lorsque nous proposons de nouvelles dispositions législatives !

Le rapporteur général des Assises, Vincent Berger, qui a brillamment résumé les débats, a insisté sur la nécessité de mener des stratégies nationales et de site. Notre projet de loi s'en inspirera.

J'en viens au système SYMPA, le mal nommé, qui repose d'une part sur l'activité, fonction du nombre d'étudiants et d'enseignants avec une pondération disciplinaire, et d'autre part sur la performance, laquelle dépend de l'évaluation par l'AERES. Les sciences humaines et sociales (SHS), et singulièrement les sciences économiques, mettent en cause cette évaluation. Le système sera remis à plat en 2013. En concertation avec la CPU, nous ferons des propositions qui seront mises en oeuvre en 2014.

Le CIR est un dispositif largement interministériel, qui a été examiné au plus haut niveau. En temps de crise, la stabilité fiscale doit primer. Cela n'empêchera pas le contrôle de certains grands groupes, que je ne nommerai pas, mais qui ont multiplié les sociétés par actions simplifiées (SAS). Aux 5 milliards nous avons ajouté 300 millions d'euros pour l'innovation en faveur des PME-PMI et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). J'ai demandé que l'insertion de docteurs dans les projets éligibles soit un critère d'abondement du CIR. J'ai rencontré la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), le Mouvement des entreprises de France (Medef) et les grands corps de l'État afin que les grandes entreprises, comme en Allemagne, intègrent davantage de docteurs, susceptibles d'apporter une réelle valeur ajoutée, pour leur compétitivité, par rapport aux diplômés d'écoles de commerce ou d'autres filières. La CGPME est tout à fait partante, le Medef, après m'avoir assuré que c'était fait, s'est déclaré prêt à examiner de près cette proposition. Quant à la haute fonction publique, après avoir cru qu'il suffirait de discuter avec ma collègue de la fonction publique, je me suis rendu compte qu'il faudrait négocier, corps par corps, au corps à corps, pour y intégrer des docteurs, y compris en sciences humaines, qui sont un ferment de diversité par rapport à la pensée unique. Nous espérons aboutir avant la fin du quinquennat. Nous devons être exemplaires.

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